La longue paume : le roi des jeux tombé dans l’oubli

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Bien avant le tennis, il y avait la paume. Ce jeu de balle traditonnel français, longtemps considéré comme le roi des jeux, fut pratiqué par les rois, les clercs et les paysans. Il subsiste aujourd’hui, au cœur du jardin du Luxembourg à Paris, comme un précieux témoin de notre patrimoine sportif. Redécouvrez l’histoire fascinante de la longue paume, ce sport ancestral à la fois stratégique, athlétique et culturel.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Des cloîtres médiévaux aux cours royales : la genèse d’un jeu national

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Vue du château d'Ansy en 1754 qui signale la présence d'un terrain de jeu de longue paume 

La longue paume trouve ses racines dans le jeu de paume médiéval, pratiqué dès le XIe siècle dans les cloîtres par les ecclésiastiques. On y jouait d’abord à main nue, avec une balle de chiffon appelée « esteuf ». Peu à peu, la pratique se diffuse dans les villes et les campagnes, et l'on joue dans les rues, les places, les fossés comblés des châteaux. Cette démocratisation du jeu conduit les autorités à réglementer sa pratique : Charles V en interdit la pratique durant la semaine dès 1369, craignant que les artisans ne délaissent leur travail. Dès cette époque, la différence entre classes sociales se manifeste dans le matériel : les nobles utilisent une raquette, le peuple, resté fidèle au jeu à mains nues, a inspiré l’expression « jeu de mains, jeu de vilains ».

Au fil des siècles, le jeu évolue, les règles s’affinent, et deux formes se détachent : la courte paume, jouée en salle, et la longue paume, en plein air. Cette dernière, adaptée à de vastes terrains, devient un véritable sport de gagne-terrain, où l’on marque des points en « faisant mourir » la balle dans le camp adverse. Les rois de France, notamment Charles V, Charles VIII ou Louis XIII, y jouent avec passion. L’essor de la longue paume atteint son apogée à la Renaissance, avec jusqu’à 250 jeux de paume recensés à Paris à la fin du XVIe siècle. Ce jeu devient une composante essentielle de la culture physique française.

Des Champs-Élysées au Luxembourg : l’âge d’orde la longue paume

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Gravure ancienne du jeu de Longue Paume 

Sous l’Ancien Régime, la longue paume se joue autant dans les villes que dans les campagnes. À Paris, elle s’implante durablement, notamment aux Champs-Élysées, où des compétitions attirent dès le début du XIXe siècle un large public. Mais en 1853, les aménagements prévus pour l’Exposition universelle imposent le déplacement du terrain. C’est Napoléon III qui autorise le transfert au jardin du Luxembourg, où la Société de Longue Paume de Paris est fondée. Un chalet en bois y est édifié, remplacé en 1948 par le pavillon Raynal.

La longue paume se joue sur un terrain en plein air de 60 à 80 mètres de long pour 12 à 14 mètres de large. Les parties opposent une à six joueurs par équipe, selon les variantes. Deux types de matchs coexistent : les parties « enlevées », où la balle doit franchir une zone neutre à chaque échange, et les parties « terrées », plus libres dans le placement. Le point se gagne en « faisant mourir » la balle dans le camp adverse, soit en l’envoyant au-delà sans qu’elle soit renvoyée, soit en plaçant une « chasse », un repère qui suspend le point pour être rejoué après permutation des camps. Le comptage, hérité de la paume médiévale, suit la logique du tennis (15, 30, 40, jeu). Ce système, qui conjugue stratégie, placement et anticipation, fait de la longue paume un sport aussi tactique qu’athlétique.

Un sport toujours vivant entre la Picardie et Paris

 Chalet de la Société de Longue Paume de Paris, au jardin du Luxembourg en 1905. 

Le renouveau passe ensuite par la structuration sportive. En 1887, la longue paume intègre l’USFSA. Sous l’impulsion de Pierre de Coubertin, le sport se dote de championnats de France et d’un trophée commun avec le rugby : le Bouclier de Brennus, gravé par Charles Brennus. En 1900, la longue paume est au programme de l’Exposition Universelle et des Jeux olympiques de Paris. Les épreuves se tiennent au jardin du Luxembourg, avec 29 équipes françaises. Cette compétition demeure la seule apparition olympique de ce sport, qui poursuit toutefois sa dynamique.

 Gabriel-Joseph Raynal, Président-fondateur de la Fédération française de longue-paume 

En 1921, la Fédération Française de Longue Paume voit le jour, présidée par Gabriel Raynal, grande figure du sport français. Dans l'entre-deux-guerres, la longue paume reste très pratiquée, notamment en Picardie où les villages de la Somme, de l’Oise et de l’Aisne s’organisent en sociétés sportives. Ce sport, alliant vitesse, adresse et stratégie, se distingue notamment par la complexité de ses règles — en particulier le système des chasses — et par la finesse de son jeu.

Aujourd’hui encore, la longue paume est pratiquée à Paris sur son terrain historique du jardin du Luxembourg, mais aussi dans plus de 100 clubs en Hauts-de-France. Elle est reconnue comme patrimoine culturel immatériel depuis 2012. Des compétitions, des actions de transmission en milieu scolaire, et l’enthousiasme des passionnés continuent à faire vivre ce sport ancestral français, ancêtre du tennis et trésor de notre histoire sportive.

 

 


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GLOSSAIRE

  • Longue paume : forme de jeu de paume se jouant en extérieur sur un grand terrain ; ancêtre du tennis, mêlant tactique et endurance.

  • Courte paume : variante en salle du jeu de paume, plus codifiée, dont sont issus certains aspects du tennis moderne.

  • Esteuf : balle de chiffon utilisée dans les premières formes du jeu de paume au Moyen Âge.

  • Chasse : marqueur posé sur le terrain à l’endroit où une balle est arrêtée après deux rebonds ; le point sera rejoué après permutation des camps.

  • Faire mourir la balle : expression désignant le fait de gagner un point en envoyant la balle dans le camp adverse sans qu’elle soit renvoyée.

  • Partie enlevée : match dans lequel la balle doit franchir une zone neutre à chaque échange.

  • Partie terrée : match où la balle peut rouler et être renvoyée après rebond ; forme plus libre et stratégique.

  • Gagne-terrain : principe de jeu où l’on cherche à repousser l’adversaire en gagnant progressivement de l’espace de jeu.

  • USFSA : Union des sociétés françaises de sports athlétiques, première grande fédération sportive française à structurer les disciplines au XIXe siècle.

  • Bouclier de Brennus : trophée créé en 1892 par Charles Brennus, remis aux vainqueurs des championnats de longue paume et de rugby.

  • Pavillon Raynal : nom donné au chalet du jardin du Luxembourg en hommage à Gabriel Raynal, président fondateur de la Fédération Française de Longue Paume.

  • Fédération Française de Longue Paume (FFLP) : organisme fondé en 1921 pour promouvoir et encadrer la pratique de la longue paume en France.

  • Patrimoine culturel immatériel : label officiel du ministère de la Culture attribué aux traditions vivantes comme la longue paume depuis 2012.


POUR SE REPÉRER

 


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