Van Gogh, le choix du cloître à Saint-Paul-de-Mausole
2 VC des Carrières Saint-Rémy-de-Provence
Le 8 mai 1889, Vincent van Gogh se fait volontairement interner à l’asile de Saint-Paul-de-Mausole. À Saint-Rémy-de-Provence, dans un ancien monastère devenu asile, c'est dans le calme des Alpilles qu'il vient faire une retraite forcée. Entre cloître roman, champs d’oliviers et soins psychiatriques, il y trouve à la fois un répit et une source d’inspiration. Durant 53 semaines, il va y peindre certaines de ses œuvres les plus célèbres. Ce séjour en Provence devient l'un des moments les plus heureux de sa vie artistique.
L'HISTOIRE EN BREF
Un monastère pour se réfugier dans le silence
Chambre de Vincent van Gogh au monastère Saint Paul de Mausole à Saint Rémy de Provence.
Au pied des Alpilles, dans la campagne provençale balayée par le mistral, s'élève depuis le XIe siècle le monastère de Saint-Paul-de-Mausole. Construit non loin de l'antique cité de Glanum, il doit son nom au mausolée romain voisin, les Antiques. Avec son cloître roman, ses galeries ornées de chapiteaux sculptés et son clocher pyramidal, le lieu dégage une harmonie mystique. Au fil des siècles, plusieurs congrégations s'y succèdent, puis la Révolution en chasse les religieux. L’ancien prieuré devient un asile psychiatrique en 1807 sous l’impulsion du docteur Mercurin, dans un esprit mêlant rigueur médicale et soin charitable.
Autoportrait à l'oreille bandée de van Gogh
Le 8 mai 1889, Vincent van Gogh, ébranlé par une crise aiguë — celle de l'oreille coupée à Arles —, demande son internement volontaire à Saint-Rémy-de-Provence. Il y est reçu par le docteur Théophile Peyron, ancien médecin militaire à la retraite, ouvert aux approches humanistes et thérapeutiques nouvelles. Van Gogh dispose de trois pièces : une chambre nue, un atelier de peinture, et une salle pour entreposer ses toiles. Il vit au rythme des soins, du silence et du souffle des cyprès. Depuis sa fenêtre, il observe un champ clos qu’il ne cessera de peindre, bouleversé par la lumière, les ombres mouvantes, les couleurs changeantes. Il entre ainsi dans une période de retraite monastique où le geste pictural devient remède et refuge.
Peindre pour survivre : une année féconde
Une "nuit étoilée" sur Saint-Rémi-de-Provence, peinte par Vincent van Gogh.
Ce temps d’enfermement volontaire s’avère paradoxalement l’une des périodes les plus fécondes de l’artiste. Coupé du tumulte du monde, entouré de religieuses attentives et de médecins compréhensifs, Van Gogh retrouve un certain calme. Le cloître, les couloirs voûtés, les jardins et les champs alentour deviennent son univers quotidien. Il sort, sous surveillance, dans les oliveraies. Il scrute la montagne, les arbres, les ciels tourmentés. Sa correspondance avec son frère Théo reste intense : il y livre ses humeurs, ses rêves, ses doutes et ses projets artistiques. L’idée d’un "Atelier du Midi", conçue initialement à Arles avec Gauguin, continue de le hanter. Il rêve encore d'un foyer artistique baigné par la lumière du Sud.
Le cloître du monastère Saint-Paul-de-Mausole
Dans cette année d’introspection, Van Gogh peint avec fureur et conviction. Il réalise 143 peintures à l'huile et plus de 150 dessins : « La nuit étoilée », « Les iris », « Champ de blé avec cyprès », « La sieste », « Les amandiers en fleurs », « Le jardin de l'hospice ». Son style atteint un sommet d’intensité. Les formes se tendent, les couleurs vibrent, les paysages semblent traversés d'une énergie quasi mystique. Même dans les moments les plus sombres, la peinture le tient debout. Il écrit : « Je sens que c’est dans cet isolement que je peux faire mes meilleures toiles. » L’art devient son langage, sa respiration, sa survie.
Une mémoire vivante de l'art-thérapie
Vue de l'église Saint-Paul-de-Mausole, Saint-Rémy de provence, automne 1889
Le 16 mai 1890, Van Gogh quitte Saint-Rémy pour Auvers-sur-Oise. Il y mourra deux mois plus tard. Mais le passage à Saint-Paul-de-Mausole a marqué l’histoire de l’art et de la psychiatrie. Sa chambre a été reconstituée à l'identique : lit de fer, fenêtre sur le champ, murs blanchis. Le "champ Van Gogh", autrefois clos, est devenu un jardin d’interprétation : on y découvre des reproductions grand format de ses toiles installées à l’emplacement précis où il posait son chevalet. Chaque recoin restitue l'œuvre, son trouble et sa lumière.
Octobre 1889 van Gogh peint les arbres du jardin de Hôpital de Saint-Rémy
Depuis 1995, l'association Valetudo y propose des ateliers d’art-thérapie : peinture, chant, écriture, comme autant de ponts vers l’expression de soi. Dans le cloître, les œuvres des patientes sont exposées, comme un écho contemporain au geste de Van Gogh. Un siècle et demi après le passage de Van Gogh, Saint-Paul-de-Mausole reste fidèle à sa double vocation : soigner les corps et apaiser les âmes. Là où le silence fut un refuge, l’expression est désormais une voie. Et dans les pas de Van Gogh, chaque visiteur est invité à contempler les paysages, sujets de ses tableaux, mais aussi à ressentir cette fragile alchimie entre douleur et création.
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GLOSSAIRE
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Alpilles : massif montagneux provençal au pied duquel se trouve Saint-Rémy-de-Provence, source d’inspiration majeure pour Van Gogh.
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Atelier du Midi : projet imaginé par Van Gogh à Arles, visant à réunir une communauté d’artistes dans le Sud de la France.
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Art-thérapie : méthode de soin utilisant l’expression artistique (peinture, écriture, chant…) pour accompagner des patients en souffrance psychique.
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Champ Van Gogh : parcelle de terre visible depuis la chambre de Van Gogh à l’asile, qu’il a peinte à de nombreuses reprises, aujourd’hui aménagée en jardin d’interprétation.
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Chevalet : support sur lequel le peintre fixe sa toile pour travailler ; certains emplacements de chevalet sont reproduits sur site à Saint-Paul.
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Cloître roman : galerie à arcades entourant un jardin, typique de l’architecture monastique médiévale, ici utilisé comme espace de déambulation et de soin.
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Glanum : ancienne cité gallo-romaine voisine du monastère, aujourd’hui site archéologique.
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Internement volontaire : décision prise par Van Gogh de se faire interner pour troubles mentaux, à la suite de la crise de l’oreille coupée.
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La nuit étoilée : l’un des tableaux les plus célèbres de Van Gogh, peint à Saint-Rémy en 1889, depuis la vue de sa fenêtre.
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Mercurin (Dr) : médecin ayant fondé l’asile de Saint-Paul en 1807, après la Révolution.
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Peyron (Théophile) : médecin-chef de l’asile à l’époque de Van Gogh, ancien militaire, adepte de méthodes bienveillantes et progressistes.
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Saint-Paul-de-Mausole : ancien prieuré bénédictin devenu asile, lieu central du séjour de Van Gogh en 1889–1890.
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Valetudo : association créée en 1995 pour promouvoir l’art-thérapie sur le site de Saint-Paul, en mémoire du passage de Van Gogh.
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Van Gogh (Vincent) : peintre néerlandais postimpressionniste (1853–1890), interné à Saint-Paul-de-Mausole, où il réalisa une partie majeure de son œuvre.
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