La Fuite de Varennes : comment Louis XVI a été démasqué

5 Rue Louis XVI Varennes-en-Argonne

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Le 21 juin 1791, Louis XVI tente de fuir Paris avec sa famille pour rejoindre une armée fidèle à la monarchie. Déguisés et escortés, ils espèrent atteindre Montmédy, mais à Varennes, le roi est reconnu et arrêté. Cet échec précipite la fin de la monarchie constitutionnelle et bouleverse le cours de la Révolution française.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Louis XVI veut fuir : la monarchie est cernée

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 Louis XVI et sa famille, un an après la fuite de Varennes, tandis qu'une foule prend d'assaut le palais des Tuileries le 10 août 1792.  

Depuis l'automne 1789, la France révolutionnaire retient son roi comme un symbole enchaîné à une époque déchue. Après les journées d'octobre, Louis XVI et sa famille sont contraints de quitter Versailles sous la pression populaire pour s'installer aux Tuileries, au cœur d'un Paris en ébullition. Le monarque vit alors sous la surveillance constante de la Garde nationale, dirigée par La Fayette. Chaque déplacement du roi, chaque regard croisé dans la rue est empreint de défiance. Le roi des Français, naguère sacré à Reims, est devenu un prisonnier aux dorures inutiles. Malgré les espoirs des réformateurs modérés, incarnés par Mirabeau, la situation se dégrade. Après la mort de ce dernier en avril 1791, Louis XVI se sent définitivement isolé.

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Louis XVI en 1783 

Lors des Pâques à Saint-Cloud, une émeute bloque son carrosse : le roi n’a même plus la liberté de prier. L'idée d'une fuite, longtemps repoussée, devient nécessité. Un plan audacieux est conçu avec l'aide d'Axel de Fersen, noble suédois et intime de la reine. Objectif : rejoindre Montmédy, place forte de l'Est, à 286 kilomètres de Paris, où le marquis de Bouillé commande une garnison fidèle. Louis XVI espère y rétablir son autorité avec l'appui d'une armée et entamer une reconquête politique. Pour cela, il faudra déjouer la vigilance des Parisiens, franchir plus de 280 kilomètres, et rester méconnaissable. Le roi se fait passer pour un valet de chambre allemand ; la reine, pour une gouvernante ; les enfants, pour des bourgeois... La berline est prête, les relais positionnés. Il ne reste qu’à partir. Mais rien ne va se dérouler comme prévu.

La fuite de Varennes : récit d'une évasion manquée

 Arrestation de la berline royale escortée de hussards, sous la voûte près de l'église de Saint-Gengoult à Varennes par la garde nationale et citoyens, le soir du 22 juin 1791. 

La nuit du 20 juin 1791 est la plus courte de l'année. Dans l'obscurité étouffée des ruelles parisiennes, la famille royale s'extrait un à un des Tuileries. Mais le départ est chaotique. Marie-Antoinette perd précieusement du temps dans un dédale de rues, et lorsqu'ils embarquent enfin dans la lourde berline jaune et verte, ils ont déjà accumulé près d'une heure de retard. Le convoi avance lentement. La voiture est trop encombrante, trop voyante, trop royale. Les détachements de soldats disposés le long de la route, préparés à escorter le roi, se dispersent, convaincus que la mission est annulée

 Assignat de 50 livres sur lequel on peut voir le profil de Louis XVI 

Et puis survient la reconnaissance. À Sainte-Menehould, le maître de poste Jean-Baptiste Drouet croit déjà connaître cet homme au regard fuyant. Il vérifie un assignat. C'est le roi. Il saute à cheval, fonce vers Varennes, alerte les autorités. Le soir même, alors que la famille royale pense être à l'abri, le pont de l’Aire est barré. Jean-Baptiste Sauce, procureur-syndic de la ville, les accueille dans sa maison, le temps d’y voir clair. Mais le tocsin a sonné, les gardes se mobilisent, les notables confirment l’identité du roi. Louis XVI tente de parlementer, croyant encore, peut-être, que sa simple présence suffira à rétablir l’ordre. Mais à Varennes, le roi ne fait plus peur.

Un roi discrédité, une révolution radicalisée

 Retour de Varennes. Arrivée de Louis XVI à Paris, le 25 juin 1791 

L'ordre vient de l'Assemblée nationale : ramener la famille royale à Paris. Trois députés s'en chargent : Jérôme Pétion, Antoine Barnave et Latour-Maubourg. Le convoi repart, entouré d'une foule immense, inquiète ou muette. La lente procession devient une humiliation publique. Sur les routes, les visages se figent, les bouches restent closes. C'est le cortège d'un pouvoir à l'agonie.

 Retour de la famille royale à Paris, le 25 juin 1791.

Le 25 juin 1791, la berline entre dans Paris par les Champs-Élysées, évitant les quartiers populaires. Des pancartes affichées dans la ville interdisent d'acclamer ou d'insulter le roi. La foule, massée sur les trottoirs et les toits, regarde sans un mot. Louis XVI rentre aux Tuileries, escorté, déchu dans les faits, sinon encore en droit. L'événement agit comme un déclencheur. L'idée même de monarchie constitutionnelle est compromise. Le peuple ne veut plus d'un roi fuyard. Le fossé entre Paris et Versailles est devenu un gouffre. Les clubs politiques s'enflamment, les journaux s'indignent, les républicains se radicalisent. Le roi ne reprendra plus jamais la mainBarnave, au contact de la reine durant le retour, est profondément marqué. Il confiera plus tard avoir perçu en elle une grandeur tragique qui modifie son jugement. Mais il est trop tard : la Déclaration à tous les Français, laissée par le roi pour justifier sa fuite et dissimulée par La Fayette, ne convainc pas l’opinion. La monarchie est désormais irrémédiablement discréditée.

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 Arrestation du roi Louis XVI et de sa famille pendant la Révolution française. Tiré de « Notre siècle », 1883 

La fuite de Varennes n'est pas qu'un épisode : c'est une fracture historique. Une nuit où l'histoire s'accélère. Une nuit où un peuple, jadis sujet, reconnaît en face de lui un homme et non plus un monarque. Le geste le plus symbolique est peut-être celui du jeune dauphin qui, sur le chemin du retour, laisse tomber son chapeau par la portière, comme s’il comprenait lui aussi que la couronne de France ne tenait plus qu’à un fil, prêt à être tranché par l’Histoire.

 

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GLOSSAIRE

  • Assemblée nationale : institution représentative du peuple, née en 1789, qui encadre le pouvoir royal pendant la Révolution.

  • Axel de Fersen : aristocrate suédois, proche de Marie-Antoinette, organisateur de la fuite royale.

  • Barnave (Antoine) : député influent, membre des Feuillants, chargé du retour de la famille royale après Varennes.

  • Berline : grande voiture attelée utilisée pour la fuite, identifiable par ses couleurs jaune et verte.

  • Bouillé (François de) : général royaliste basé à Montmédy, commandant des troupes de l'Est, chargé d'accueillir et de protéger le roi.

  • Drouet (Jean-Baptiste) : maître de poste de Sainte-Menehould, reconnu pour avoir identifié le roi lors de sa fuite.

  • Fuite de Varennes : tentative avortée de Louis XVI pour quitter Paris le 21 juin 1791 et rallier Montmédy.

  • Garde nationale : milice citoyenne chargée de maintenir l’ordre et de surveiller le roi à Paris.

  • La Fayette : marquis et chef de la Garde nationale, partisan d’une monarchie constitutionnelle.

  • Mirabeau : député modéré, médiateur entre le roi et la Révolution, mort en avril 1791.

  • Monarchie constitutionnelle : régime politique dans lequel le pouvoir du roi est limité par une Constitution.

  • Pétion (Jérôme) : député républicain, envoyé pour raccompagner la famille royale à Paris.

  • Reims : ville où les rois de France étaient traditionnellement sacrés.

  • Sainte-Menehould : ville où Louis XVI est reconnu par Drouet.

  • Sauce (Jean-Baptiste) : procureur de Varennes, héberge le roi dans sa maison lors de son arrestation.

  • Tuileries : palais royal à Paris où résidait la famille royale sous surveillance.


POUR SE REPÉRER

 


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QUESTIONS FRÉQUENTES

Pourquoi Louis XVI a-t-il tenté de fuir Paris en 1791 ?
Pour rejoindre Montmédy et une armée fidèle commandée par Bouillé, avec l’objectif de reprendre le contrôle du royaume.

Comment Louis XVI a-t-il été reconnu lors de sa fuite ?
À Sainte-Menehould, Jean-Baptiste Drouet l’identifie grâce au portrait visible sur un assignat, billet de banque révolutionnaire.

Qu’est-ce que la Déclaration à tous les Français ?
Un manifeste rédigé par Louis XVI pour justifier sa fuite et critiquer les excès de la Révolution. Cette lettre fut dissimulée à l’Assemblée par La Fayette pour éviter un scandale.

Quelles ont été les conséquences de la fuite de Varennes ?
Elle a marqué la rupture de confiance entre le roi et le peuple, accéléré la radicalisation politique et ouvert la voie à la République.

 Où la famille royale a-t-elle été arrêtée exactement ?
Dans la maison du procureur Sauce, à Varennes-en-Argonne, dans la nuit du 21 au 22 juin 1791.