Le Fort de Queuleu, dernier rempart contre l’oubli

All. Jean Burger Metz Moselle

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EN RÉSUMÉ

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Sur les hauteurs de Metz, le fort de Queuleu dresse encore ses fossés et ses murs de grès, vestiges d’un système défensif voulu par Séré de Rivières après 1870. Conçu pour protéger la frontière de l’Est, il devint pourtant, en 1943, un lieu d’enfermement et de terreur. Entre ses galeries sombres et ses cours silencieuses, la mémoire des internés veille encore.

Érigé à partir de 1867, le fort de Queuleu appartenait à la première ceinture de fortifications édifiées autour de Metz, avant même le grand système Séré de Rivières. Construit en pierre de Jaumont, il formait avec les forts voisins une couronne défensive dominant la vallée de la Seille. Ses casemates voûtées, ses fossés profonds et ses galeries souterraines traduisaient la modernité de l’ingénierie militaire du XIXᵉ siècle, où la fortification devait dissuader plus qu’affronter. Après l’annexion de la Moselle par l’Allemagne en 1871, l’armée impériale entreprit d’importants travaux : batteries modernisées, blockhaus, poudrières renforcées. Le fort devint un maillon du Gürtel von Metz, ceinturon stratégique parmi les plus puissants d’Europe. Rendu à la France en 1918, il servit de dépôt militaire avant de sombrer dans l’oubli. À la veille du second conflit mondial, ce bastion conçu pour protéger Metz allait devenir un lieu de souffrance.

Bâtiment interne du fort de Queuleu à Metz 

Entre octobre 1943 et août 1944, la Gestapo transforma le fort en camp spécial d’internement. Plus de 1 500 résistants, otages ou civils y furent enfermés, privés de lumière et de nourriture. Certains appartenaient au groupe Mario, dirigé par Jean Burger, figure majeure de la Résistance lorraine, arrêté en 1944 et mort en déportation à Dachau. Dans les cellules humides, des inscriptions tracées à la craie ou gravées sur la pierre rappellent encore leurs prénoms et leurs derniers espoirs. Beaucoup furent déportés vers Natzweiler-Struthof ou Dachau. Le fort fut libéré en novembre 1944 par les troupes américaines, avant de servir brièvement de centre d’hébergement pour prisonniers allemands.

Stolpersteine de Giovanni Bonassi, ou « pierres d’achoppement », sont de petits pavés commémoratifs créés par l’artiste Gunter Demnig, posés dans l’espace public pour rappeler, à l’endroit même où ils vécurent, la mémoire des victimes du nazisme. 

Désaffecté dans les années suivantes, le lieu fut redécouvert par les habitants dans les années 1960. En 1971, il fut classé monument historique et confié à l’Association du fort de Metz-Queuleu, qui œuvre depuis à sa sauvegarde et à la transmission de la mémoire. Les visiteurs peuvent aujourd’hui parcourir les galeries restaurées, découvrir le mémorial inauguré en 2015 et les expositions pédagogiques dédiées aux déportés. Chaque année, cérémonies et visites scolaires rappellent que ce lieu, autrefois destiné à protéger, incarne désormais un rempart contre l’oubli, où la parole des témoins prolonge le murmure des pierres.

Crédit photo de couverture / Source : Annick Monnier, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons


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