La catastrophe ferroviaire de Villepreux-Les Clayes

All. de la Gare Les Clayes-sous-Bois Yvelines

Voir le trajet

EN RÉSUMÉ

Le 18 juin 1910, la gare de Villepreux-Les Clayes, petite halte située à une trentaine de kilomètres de Paris, devient le théâtre d’un drame ferroviaire retentissant. Dans l’après-midi, un omnibus reliant la capitale à Dreux tombe en panne en pleine voie. Malgré les efforts du mécanicien pour réparer la machine, la rame ne peut repartir. On tente alors de dégager une partie des voitures, mais quatre wagons et un fourgon restent immobilisés à quai. Le passage à niveau est bloqué et les voyageurs, certains descendus sur le quai, attendent une locomotive de secours demandée à Versailles.

Pendant ce temps, l’express de Granville approche à vive allure. Composé de treize voitures dont un wagon-restaurant, il est conduit par le mécanicien Henri Leduc et son chauffeur Lecordier. Soucieux de rattraper son retard, Leduc est absorbé par une panne d’injecteur de la chaudière. Occupé à purger l’appareil, il franchit sans s’en rendre compte le signal d’entrée fermé et ignore le drapeau rouge agité par un agent. Quand il aperçoit l’obstacle, il roule à plus de 100 km/h. Le freinage d’urgence est immédiat, mais trop tardif : à environ 70 km/h, la locomotive percute de plein fouet les voitures de l’omnibus.

Le choc est d’une violence inouïe. Les wagons broyés sont projetés sur près de 80 mètres, leurs débris jonchent les deux quais. La locomotive et son tender basculent de part et d’autre de la voie, tandis qu’un incendie se déclare, nourri par les boiseries et le gaz du wagon-restaurant. Les passagers coincés hurlent, les flammes s’élèvent, et la petite gare, simple bâtiment isolé, se transforme en brasier. Les témoins sont pétrifiés, incapables d’agir. Le chef de gare, M. Cozic, frappé de stupeur, ne parvient plus à donner d’ordres. C’est M. Lépinay, chef de gare d’une localité voisine présent par hasard, qui prend l’initiative et organise les secours.

Voyageurs rescapés, habitants et soldats du génie de Versailles se mobilisent pour extraire les survivants. Les blessés les plus graves sont transportés dans la salle d’attente, transformée en hôpital de fortune, ou envoyés vers Versailles et Paris. Le feu, que les pompiers de Villepreux puis de Versailles ne parviennent pas à maîtriser, s’éteint de lui-même vers minuit, faute de combustible. Le bilan est terrible : plus de vingt morts et une soixantaine de blessés, certains à jamais marqués par ce drame.

Dans les semaines qui suivent, l’opinion publique s’émeut. Le procès désigne Henri Leduc comme principal responsable. Il est condamné à deux ans de prison avec sursis et 500 francs d’amende. Mais les critiques se tournent aussi vers l’Administration des chemins de fer de l’État, accusée d’utiliser un matériel vétuste et mal entretenu. Le ministre des Travaux publics, Alexandre Millerand, reconnaît publiquement l’héritage défectueux de la Compagnie de l’Ouest, tandis que le garde des Sceaux, Louis Barthou, apaise la colère des cheminots en libérant provisoirement Leduc. La catastrophe de Villepreux-Les Clayes reste ainsi comme l’un des symboles des failles du réseau ferroviaire d’alors, où erreurs humaines et négligences techniques se conjuguèrent pour provoquer un désastre.

Crédit photo / Source : wikipedia


LEXIQUE

  • Omnibus : train effectuant de nombreux arrêts sur son parcours, utilisé ici pour la liaison Paris–Dreux.

  • Express de Granville : train rapide reliant Paris à Granville, impliqué dans la collision.

  • Administration des chemins de fer de l’État : organisme public gérant le réseau après la faillite de la Compagnie de l’Ouest en 1909.

  • Signal d’entrée : dispositif ferroviaire indiquant au mécanicien s’il doit s’arrêter ou poursuivre.

  • Injecteur : appareil alimentant en eau la chaudière d’une locomotive à vapeur ; sa défaillance a perturbé le mécanicien Leduc.


PERSONNAGES HISTORIQUES

 

  • Henri Leduc : mécanicien de l’express de Granville, reconnu coupable d’homicide involontaire.

  • Lecordier : chauffeur de l’express, assista Leduc lors du trajet.

  • M. Cozic : chef de gare de Villepreux-Les Clayes, choqué et incapable d’agir après l’accident.

  • M. Lépinay : chef de gare de Colleville, présent par hasard, organisa les secours sur place.

  • Alexandre Millerand : ministre des Travaux publics, admit la vétusté du matériel ferroviaire.

  • Louis Barthou : garde des Sceaux, ordonna la remise en liberté provisoire de Leduc.


Vous connaissez une anecdote, une photo ou un document lié à ce lieu ? Contribuez pour enrichir cette histoire.