La Samaritaine : du pont Neuf à l’or de Rivoli
9 R. de la Monnaie Paris
Née sous un parapluie rouge en 1870, la Samaritaine est devenue un symbole du commerce parisien, puis un joyau restauré du luxe contemporain. De ses balcons Art nouveau à sa façade en verre ondulé, son histoire résume celle d’un Paris en mutation constante – entre innovation, commerce et patrimoine.
L'HISTOIRE EN BREF
Le cœur battant du commerce parisien
La première boutique de la Samaritaine, rue du Pont-Neuf vers 1870.
Tout commence avec un camelot ruiné qui va réinventer le commerce parisien.
Sur le pont Neuf, en 1870, Ernest Cognacq vend quelques étoffes sous un parapluie rouge. Face à lui, La Belle Jardinière, grand magasin masculin, attire une clientèle bourgeoise. Cognacq, stratège discret, cible les femmes. En 1871, il loue un local rue de la Monnaie. Son épouse, Marie-Louise Jaÿ, ancienne vendeuse au Bon Marché, le rejoint.
Ernest Cognacq
Marie-Louise Jaÿ
Ensemble, ils cassent les codes : prix fixes, essayages autorisés, rayons spécialisés, vitrines scénographiées. Leur boutique devient, en quelques années, un empire commercial. Le nom de leur enseigne – La Samaritaine – rend hommage à une pompe à eau de 1603 ornant jadis le pont, et représentant la rencontre entre Jésus et la Samaritaine. Une touche d’héritage pour un commerce tourné vers l’avenir.
La Samaritaine : l’architecture de la lumière
La Samaritaine. Vue de nuit, 1er arrondissement, Paris.1928.
Deux architectes, deux styles, une icône parisienne.
Entre 1883 et 1933, la Samaritaine s’agrandit sans relâche. Elle finit par occuper quatre immeubles, entre la rue de Rivoli et les quais de Seine. Frantz Jourdain, figure phare de l’Art nouveau, érige une architecture de lumière : verrières spectaculaires, structures métalliques, escalier monumental. Il veut faire de la Samaritaine un théâtre du quotidien. Les façades se parent de lave émaillée, de mosaïques florales en jaune et vert. L’escalier, cœur battant du bâtiment, évoque une scène d’opéra où l’on vient voir... et être vu. À partir de 1926, Henri Sauvage poursuit l’œuvre avec un style Art déco : lignes droites, étages en gradins, pierres claires. Le magasin mêle désormais deux visions esthétiques, deux époques dans un même souffle.
Depuis 1925, la Samaritaine atteint des sommets : plus d’un milliard de francs de chiffre d’affaires, 80 départements (de la sellerie au jardinage, en passant par les jouets, les animaux ou les fleurs). On y vient autant pour acheter que pour rêver. Le slogan devient célèbre : « On trouve tout à la Samaritaine ». Le grand magasin inspire même Zola, qui s’en sert de modèle pour Au Bonheur des Dames.
La renaissance d’une légende
Années 60, rayon d'ustensiles de cuisine de La Samaritaine à Paris.
De la fermeture douloureuse à la réinvention du luxe à la parisienne.
À partir des années 1970, le modèle s’essouffle. Les rayons ferment, le lieu vieillit. En 2001, LVMH rachète la Samaritaine. En 2005, le couperet tombe : fermeture pour raisons de sécurité. La déception est immense. S’ensuivent 16 années de silence, de recours, de controverses. Mais la renaissance se prépare. Le 23 juin 2021, la Samaritaine rouvre enfin, en présence d’Emmanuel Macron et de Bernard Arnault. Budget total : 750 millions d’euros.
Le grand escalier de style Art Nouveau en 2021.
L’extérieur est signé par l’agence SANAA : une façade en verre ondulé, miroir contemporain des bâtiments haussmanniens. À l’intérieur, le patrimoine restauré cohabite avec l’innovation : plancher de verre, vitrages électrochromes, spa végétalisé, 270 marches en chêne doré à la feuille d’or, frises aux paons restaurées. La nouvelle Samaritaine, ce n’est pas qu’un magasin. C’est un univers complet : hôtel 5 étoiles, espaces beauté et mode, restaurants, crèche, logements sociaux, bureaux… Un village vertical, au cœur de Paris. Aujourd’hui encore, la Samaritaine ne vend pas que des produits. Elle vend une part de Paris : son audace, sa lumière, ses métamorphoses. Elle est à la fois mémoire, miroir, et promesse.
Photo de couverture : Auteur : Arthur Weidmann Source : wikipedia
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GLOSSAIRE
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Pont Neuf : Plus ancien pont de Paris, construit au début du XVIIe siècle. Il reliait les quartiers bourgeois et populaires, et fut le lieu d’installation initial d’Ernest Cognacq en 1870.
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Pompe de la Samaritaine : Machine élévatrice d’eau construite en 1603 sur le pont Neuf, ornée d’un bas-relief représentant Jésus et la Samaritaine. Elle a donné son nom au magasin.
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Ernest Cognacq : Fondateur de la Samaritaine. Ancien camelot devenu entrepreneur, il crée un modèle de grand magasin innovant et accessible.
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Marie-Louise Jaÿ : Épouse d’Ernest Cognacq et cofondatrice du magasin. Ex-vendeuse du Bon Marché, elle dirige la gestion et la comptabilité avec rigueur.
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Grand magasin : Forme de commerce née au XIXe siècle, caractérisée par des prix fixes, des rayons thématiques, la possibilité d’essayer les vêtements et des vitrines attractives.
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Frantz Jourdain : Architecte de la Samaritaine entre 1890 et 1910. Figure majeure de l’Art nouveau, il est à l’origine des verrières, de l’escalier central et des façades en lave émaillée.
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Henri Sauvage : Architecte ayant poursuivi les travaux à partir de 1926. Représentant de l’Art déco, il introduit un style plus sobre, géométrique, et des façades en gradins.
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Art nouveau : Style artistique du tournant du XXe siècle, caractérisé par des lignes ondulantes, des motifs floraux, et une fusion entre fonction et ornement. Présent dans les premières constructions de la Samaritaine.
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Art déco : Mouvement architectural des années 1920-1930, aux lignes épurées et géométriques. Il marque les extensions plus modernes du magasin.
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Verrière : Toiture en verre emblématique des bâtiments Jourdain. Elle permettait à la lumière naturelle de traverser les étages et de créer une ambiance spectaculaire.
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Lave émaillée : Matériau décoratif résistant utilisé pour les façades de la Samaritaine, notamment dans les teintes jaunes et vertes, souvent agrémentées de frises florales.
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Façade ondulée : Élément architectural contemporain réalisé en verre par l’agence SANAA lors de la rénovation de 2021. Elle reflète les bâtiments anciens tout en affirmant la modernité du lieu.
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Village vertical : Expression désignant la Samaritaine nouvelle version : un ensemble multi-usages comprenant magasins, hôtel, spa, logements, bureaux et crèche.
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Fondation Cognacq-Jaÿ : Œuvre philanthropique fondée en 1916 par le couple. Elle finance maternités, maisons de retraite, logements sociaux pour les employés et les plus modestes.
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