Mont Blanc 1786 : la première ascension

42 Av. Michel Croz Chamonix-Mont-Blanc

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En 1786, deux hommes ordinaires vont accomplir un exploit extraordinaire. Jacques Balmat, cristallier de montagne, et Michel Paccard, médecin de village, gravissent pour la première fois le mont Blanc. Ce récit, entre science, bravoure et injustice historique, est celui de la naissance de l’alpinisme.

 


L'HISTOIRE EN BREF

De la montagne maudite au défi scientifique

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 Coucher de soleil face au sommet de l'Europe : le Mont Blanc.

Jusqu’au XVIIIe siècle, le mont Blanc est un géant redouté, surnommé la montagne maudite par les habitants de la vallée. Couverte de neiges éternelles, son sommet effraie, nourrit les légendes, et reste vierge de toute tentative sérieuse. À Chamonix, seuls quelques cristalliers s’aventurent dans les hauteurs pour chercher des minéraux, souvent au péril de leur vie.

Mais le siècle des Lumières bouscule les peurs. En 1760, lors de sa première visite à Chamonix, le naturaliste genevois Horace-Bénédict de Saussure, fasciné par la montagne, offre une récompense à quiconque trouvera une voie pour atteindre le sommet. Pour lui, ce n’est pas seulement une aventure : c’est un défi scientifique. Il veut percer les mystères géologiques des Alpes, observer les phénomènes atmosphériques et mesurer l’altitude du mont Blanc. Pendant vingt-cinq ans, des guides, savants et aventuriers tentent l’ascension. Tous échouent.

Une ascension hors du commun

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Jacque Balmat dit "le Mont-Blanc". 

Tout bascule le 5 août 1786, lorsque Jacques Balmat, cristallier chamoniard, bivouaque seul à plus de 3 000 mètres d’altitude, sans tente ni corde. Il survit à une nuit glaciale, enveloppé d’une simple couverture, et prouve que l’ascension est possible. Deux jours plus tard, il repart discrètement, cette fois avec Michel Paccard, médecin passionné par les sciences.

 Jacques Balmat, qui a réalisé la première ascension du Mont Blanc.

Le 7 août, après une nuit sur la montagne de la Côte, ils s’élancent à l’aube par l’itinéraire des Grands Mulets. Le froid mord leur peau, le silence est total, coupé seulement par le crissement de leurs pas sur la glace. Ils franchissent le glacier des Bossons, le Grand Plateau, les rochers Rouges, les Petits Mulets, et parviennent au sommet à 18 h 23. Ils restent 33 minutes au sommet. Paccard est presque aveugle à cause d’une ophtalmie des neiges, mais ils entament la descente. À 23 heures, ils s’arrêtent pour dormir sur la glace. Le lendemain, le 9 août, ils rentrent au village, harassés mais vivants. Balmat y apprend le décès de sa fille survenu le jour même de son exploit.

L’alpinisme est né, mais l’histoire oublie un héros

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 La 2e ascension du Mont Blanc, dans laquelle Balmat accompagne Horace-Benoît de Saussure en août 1787. 

Leur exploit est salué : Balmat reçoit la récompense de Saussure, ainsi que des gratifications du royaume de Piémont-Sardaigne. L’année suivante, Saussure monte lui-même au sommet, entouré de dix-neuf personnes, pour y réaliser les premières mesures scientifiques précises. Là où Balmat et Paccard ont conquis la montagne avec courage et intuition, Saussure en fera un véritable laboratoire scientifique. Mais la reconnaissance n’est pas équitable. Une controverse éclate : Marc-Théodore Bourrit, écrivain et rival frustré, publie un récit qui minimise volontairement le rôle de Paccard, prétendant que Balmat aurait tout accompli seul. Cette version est reprise et amplifiée par Alexandre Dumas dans ses Impressions de voyage.

 

Michel Paccard.

Paccard, pourtant co-auteur de l’ascension, est éclipsé pendant deux siècles par une version romantique de l’histoire, plus flatteuse pour Balmat seul. Ce n’est qu’en 1986, que la commune de Chamonix installe une statue en l’honneur de Paccard pour corriger cette injustice mémorielleL’ascension du 8 août 1786 marque le point de départ de l’alpinisme moderne.

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Elle transforme le mont Blanc en symbole universel d’aventure et de dépassement, et fait entrer la haute montagne dans l’imaginaire collectif. Depuis, des milliers d’alpinistes suivent les pas de Balmat et Paccard – certains pour le rêve, d’autres pour la gloire, mais tous portés par l’héritage d’un exploit humain et scientifique hors du commun.

Photo de couverture :  Le Mont Blanc vu depuis l'avion du secrétaire d'État américain John Kerry, le 4 mars 2015, alors qu'il volait de Genève vers Riyad en Arabie saoudite.


Mais que s’est-il passé au mont Blanc le 8 août 1786 ? La première ascension, pardi ! Des témoins ont bien vu le docteur Paccard et son compagnon Jacques Balmat au sommet à 18h23 exactement. Le chantre genevois Marc-Théodore Bourrit, « historiographe » des Alpes, s’est empressé d’écrire aux gazettes pour annoncer la nouvelle d’autant plus sensationnelle qu’elle mettait un terme à des décennies de doutes, de tentatives, de renoncements…

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GLOSSAIRE

  • Cristallier : Personne qui extrait des cristaux dans les montagnes pour les vendre ou les collectionner. C’était le métier de Jacques Balmat.

  • Itinéraire des Grands Mulets : Voie d’ascension historique du Mont Blanc passant par un promontoire rocheux situé sur le glacier des Bossons.

  • Ophtalmie des neiges : Inflammation douloureuse des yeux causée par la réverbération du soleil sur la neige, en l’absence de protection visuelle.

  • Phénomènes atmosphériques : Éléments liés au climat ou à la météo, comme la pression de l’air, la température, les vents, etc.

  • Mystères géologiques : Référence aux questions scientifiques sur la formation des montagnes, les strates de roche, et la composition du sol alpin.

  • Impressions de voyage : Ouvrage littéraire dans lequel Alexandre Dumas a contribué à populariser une version romancée de l’histoire de l’ascension.

  • Injustice mémorielle : Expression désignant un oubli ou une déformation de l’histoire qui minimise ou efface le rôle d’un personnage.

  • Marc-Théodore Bourrit : Écrivain du XVIIIe siècle ayant déformé le récit de l’ascension en attribuant seul le mérite à Balmat.

  • Horace-Bénédict de Saussure : Naturaliste suisse, initiateur du projet d’ascension, et pionnier de la recherche scientifique en haute montagne.


POUR SE REPÉRER

 


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