le château d’Hérouville, un temple du rock

4 Rue Georges Duhamel Hérouville-en-Vexin

materialicons-round-820 Voir le trajet

Accrochez-vous, on plonge dans l'univers électrisant du Château d'Hérouville, l'antre mythique où le rock'n'roll a laissé son empreinte indélébile ! Un lieu emblématique dans lequel s’entremêlent les histoires de Chopin, Elton John ou Higelin. Un lieu conçu et imaginé par Michel Magne, un génie à la folie créative qui fera du château un temple du son. Un lieu survivant de l'épopée rock des années 70 où l'histoire ne se raconte pas, elle se joue à plein volume !

 

Aux origines du château d’Hérouville

Du Relais de Poste à la Romance de Chopin

Château d'Hérouville

En 1740, le château d'Hérouville voit le jour, majestueux mais sans prétention, servant de relais de poste sur le chemin de Versailles à Beauvais. Ses murs épais résonnaient alors du hennissement des chevaux et du brouhaha des voyageurs. Qui aurait cru que ce lieu, transformé plus tard en étable, deviendrait un havre de paix pour deux amants célèbres ?

Frédéric Chopin et George Sand, attirés par l'isolement et la quiétude du château, y trouvent refuge pour leur amour complexe entre 1838 et 1845. Lui, le pianiste de génie, taciturne et mélancolique, elle, la romancière rebelle et passionnée. Dans ce recoin éloigné du monde, leur romance fleurit, tandis que le château, délaissé, commence à tomber en désuétude.

L’Arrivée de Michel Magne

Un Visionnaire du Son Avant-Gardiste

Embed from Getty Images

Depuis deux décennies, Michel Magne navigue dans les eaux tumultueuses de la musique avant-gardiste. Compagnon de route des figures emblématiques telles que Françoise Sagan et Boris Vian, il incarne l'esprit excentrique de Saint-Germain-des-Prés des années 1950. À l'été 1970, bien que star incontournable du milieu, son visage reste méconnu du grand public. Pourtant, c'est à lui que l'on doit les mélodies inoubliables des "Fantômas", "Angélique", "Les Tontons flingueurs", et même la musique du fameux "Cinq colonnes à la une".

 

Huit ans auparavant, en 1962, Michel Magne, alors un trentenaire à la fortune solide, découvre le château d'Hérouville, une bâtisse spectrale aux cinquante-sept pièces, réparties en trois ailes, qui se dresse là, délabré et oublié. Mais pour le compositeur, ce lieu n'est pas une ruine, et Il est prêt à investir toute sa fortune pour concrétiser son rêve audacieux : transformer ce château en un studio d'enregistrement à la hauteur de ses ambitions.

 

Un Nouveau Chapitre

Tout comme Chopin, cent-vingt ans auparavant, Michel Magne est lui aussi charmé par le château d'Hérouville. Il conçoit ce lieu, comme l'écrin parfait pour exercer son art. Magne installe son studio d'enregistrement dans l'aile nord du château. Dedans il y installe son piano à queue, et c'est dans ce sanctuaire créatif, qu'il passe la majeure partie de son temps, entouré d'instruments, de partitions et d'enregistrements.

 

Mais en 1969, un incendie ravage ses précieuses collections, laissant Magne désespéré. Sa vaste collection de partitions et d'enregistrements, précieux héritage de son œuvre musicale, sera tragiquement réduite en cendres. Michel Magne admet être « incapable de réécrire ». Cet événement marque un tournant décisif dans l'histoire du compositeur.

La Transformation en Studio Légendaire

Refusant de céder au désespoir, Michel Magne se réinvente. Il transforme sa perte en une vision audacieuse : « Si je n'ai plus rien, alors je ferai venir la musique chez moi ». De cette idée germe le projet d'un studio résidentiel, le premier en France et le deuxième au monde.

 

Magne crée la SEMM (Société d'enregistrement de Michel Magne) en novembre 1969, finançant la conversion de l'aile Sud en studio. Avec 100m² et six mètres de hauteur sous plafond, le studio bénéficie d'une acoustique inégalée. Ainsi naît un espace unique où les artistes peuvent vivre, manger et créer, en parfaite harmonie avec leur art.

 

L'Épopée des Années 70

Le temps des Légendes

Embed from Getty Images

La vision de Michel Magne pour le château n'était pas seulement de créer un studio, mais un univers entier dédié à la musique. Les artistes, séduits par cette oasis créative, affluent de partout pour enregistrer leurs albums. Le château d'Hérouville devient ainsi un nom familier dans le monde de la musique, un lieu où la magie opère jour et nuit.

 

Le château d'Hérouville devient le théâtre d'une épopée musicale inédite. Les années 70 y voient défiler des stars internationales, attirées par l'aura unique du lieu. C'est ici que Elton John enregistre son célèbre album "Honky Château", baptisé en hommage à ce lieu magique, un album qui va deviendra rapidement numéro un aux États-Unis. Un « porte bonheur » pour Elton John, puisque « Honky Château » sera le premier d’une série de sept albums consécutifs à prendre la tête des charts américains. 

 

Des Sessions Historiques et des Nuits Épiques

Embed from Getty Images 

Chaque coin du château est témoin d'histoires qui ont façonné le rock. Les groupes trouvent dans ce lieu, un terrain fertile pour laisser libre court à leur imagination. Dans les studios, les sessions d'enregistrement se mêlent aux moments de détente, créant une atmosphère unique où la musique est reine.

Hérouville J. H 

Le studio Chopin, avec son ambiance intime et sa technologie de pointe, permet aux musiciens de se surpasser, donnant naissance à des albums mythiques. Fleetwood Mac, Pink Floyd, David Bowie, Iggy Pop ou encore Jacques Higelin, Nino Ferrer ou Claude Nougaro, la liste des légendes qui ont gravé leur art dans l'écho de ces salles est presque irréelle. Le studio devient un lieu de pèlerinage pour tout artiste désirant capturer un peu de la magie d'Hérouville.

 

Le Concert Légendaire du Grateful Dead

Embed from Getty Images

Les nuits d'Hérouville sont le théâtre de fêtes mémorables, où artistes et techniciens partagent des moments inoubliables, tissant des liens indélébiles avec le lieu. L’un des événements culte du château d'Hérouville, est sans aucun doute, le concert improvisé du Grateful Dead en 1971. Le groupe connu pour son approche expérimentale et ses performances improvisées est à ce moment-là en tournée en Europe. Ses membres attirés par la réputation grandissante du château d’Hérouville, décident d’y faire une pause, persuadés d’y trouver le terrain parfait pour laisser libre cours à leur créativité.

Embed from Getty Images 

Les six membres du Grateful Dead, choyés et accueillis avec une hospitalité sans pareille, décident de rendre hommage à Michel Magne et à son château en organisant un concert inattendu. Michel Magne décide d’inviter tous les habitants du village, et de confier la sécurité de l’évènement aux pompiers volontaires du coin. Pour couronner le tout, un buffet somptueux est dressé, accompagnés d’une multitude de cocktails. Mais l’alcool a un goût bizarre ce soir-là, et pour cause puisque dans un « esprit de partage et de convivialité », les musiciens de Grateful Dead ont agrémenter les boissons servies aux invités de LSD. Un cocktail explosif, aphrodisiaque, qui poussera les convives de cette soirée, y compris les pompiers, à finir la soirée, nu ou habillé dans la piscine, dans ce que l’on pourrait qualifier de « grand rapprochement général », qui devait à coup sûr, jeter le trouble dans la vie paisible des habitants du village pendant un certain temps.

 

A la recherche du temps perdu

L'Ascension et le Déclin

Durant les années fastes de 1972 à 1973, le château d'Hérouville est le théâtre d'un rêve devenu réalité. Avec une équipe dédiée - comprenant tout, du gardien au cuisinier, en passant par un menuisier et une secrétaire - la vie au château est synonyme de luxe et de décadence. Entre les loisirs variés comme le tennis et le baby-foot, et les banquets grandioses dignes des plus grands restaurants, le château est un véritable paradis terrestre.

 

Cependant, cette période de prospérité cache une réalité plus sombre. Dès 1973, Michel Magne commence à ressentir l'étau de la gestion du domaine. Les dépenses extravagantes, les dettes croissantes, et les pressions fiscales s'accumulent, menaçant le havre de paix qu'il avait créé. Le château, jadis lieu de fêtes ininterrompues, entre progressivement dans une phase de déclin.

 

La situation se détériore davantage vers la fin de 1974. Michel Magne, désormais distancé du quotidien du château, confie la gérance des studios à d'autres, tout en conservant la propriété des murs. Les reprises de gestion successives ne parviennent pas à inverser la tendance, jusqu'à l'arrivée de Laurent Thibault, qui parviendra à maintenir en vie les studios du château. Alors que de nouvelles tendances musicales naissent, les artistes désertent peu à peu le château, et malgré la présence de stars comme David Bowie, ou des Bee Gees qui vont enregistrer un hit comme "Staying alive" dans l'escalier du château, ne suffiront pas à raviver l'esprit initial du studio.

 

Finalement, les difficultés financières et la perte de contrôle sur son projet de vie conduisent Michel Magne à la ruine. Ses droits d'auteur sont saisis, le forçant à quitter son château de rêve pour un nouveau départ, d'abord à Saint-Paul-de-Vence, puis à Paris, dans un modeste duplex rue Mouffetard. Michel Magne finira par se donner la mort en 1984, laissant son château, autrefois si vivant, sombrer peu à peu dans l'oubli. Pendant plus de deux décennies, le silence va remplacer les riffs de guitares, et les salles vides ne vont plus résonner que dans un passé à prèsent révolu.

De l’oubli à la renaissance

Depuis sa fermeture en 1985, le parc du château autrefois si élégant dans les années 1970 s'est lentement transformé en une jungle impénétrable. A l’intérieur, parmi toutes les pièces, seule la grande salle du studio George-Sand, est celle qui a le mieux résisté au temps. Le piano Steinway de Michel Magne, est toujours posé là, silencieux comme la mort. Dans un scénario idéal, ce château retrouverait son âme de bastion du rock’n’roll, avec des espaces dédiés à la musique et à l’histoire du lieu. Il pourrait même y avoir une offre d'hébergement, et pourquoi pas, la reprise de ses activités de studio. Pour réaliser ce rêve, il faudrait unir les forces, mobiliser des investissements et peut-être même établir une fondation.

 

En janvier 2015, deux passionnés du son, Jean Taxis et Thierry Garacino, se lancent dans le projet ambitieux de redonner vie à ce haut lieu de la musique rock. Grâce au soutien et à l'engagement des habitants, qui se mobilisent pour nettoyer et restaurer le parc, le château reprend vie. Aujourd’hui le château d’Hérouville est redevenu un studio d’enregistrement et une scène animée, qui accueille des enregistrements live d’artistes tels que Gregory Porter, Metronomy, Sting et Melody Gardot. Cette improbable résurrection prouve que le château d'Hérouville, loin d'être tombé dans l'oubli, continue à vibrer et faire vibrer, au rythme de la musique.

 

L'avenir du château, riche de son héritage, s'oriente vers un nouveau chapitre où l'ancien et le nouveau se rencontrent. Il se présente comme un lieu où les futurs artistes puiseront l’inspiration en se connectant avec l'âme de ce temple du Rock. Le château d'Hérouville, loin d'être une relique du passé, est un phare d'inspiration, rappelant que la musique, comme la pierre, traverse le temps, évoluant, mais jamais oubliée.