L'Opéra-Comique de Paris, un écrin de culture et d’histoire
1 Pl. Boieldieu Paris
L'Opéra-Comique de Paris, fondé en 1714, n'est pas qu'un simple théâtre. C'est un monument vivant de l'histoire de l'art lyrique. Situé sur une place tranquille à l'écart du boulevard des Italiens, l'Opéra-Comique de Paris est un trésor méconnu. Fondé sous Louis XIV, il est l'une des plus anciennes institutions théâtrales et musicales de France, aux côtés de l'Opéra de Paris et de la Comédie-Française. Ses 300 ans d’existence, témoigne de son importance culturelle dans la ville lumière, voici son histoire mouvementée.
Les Premiers Pas d'une Institution
En 1714, sous Louis XIV, l'Opéra-Comique naît à Paris, fondé par Catherine Baron et Gautier de Saint-Edme. Originellement une troupe de foire, il se distingue par des pantomimes et des parodies d'opéras, contournant les restrictions imposées par la Comédie-Française. Sa spécificité ? Mêler dialogues parlés et chants. Malgré des débuts tumultueux avec des fermetures temporaires, l'Opéra-Comique trouve son élan sous Jean Monnet et Charles-Simon Favart. En 1762, il fusionne avec la Comédie-Italienne, déménageant à l'hôtel de Bourgogne et consolidant son statut emblématique dans le monde théâtral parisien.
Le Cœur du Théâtre : La Salle Favart
La première salle Favart à Paris fin XVIIIeme
La première Salle Favart, conçue par Jean-François Heurtier, a été inaugurée le 28 avril 1783, avec Marie-Antoinette comme invitée d'honneur. Située sur le site actuel de l'Opéra-Comique à Paris, elle offrait 1 255 places et une loge perpétuelle pour la famille du duc de Choiseul. Malgré les turbulences de la Révolution française et la concurrence du théâtre Feydeau, l'Opéra-Comique a survécu, fusionnant en 1801 avec le théâtre Feydeau pour former le Théâtre national de l'Opéra-Comique.
Napoléon occupe la scène
Vue du théâtre des Italiens vers 1810
En 1802, Napoléon Bonaparte, Premier Consul de France, décide de redynamiser la scène théâtrale parisienne. Il transfère la troupe de l'Opera-Buffa, surnommée les "Italiens", dans une salle vacante, autrefois occupée par l'Opéra-Comique. Après une période de rénovations et plusieurs changements, le lieu devient le "Théâtre de l'Impératrice" sous la direction de Louis-Benoît Picard. En 1807, l'Opéra-Comique gagne une reconnaissance officielle, définissant son genre unique de spectacles mêlant comédie, drame, et musique. Plus tard, la salle Favart connaîtra d'autres évolutions, accueillant diverses troupes et renforçant son statut dans le paysage culturel parisien
L’opéra-comique en péril
Ruines du Théâtre-Italien après l’incendie de 1838
En 1829, l'Opéra-Comique, alors situé salle Feydeau, déménage à la salle Ventadour en raison de risques d'effondrement. Ce nouveau lieu, onéreux, pousse la troupe à la faillite plusieurs fois, notamment durant la révolution de Juillet. En 1838, un incendie détruit la salle Favart après une représentation de "Don Giovanni" de Mozart, causé par un système de chauffage défectueux. Hector Berlioz propose de gérer la nouvelle salle, mais sa demande est rejetée par la Chambre des députés.
Le retour de l’Opéra-Comique
En 1840, la deuxième Salle Favart, œuvre de l'architecte Théodore Charpentier, est inaugurée avec "Le Pré aux clercs" de Ferdinand Hérold, marquant le retour de l'Opéra-Comique après huit ans. Cette salle, moderne et spacieuse, surprend par son utilisation innovante du fer dans sa structure et par ses loges élégantes, attirant l'attention des familles bourgeoises. Contrairement à l'Opéra de Paris, connu pour ses bals masqués, l'Opéra-Comique attire un public familial avec des œuvres respectables.
Le succès de l’Opéra-Comique
Au XIXe siècle, l'Opéra-Comique de Paris connaît un essor remarquable grâce à des compositeurs renommés comme Adolphe Adam, Auber, Bizet, et Massenet. En 1866, l'opéra "Mignon" d'Ambroise Thomas, sur un livret de Michel Carré et Jules Barbier, devient un grand succès sous la direction d'Adolphe de Leuven. Plus tard, sous la direction de Léon Carvalho, l'œuvre est remontée avec la cantatrice américaine Marie van Zandt, surnommée « miss Fauvette », dont l'accent américain provoque un scandale lors de son interprétation dans "Le Barbier de Séville" de Rossini.
Des Œuvres Révolutionnaires
l'Opéra Comique a toujours été à la pointe de l'innovation artistique, défiant les conventions et introduisant de nouvelles formes d'expression. Un lieu symbolique où des œuvres mondialement connues ont vu le jour, telles que "La Damnation de Faust" de Berlioz, "Lakmé" de Delibes, "Les Contes d'Hoffmann" d'Offenbach, "Pelléas et Mélisande" de Debussy, "L'Heure espagnole" de Ravel, mais surtout "Carmen" de Bizet et "Manon" de Massenet. Les statues de ces deux héroïnes rebelles, Carmen et Manon, accueillent encore aujourd'hui les spectateurs dans le grand hall du théâtre, témoignant de l'histoire riche de cette institution artistique.
Bizet s’impose
Georges Bizet jeune .
Pour créer "Carmen", Bizet et son librettiste Halévy ont dû faire preuve d'une grande détermination pour convaincre le directeur de l'Opéra-Comique. Après trois mois de travail intense et une partition de 1 200 pages, l'opéra était prêt. Les répétitions étaient éprouvantes, confrontant Bizet à des chanteurs non habitués à un jeu scénique naturel et des musiciens trouvant l'œuvre complexe, tandis que le directeur était mécontent du thème jugé indécent.
La Première de Carmen : Un Tournant
Célestine Galli-Marié, créatrice du rôle-titre dans Carmen de Bizet, vêtue pour ce rôle.
"Carmen", un opéra-comique en quatre actes de Georges Bizet, est basé sur le livret de Meilhac et Halévy, adapté de la nouvelle de Prosper Mérimée. Se déroulant dans une Espagne fantaisiste, l'œuvre met en avant Carmen, une figure audacieuse qui déroge aux normes morales de l'époque. La première de "Carmen" fut un échec notable. Les artistes ne convainquent pas, les décors changent trop lentement, et la salle se vide au fur et à mesure que la représentation avance. Le public et les critiques, choqués par l'histoire, la condamnent pour immoralité.
Bizet profondément affecté part se réfugier dans sa maison de Bougival. Souffrant d’une angine et après un bain froid dans la Seine son état s’aggrave. N’ayant que faire de l’avis du médecin, Bizet continue d’assister aux représentations de Carmen. Alors que Célestine Galli-Marié, la première interprète de Carmen, chante sur scène, le compositeur fait une rupture d’anévrisme. Bizet décédera finalement d'un infarctus le 3 juin 1875, à 36 ans, sans avoir su, que son opéra allait devenir l'un des plus célèbres au monde.
L’incendie de 1887
Le 25 mai 1887, un incendie dévastateur se déclenche à l'Opéra-Comique pendant "Mignon", à cause d'un problème d'éclairage au gaz. Cette catastrophe entraîne la mort de 84 personnes, parmi lesquelles des danseurs, choristes, et employés. À la suite de cette tragédie, le gouvernement de l’époque rend obligatoire l'éclairage électrique dans tous les théâtres.
Le directeur Carvalho, initialement condamné, est finalement acquitté en appel. Plusieurs victimes sont enterrées au Père-Lachaise, dont certaines non identifiées sont commémorées par un monument.
L’Opéra-Comique renaît encore de ses cendres
En 1893, un concours est lancé pour la reconstruction de l'Opéra-Comique, et Louis Bernier est choisi parmi 88 candidats. En 1898, la troisième Salle Favart est inaugurée sur le même emplacement d'origine, en présence du Président Félix Faure. Bernier a fait appel à de nombreux artistes renommés pour ce projet, qui ont contribué à faire de cette nouvelle salle un véritable monument dédié à l'opéra-comique. La décoration de la salle se caractérise par son éclectisme, reflétant la passionnante période de transition de l'histoire artistique de l'époque. La Salle Favart de l'Opéra-Comique est une petite merveille architecturale à dimension humaine, différente de l'Opéra Garnier, mais tout aussi fascinante.
Cette nouvelle salle a été l'une des premières en France à adopter un éclairage électrique à la fin du XIXe siècle, avec des lustres et des appliques en bronze doré signés Christofle. De plus, elle a été pionnière en matière de sécurité, avec des matériaux incombustibles et des postes d'incendie. Sa décoration éclectique reflète l'art académique de l'époque, célébrant le génie lyrique français.
L’Opéra-Comique au XXe siècle
Dans les années 1930, les problèmes financiers ont conduit à l'intervention de l'État, fusionnant l'Opéra-Comique avec l'Opéra national pour former la Réunion des théâtres lyriques nationaux. En 1939, elle est devenue une entité publique à part entière sous l'égide du ministère de l'Éducation nationale. Après une première fermeture en 1971, elle est devenue un lieu de formation pour les jeunes chanteurs de 1974 à 1978 sous le nom d'« Opéra-Studio ». En 1990, elle a retrouvé son indépendance sous forme d'une association loi de 1901. Aujourd’hui son répertoire n’est plus seulement destiné à l’art lyrique puisqu’il s’étend aussi bien à la musique baroque, au théâtre classique, et même à la musique contemporaine.
Un lieu unique en son genre
Au-delà de ses murs, l'Opéra-Comique a influencé des générations d'artistes et de spectateurs. Il reste un symbole de l'excellence artistique française, un lieu où l'histoire et la modernité se rencontrent. Aujourd'hui, l'Opéra-Comique continue de captiver et d'inspirer. Il représente non seulement un chapitre important de l'histoire culturelle de Paris, mais aussi un témoignage vivant de la capacité de l'art à évoluer et à toucher les cœurs à travers les âges.