L'Abbé Pierre fonde Emmaüs à Neuilly Plaisance

38 Av. Paul Doumer Neuilly-Plaisance

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"J'ai pris une planche, écris Emmaüs dessus : ici on entre dans l'enthousiasme."

L'abbé Pierre avait une vision : Sa mission était de redonner courage et enthousiasme à ceux que la vie avait éprouvés, de construire un avenir où l'on aide les autres tout en se découvrant soi-même.

 

C’est durant l'année 1949 à Neuilly-Plaisance, non loin du cœur palpitant de Paris, qu’une grande maison venait de trouver un nouveau propriétaire. C'était l'abbé Pierre, un député de la Meurthe-et-Moselle, connu non seulement pour ses engagements politiques mais aussi pour sa profonde humanité. Cette maison, qu'il jugeait "trop grande" pour lui seul, allait bientôt lui servir à écrire les premières lignes d'une histoire extraordinaire.

La situation du pays en 1949

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Après l’armistice du 8 mai 1945, la France se réveille méconnaissable. Les chiffres témoignent de la désolation : 1 800 communes dévastées, plus de 2,6 millions de bâtiments en ruines, et près de 5 millions de personnes se retrouevnt sans toit ni abri. La guerre a laissé derrière elle un défi colossal : celui de rebâtir pierre après pierre, un pays entier.

Quatre ans plus tard en 1949, le pays se remet doucement. Les Français commencent à peine à oublier les sirènes nocturnes qui annonçaient les bombardements. C’est une époque où l’espoir renaît, chez ceux dont les demeures ont été épargnées. Mais pour les millions de sinistrés et de sans-abri, l'espoir d'un nouveau départ a laissé place à l'angoisse. Une grande partie de la population continue de rechercher désespérément un nouveau "chez soi". Une quête malheureuse qui s'annonce longue et semée d'embûches

Neuilly Plaisance comme havre de paix

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« Les champignons qui poussaient sur le plâtre des murs aux papiers arrachés, l’eau qui suintait et descendait du toit directement par des fentes »

C’est en octobre 1947, au cœur de la Seine-Saint-Denis, que s’ouvre le premier chapitre de l'histoire d'Emmaüs. C'est ici à Neuilly-Plaisance, au numéro 38 de l'avenue Paul-Doumer, qu'une maison délaissée attend son destin. Car malgré son allure négligée, l'abbé Pierre et sa fidèle secrétaire, Lucie Coutaz, y voient un potentiel immense. Ensemble, ils entreprennent de transformer cette maison en lieu d’accueil, susceptible d’apporter de l’espoir et du réconfort.

Pendant des mois, ils rénovent pièce après pièce, pour métamorphoser la bâtisse en une auberge de jeunesse chaleureuse. Transformer en havre de paix, l’endroit offre à ses occupants une quarantaine de lits, un réfectoire, une cuisine et un jardin potager. Cet endroit devient un refuge pour étudiants, ouvriers, scouts et séminaristes, unissant des parcours de vie divers sous un même toit.

 

Georges Legay : Le premier compagnon

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« Si tu n’as plus rien à faire de ta vie, confie la moi, je ne peux pas t’aider, mais toi, tu peux m’aider à aider. » Abbé Pierre à Georges Legay

C'est en novembre de cette même année, que le destin de l'abbé Pierre croise celui de Georges Legay, un ancien bagnard au bord du gouffre, prisonnier de ses pensées suicidaires. L’abbé Pierre offre à Georges une main secourable, et lui redonne la volonté de se battre, et surtout de vivre. Georges accepte de le suivre et de s'investir dans cette mission, devenant ainsi le premier compagnon d'Emmaüs. Cette rencontre marque le véritable acte fondateur du mouvement Emmaüs.

La maison comme point de repère

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L'abbé Pierre et Lucie Coutaz en 1949

L'abbé Pierre nomme ce lieu "Emmaüs", en référence au village cité dans la bible, témoin de la résurrection du Christ. Emmaüs se veut un espace où l'on accueille chacun sans distinction. Et ce quelle que soit la nationalité, les croyances politiques, religieuses ou le passé de chacun, rien ne doit venir empêcher l'entraide et la fraternité. L'abbé et Lucie Coutaz seront les gardiens de cet accueil inconditionnel.

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Grâce à son indemnité parlementaire, l'abbé Pierre parvient à financer la réhabilitation de cette demeure. La porte de cette maison, n’est jamais close. Avec Lucie Coutaz à ses côtés, ils sont animés par la même volonté, celle d'accueillir toujours plus d'hommes, de femmes et d’enfants en quête d'un foyer. Pour cela ils peuvent compter sur leurs compagnons bâtisseurs, qui vont venir ajouter une grande extension en bois à la structure principale.

 

Emmaüs et les compagnons bâtisseurs

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La maison de Neuilly se transforme rapidement en lieu de vie, où chacun peut trouver refuge et réconfort selon ses besoins. "La Mère Coutaz" comme la surnomment les compagnons, et « l'abbé » ou « le petit gars avec sa soutane », gèrent tant bien que mal l'afflux quotidien de visiteurs.

Parfois, ils sont plus de cinquante à trouver refuge sur place, certains trouvant le sommeil dans une modeste baraque en bois accolée à la maison. Ainsi naquit la première communauté des Compagnons Bâtisseurs.

Redonner de la dignité

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"Tu étais caporal-chef dans la Légion ? Tu sais commander ? Parfait, j'ai besoin de toi."

L'abbé avait un don pour voir au-delà des apparences. C'est ainsi que Norbert, auparavant sans domicile, se vit confier la direction d'une équipe sur le chantier de la première cité d'urgence.

L'abbé Pierre avait cette capacité à accorder sa confiance sans détour. Chaque soir, devant la maison, un rituel se perpétuait : chacun recevait son sou, symbolisant le fruit d'une journée de travail partagée. Le souvenir d’un moment plein d’émotion, gravée dans la mémoire des premiers compagnons,

La naissance des chiffonniers d’Emmaüs

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« Je connais un moyen de récupérer de l’argent sans mendier, c’est la récupération, la biffe ». Auguste Le gall

En 1951, l'abbé Pierre quittait le Parlement et les fonds se faisaient rares. C'est alors qu'Auguste Le Gall, un compagnon de la première heure, eut l'idée géniale de "faire les poubelles", une alternative digne à la mendicité. Cette initiative ouvrit la voie aux "biffins" ou chiffonniers d'Emmaüs, qui se mirent à vider des logements pour récupérer et vendre des objets de seconde main. Le magasin de Neuilly-Plaisance fut le premier d'une longue série, rapidement suivi par celui de Bougival.

Au fil du temps, les communautés des Chiffonniers Bâtisseurs d'Emmaüs se développèrent, animées par un principe fort : "Donne-moi ton aide pour aider les autres." Une philosophie simple, mais profondément transformatrice, qui continue d'inspirer jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, à travers ces actions et ces rencontres, Emmaüs est devenu plus qu'un simple mouvement : une famille, une communauté internationale soudée par la solidarité et l'amour du prochain.

 

Des valeurs en héritage

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L'abbé Pierre en 1962 à Montréal

« Agir pour que chaque homme, chaque société, chaque nation puisse vivre, s’affirmer et s’accomplir dans l’échange et le partage, ainsi que dans une égale dignité» (extrait du Manifeste universel).

Actuellement, 425 groupes liés à Emmaüs sont présents dans 41 pays sur quatre continents, faisant vivre les valeurs voulues par l’Abbé Pierre à travers des actions concrètes et des initiatives politiques. Ces efforts se concentrent sur trois combats principaux : promouvoir une économie éthique et solidaire, garantir la justice sociale et environnementale, et défendre la paix

Les principes fondamentaux du Manifeste universel d'Emmaüs restent la fraternité, la solidarité, la lutte contre les injustices, l'engagement à servir en priorité les plus souffrants, et la restauration de la dignité par le travail. Il appelle également à l'éveil des consciences et à la lutte collective pour éliminer les causes profondes de la misère.