Plogoff, le village breton qui a dit non au nucléaire
Plogoff Finistère Bretagne
Rien ne prédestinait le village de Plogoff à devenir l'épicentre d'une révolte, un symbole de lutte pour tous les antinucléaires.
En France on n’a pas de pétrole, mais on a le nucléaire
EDF, Centrale nucléaire de Plogoff, synthèse du dossier de demande de déclaration d’utilité publique, 1979
Nous sommes en 1973, quand le premier choc pétrolier conduit le gouvernement Messmer à accélérer le programme nucléaire civil en France. En mars 1974, l'État prévoit de construire 13 nouvelles tranches de centrales nucléaires de 900 mégawatts, pour un coût estimé à 13 milliards de francs. C'est le début d'un ambitieux programme qui prévoit la construction de 200 nouvelles tranches de centrales nucléaires dans le pays d'ici l'an 2000. En 1975, un accord de principe est pris pour la construction d'une centrale nucléaire en Bretagne. Cinq sites sont sélectionnés, mais c'est le site de Plogoff qui est retenu. En juin 1976, les ingénieurs d'EDF commencent les premiers forages de reconnaissance, suscitant une opposition de plus en plus croissante chez les habitants de la région. Malgré la structuration du mouvement antinucléaire, le 29 novembre 1978, c'est le site de Plogoff qui est retenu par le Conseil économique et social de Bretagne et le conseil général du Finistère.
Pour Plogoff, le nucléaire c'est NON !
autocollant édité par le comité de défense de Plogoff.
À Plogoff, l'opposition citoyenne est très forte et ne montre aucun signe de faiblesse. En mai 1979, le comité de défense décide de faire de la bergerie de Feunteun-Aod un lieu alternatif et utopique, visant à démontrer à travers différents projets que la terre peut être utilisée autrement qu'à des fins industrielles. Pendant que la révolte gronde, l'État et EDF travaillent. Pour que le projet de centrale nucléaire se réalise, ils ont l'obligation légale de mener une enquête publique auprès des habitants.
Normalement, ce type d'enquête se tient dans la mairie de la commune concernée, mais le maire de Plogoff, Jean-Marie Kerloch, qui est à la tête des opposants au projet, fait interdire l'accès de sa mairie aux enquêteurs. Pour preuve, ce matin du 30 janvier 1980, quand les dossiers pour l'enquête d'utilité publique arrivent à Plogoff. La réponse des élus est sans appel, puisque l'après-midi même, ils vont brûler l'intégralité des documents devant la mairie.
Plogoff : L'état envoie ses légions
Les « mairies annexes » de Plogoff sont devenues le symbole du passage en force de l’état (Combat breton, N°12, mars avril 1980)
Devant ce blocage, l'État a l'idée de transformer des camionnettes en mairie annexe, capable d'accueillir les enquêteurs publics et des élus locaux qui soutiennent le projet. Inévitablement, les véhicules escortés par la police deviennent la cible prioritaire des habitants opposés au projet d'implantation de la centrale nucléaire. Sept escadrons de gendarmes mobiles sont envoyés dans la région pour intervenir régulièrement sur Plogoff. Ils peuvent compter sur le renfort de gendarmes parachutistes et de véhicules blindés pour sécuriser la zone de Plogoff. Un hélicoptère survole quotidiennement le secteur, avec pour mission de surveiller les manifestants et protéger les déplacements des mairies annexes. En cas de nécessité, des véhicules du génie militaire venus d'Angers sont envoyés sur place pour débloquer les barricades.
Du côté des habitants, la résistance aussi s'organise. Tout doit être fait pour empêcher les camionnettes d'entrer dans le village de Plogoff. Pour y parvenir, les habitants de Plogoff montent des barrages routiers et manifestent pour bloquer les différents accès. Les tensions sont vives et les affrontements avec les forces de l'ordre sont de plus en plus fréquents.