La Victorine : les rêves de cinéma sur la Côte d’Azur

16 Av. Edouard Grinda Nice

Voir le trajet

Cachés sur les hauteurs de Nice, les studios de la Victorine ont vu défiler cent ans de cinéma sous les projecteurs. De Bardot à Truffaut, de Hitchcock à la télé-réalité, ce petit Hollywood français est un lieu de décors, de silences... et de renaissances.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Hollywood sur la Riviera

Coucher de soleil sur la Promenade des Anglais, Georges-Louis Arlaud

La promenade des anglais dans les années 20. 

Nice, 1919. Sur les hauteurs, le domaine de Victor Masséna se transforme en décor de cinéma. Un rêve d’Hollywood à la française prend racine. Deux hommes, Louis Nalpas et Serge Sandberg, fondent les studios de la Victorine. Sous la chaleur du sud, les premiers hangars de tôle se dressent comme des cathédrales de lumière. On y sent encore la sciure des décors fraîchement taillés, l’odeur d’huile des caméras, les voix qui résonnent dans le vide des plateaux.

Le premier tournage, La Sultane de l’amour, ouvre le bal. Mais le rêve coûte cher. Tandis que les projecteurs ronronnent, les finances vacillent. Nalpas s’efface. Sandberg tient bon. Il fait venir René Navarre, qui tourne des cinéromans aux rebondissements haletants. Nice vibre déjà du rythme d’un générique.

Annales du cinéma français - 1

Chefs-d’œuvre sous les projecteurs

Mare Nostrum (1926) poster 1

Affiche du film "Mare Nostrum" de Rex Ingram 

1925. Sous le soleil de la Riviera, un Américain débarque avec ses décors gigantesques et sa vision hollywoodienne : Rex Ingram. Il transforme la Victorine. Piscine de 25 mètres, générateurs hurlants, studios baignés d’ombres mouvantes et de halos intenses. On y tourne de jour comme de nuit. Le plateau bourdonne, les volets claquent, les assistants courent. Des films comme Mare Nostrum ou Le Jardin d’Allah voient le jour. Hitchcock, jeune réalisateur timide, y pose sa caméra pour Easy Virtue. Il croise Ingram, qui lui aurait glissé : “Hitchcock, ce nom ne sonne pas cinéma…”

Rexingram2

Rex Ingram 

Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Nice devient un refuge. Paris est occupée, les tournages s’interrompent. Sur les 120 films produits en France pendant la guerre, 30 sont tournés ici, dans une ambiance d’urgence et de ferveur. Une rivalité implicite avec Paris se joue en silence : ici, au sud, on sauve ce qui peut l’être. On y tourne Les Visiteurs du soir, La Vie de bohème, Les Enfants du paradis. Le bois des charpentes craque doucement, les techniciens travaillent à l’aube ou à la chandelle. La France est en guerre. Mais ici, le cinéma tient bon.

Divine Victorine DVD - 1

Pas de clap de fin pour la Victorine

François Truffaut (1963)

 François Truffaut sur un tournage en 1963.   

1950. La Victorine renaît sous perfusion étatique. La SOVIC et l’UGC injectent des moyens. Les caméras reprennent leur danse. Bardot s’installe sur le plateau de Et Dieu créa la femme. Le film fait vibrer les collines. La Victorine respire à nouveau. Les chefs-d’œuvre s’enchaînent : Bonjour tristesse, Mon oncle, Lola Montès. La Victorine semble retrouver son âge d’or. Jusqu’en 1973, où François Truffaut, les bras croisés, observe un travelling qu’il a rêvé. La Nuit américaine est une lettre d’amour au métier. Et à ce lieu.

Embed from Getty Images

 Le réalisateur français Jean-Luc Godard et l'actrice française Brigitte Bardot dans les studios de cinéma de la Victorine en août 1963 à Nice 

Mais le cinéma migre vers Paris. Les projecteurs s’éteignent. La publicité, puis la télé s’installent. En 2001, Loft Story est tourné dans ces studios. Le silence du cinéma a laissé place aux micros de la télé-réalité. Mais les murs, eux, n’ont pas oublié.

2017. La ville de Nice relance le nom originel. Un Comité Victorine est créé. Le centenaire, en 2019, rallume les souvenirs. Rétrospectives, documentaires, photos d’archives : le cinéma se souvient de la Victorine. Et aujourd’hui, le futur s’écrit encore ici. En 2021, le Victorine Narrative Lab, lancé avec Louis-Lumière et Prime Video, transforme le site en incubateur de talents audiovisuels. Entre mémoire et innovation, la Victorine continue de tourner.


Le Cinéma Français - 1

Note aux lecteurs

Les livres que nous vous proposons à travers l'article sont vendus en affiliation avec nos partenaires commerciaux. Ce sont les commissions que nous touchons sur chaque vente, qui permettent de financer Ystory dans la construction de cette mémoire collective multimédia.


GLOSSAIRE

  • Cinéroman : Film à épisodes très populaire dans les années 1920, souvent inspiré de feuilletons littéraires et produit à la chaîne.

  • Rex Ingram : Réalisateur américain qui transforme la Victorine en pôle de production international dans les années 1920.

  • Cinéma muet : Cinéma sans son synchronisé, en usage jusqu’à la fin des années 1920. Les émotions y étaient véhiculées par le jeu d’acteur et les intertitres.

  • Cinéma parlant : Cinéma synchronisé avec le son (voix, bruitages, musique), introduit en France à partir de 1929–1930.

  • Gaumont-Franco-Film-Aubert (G.F.F.A.) : Consortium majeur qui modernise les studios de la Victorine dans les années 1930 pour les adapter au cinéma parlant.

  • SOVIC : Société créée après la guerre pour relancer la Victorine, avec le soutien de l’État et de la société UGC.

  • Zone libre : Partie sud de la France non occupée par les troupes allemandes entre 1940 et 1942. Nice devient un refuge pour le cinéma.

  • Les Enfants du paradis : Chef-d’œuvre de Marcel Carné, tourné en partie à la Victorine durant l’Occupation, symbole de la résistance culturelle.

  • La Nuit américaine : Film de François Truffaut tourné à la Victorine en 1973, hommage tendre et métacinématographique au monde du tournage.

  • Victorine Narrative Lab : Dispositif lancé en 2021 avec Louis-Lumière et Prime Video pour soutenir l’écriture et la création audiovisuelle au sein des studios.

  • Comité Victorine : Groupe de personnalités du cinéma chargé par la ville de Nice de redéfinir le futur des studios à partir de 2017.


POUR SE REPÉRER

 


APPEL À CONTRIBUTION

Ce sujet mérite sûrement un article complet !

Vous connaissez son histoire par cœur ?

Alors venez nous la raconter en détail ! Nous vous invitons à rejoindre notre communauté de passionnés, en venant partager vos connaissances sur Ystory. En participant à ce projet, vous contribuerez non seulement à faire vivre l'histoire des sujets qui vous passionnent, mais aussi à enrichir la base de données de notre mémoire collective !