
L’affaire Dominici : l’histoire du triple meurtre de Lurs
XWG5+25 Lurs Alpes-de-Haute-Provence
L’affaire Dominici débute en août 1952, dans le paisible village de Lurs, quand une famille de touristes britanniques est sauvagement assassinée à quelques centaine de mètres de la ferme des Dominici. Ce crime sordide, qui a passionné la France entière, reste aujourd’hui encore l’une des affaires criminelles les plus mystérieuses et controversées de l’histoire judiciaire française.
L'HISTOIRE EN BREF
Les crimes de Lurs : l’horreur au cœur de la Provence
Le corps de Mme Anne Drummond retrouvé assassiné le 5 août 1952, près de Lurs
La nuit du 4 au 5 août 1952, la douceur estivale de la Provence est brisée par un drame sanglant. La famille britannique Drummond – Sir Jack Drummond, scientifique respecté, son épouse Anne, et leur fille de 10 ans, Elizabeth – avait choisi un lieu isolé au bord de la Nationale 96 pour passer la nuit sous les étoiles. Leur voiture, une Hillman Minx, était stationnée là, à quelques mètres d’un petit pont qui permet de rejoindre la Durance, en passant au-dessus d’une voie ferrée. L’endroit jouxte le bout du terrain de la ferme Grand’Terre, propriété de la famille Dominici.
Les Drummond, couple cultivé et proche de la nature, avaient décidé de découvrir les beautés de la Provence avant de rejoindre des amis au bord de la Méditerranée pour des vacances. Le 4 août, ils s’étaient rendus à Digne-les-Bains, où le Corso de la lavande battait son plein. La journée avait été festive et animée, mais en fin d’après-midi, ils avaient repris la route. En quête de tranquillité, ils choisissent une petite allée ombragée le long de la Nationale 96 pour y installer leur campement de fortune. Le lendemain matin, l’endroit paisible s’était transformé en une scène de crime atroce. Près de la voiture, Jack et Anne Drummond gisent au sol, leurs corps criblés de balles, tandis qu’Elizabeth, en pyjama, est retrouvée à proximité de la Durance, le crâne fracassé à coups de crosse. Le spectacle est insoutenable. Gaston Dominici, le patriarche de la ferme voisine, est le premier à découvrir les corps. Horrifié, il remonte en courant jusqu’à la route pour donner l’alerte. Cette découverte marque le début d’une affaire criminelle qui secouera la France et deviendra l’un de ses plus grands mystères judiciaires.
Une enquête troublée par les tensions d’un clan
Le suspect Gaston Dominici, au côté de l'inspecteur Sébeille tenant l'arme du crime, se dirige vers la Durance pour montrer aux enquêteurs l'endroit où il a jeté l'arme à feu après le crime.
L’enquête est confiée à Edmond Sébeille, un enquêteur connu pour son acharnement et son sérieux, que l’on surnomme le « Maigret marseillais ». Très vite, son attention se portent sur la famille Dominici, dont la ferme jouxte la scène du crime. En particulier que Gaston, patriarche au tempérament autoritaire, qui dirige un clan familial soudé et complexe. Mais sous la pression des interrogatoires, cette unité de façade commence à s’effriter. Le premier élément sérieux de l’enquête survient lorsque deux gendarmes retrouvent les deux parties rafistolée d’une carabine M1 Rock-Ola dans la rivière Durance, à quelques dizaines de mètres du lieu du crime. L’arme désormais identifiée comme celle du crime, est la même que celle détenue pas le patriarche du clan Dominici. Logiquement les policiers commencent à interroger les habitants de la ferme Grand’Terre. Gustave Dominici, le fils cadet, attire l’attention par son comportement ambigu : lors d’un interrogatoire, il avoue avoir vu Elizabeth vivante le matin du drame, et puis sous la pression, il accuse son père, Gaston, avant de se rétracter. Son frère aîné, Clovis, confirme les accusations mais se contredit à plusieurs reprises, renforçant le climat de suspicion.
Au fil du temps, Gaston avoue à son tour les meurtres dans des circonstances confuses, affirmant vouloir protéger sa famille. C’est suite à ses aveux qu’il va participer à une reconstitution organiser par les enquêteurs. Là il va décrire avec une étonnante précision l’enchaînement des événements tragiques de la nuit, avant de se rétracter à nouveau. Pendant tout ce temps, la scène du crime est compromise par l’afflux de badauds curieux et de journalistes, un fait important que ne manquera pas d’utiliser la défense de Gaston Dominici pour fragiliser les relevés et les conclusions de l’enquête. Au même moment des pistes secondaires émergent dans la presse, notamment une hypothèse impliquant Sir Jack Drummond dans des activités liées aux services secrets britanniques. En tant qu’éminent scientifique spécialiste en nutrition et en armes chimiques, aurait-il été la cible d’une opération internationale ? Ces spéculations, bien que fascinantes, ne seront jamais prises au sérieux ni même approfondies par les enquêteurs Ainsi, l’affaire s’enlise dans une toile de contradictions et de mystères, captivant la presse et l’opinion publique. Finalement, c’est l’accumulation des aveux changeants de Gaston Dominici, sa participation plus que troublante à la reconstitution du crime, et la découverte de l’arme identifiée comme étant celle du meurtre qui mènent à son inculpation. L’autorité et le tempérament colérique du patriarche ajoutent du poids aux soupçons, finissent de convaincre les enquêteurs qu’il est le principal responsable de ces crimes odieux.Le 16 novembre 1953, il est officiellement arrêté et placé en détention dans l'attente de son procès.
Un procès historique et un mystère qui perdure
Le 28 Novembre 1954 au tribunal de Digne, Gaston Dominici, écoute imperturbable le verdict du juge, qui le condamne à mort.
Le procès de Gaston Dominici s’ouvre en novembre 1954 au palais de justice de Digne, sous une attention médiatique sans précédent. Les journalistes se pressent pour capturer chaque instant de ce qui est déjà décrit comme « le procès du siècle ». La salle comble, où s'entassent avocats, curieux et représentants de la presse, témoigne de la fascination qu'exerce l'affaire sur l'opinion publique. À la barre, Gaston Dominici oscille entre des dénégations catégoriques et des déclarations ambiguës. Il semble parfois perdu, et son âge avancé ne fait qu'accentuer l'impression d'un homme dépassé par les événements. Les tensions familiales, longtemps dissimulées, éclatent au grand jour : Gustave, Clovis et même la belle-fille Yvette livrent des témoignages contradictoires, se renvoyant les responsabilités dans un ballet d’accusations mutuelles. Ces déchirements donnent une dimension tragique à l’affaire, mais renforcent aussi l’idée d’une famille divisée, incapable de livrer une version cohérente des faits.
Malgré l’absence de preuves irréfutables et de mobile convaincant, Gaston Dominici est reconnu coupable et condamné à mort. Ce verdict suscite un vif débat. Pour certains, il incarne une justice expéditive, fondée sur des aveux obtenus dans des conditions douteuses. Pour d’autres, le caractère autoritaire et les contradictions du patriarche ne laissent aucun doute quant à sa culpabilité. La presse s’empare du drame avec des titres sensationnalistes. Des publications comme Paris Match ou Détective dressent de Gaston des portraits opposés, tantôt celui d’un monstre froid, tantôt celui d’un vieillard sacrifié par un système judiciaire impitoyable. Ces récits contribuent à alimenter le mythe de l’affaire Dominici. En 1957, le président René Coty commue la peine de mort de Gaston en travaux forcés à perpétuité. Trois ans plus tard, en 1960, Charles de Gaulle lui accorde la grâce présidentielle. Il quitte alors la prison des Baumettes, affaibli, mais libre. Gaston Dominici meurt en 1965, emportant avec lui les secrets de cette nuit tragique. Le mystère, lui, reste intact, continuant de hanter les mémoires.
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