Notre-Dame de Strasbourg : la flèche d'une république libre

Pl. de la Cathédrale Strasbourg Bas-Rhin

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Surplombant Strasbourg depuis près d’un millénaire, la flèche de la cathédrale n’est pas seulement un exploit gothique : c’est le signe d’une ville qui, dès le Moyen Âge, a choisi la liberté plutôt que l’obéissance.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Strasbourg : une cathédrale civique au cœur de l’Europe

00 1006 Strasbourg - La Cathédrale Notre-Dame

 La cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. L'église est l'une des plus importantes cathédrales d'Europe. 

Sur les ruines de l’ancienne Argentoratum romaine, l’évêque Werner fait ériger vers 1015 une cathédrale romane, détruite à plusieurs reprises par le feu. L’incendie de 1176 provoque une décision radicale : reconstruire intégralement en style gothique. Ce choix, encore inédit dans cette région de l’Empire germanique, reflète une volonté de s’inscrire dans la modernité architecturale venue de France.

Mais en 1262, tout bascule. Strasbourg se soulève contre son évêque, devient une ville libre d’Empire, et prend la direction du chantier. La cathédrale devient ainsi un projet civique, expression directe de l’émancipation politique strasbourgeoise. Elle n’est plus seulement un lieu de culte, mais un manifeste de pierre.

Cathédrale - 1

Le chantier d’un géant vertical

Cathédrale 36 - 54463508215 

En 1284, Erwin de Steinbach transforme l’ambition en réalité. Il redessine la façade, conçoit une rosace spectaculaire et initie la construction de la tour unique. Le chantier se poursuit sur plusieurs générations : son fils Johannes, puis son neveu Gerlach, avant que Jean Hültz ne mène à bien, en 1439, la flèche culminant à 142 mètres. Cette hauteur record, jamais atteinte à l’époque, fait de Strasbourg la ville de la plus haute cathédrale du monde pendant plus de deux siècles. Le chantier s’appuie sur des techniques avancées : grues, roues à tambour, gabarits en bois grandeur nature. Le tout porté par la gestion de l’Œuvre Notre-Dame, structure unique chargée de diriger et financer le projet au nom des citoyens.

Mais l’édifice traverse aussi les tensions religieuses. En 1524, la Réforme gagne Strasbourg : la cathédrale devient protestante, les sculptures jugées idolâtres sont détruites. En 1681, Louis XIV rattache la ville à la France et rend l’église au culte catholique. Il introduit dans la cathédrale un trône épiscopal surmonté d’une couronne royale, symbole clair de la monarchie. Pendant la Révolution, elle devient temple de la Raison, coiffée d’un bonnet phrygien. Après la tourmente, elle retrouve peu à peu sa vocation religieuse.

Pendant la Révolution, la flèche de la cathédrale fut menacée de destruction car jugée trop élitiste. Un officier municipal proposa une idée audacieuse : y placer un bonnet phrygien en taule. Peint en rouge, ce symbole révolutionnaire installé en 1794 restera visible à plus de 50 km jusqu’en 1802.

La Cathédrale de Strasbourg pendant la Révolution - 1

Survivante des siècles et miroir des luttes

Charles-David Winter-Dégâts cathédrale

 Strasbourg, dégâts sur la cathédrale après les bombardements de 1870. (Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg)

 Endommagée par les bombardements prussiens de 1870 puis par ceux de 1944, la cathédrale est à chaque fois restaurée. Le 23 novembre 1944, après la libération de Strasbourg, les spahis du général Leclerc y hissent le drapeau tricolore, concrétisant le serment de Koufra. Ce geste scelle la place de la flèche dans l’histoire nationale.

Classée monument historique dès 1862 et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, Notre-Dame est aujourd’hui un lieu de culte, de tourisme et de mémoire. Située sur la place de la cathédrale de Strasbourg, elle abrite des trésors tels que ses orgues monumentaux, ses vitraux gothiques du Moyen Âge, sa chaire flamboyante, son horloge astronomique, ou encore son pilier des Anges. Elle attire chaque année des millions de visiteurs.

Mais au-delà de son esthétique, elle demeure surtout le symbole d’une ville gouvernée par ses citoyens, une cathédrale érigée non par un roi ou un pape, mais par une république. Notre-Dame n’a pas seulement traversé les siècles : elle les a gravés dans la pierre, au nom d’un peuple libre.


Strasbourg - La Grâce d'une Cathédrale - 1

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Photo de couverture : Auteur :Tom à la rue source :  https://www.flickr.com/photos/t2thestreet/52727303568/


GLOSSAIRE

  • Flèche : Élément architectural effilé qui surmonte une tour. Celle de Strasbourg culmine à 142 mètres.

  • Gothique : Style architectural apparu au XIIe siècle, caractérisé par les arcs brisés, les voûtes sur croisées d’ogives et les arcs-boutants.

  • Massif occidental : Partie avant de la cathédrale, comprenant la façade principale, les portails et les tours.

  • Rosace : Grande fenêtre circulaire ornée de vitraux, souvent placée sur la façade principale.

  • Chaire : Estrade surélevée dans une église, d’où le prêtre ou prédicateur fait son sermon. Celle de Strasbourg, œuvre de Hans Hammer, est un chef-d’œuvre du gothique flamboyant.

  • Beffroi : Tour souvent reliée à une église ou un bâtiment civil, abritant les cloches. À Strasbourg, le beffroi relie les deux tours et soutient la flèche.

  • Transept : Nef transversale qui coupe la nef principale, donnant à la cathédrale une forme de croix.

  • Nef : Partie centrale de l’église où se tiennent les fidèles, généralement orientée vers l’autel.

  • Vitraux : Fenêtres composées de verres colorés assemblés au plomb, souvent à thème religieux, datant ici du Moyen Âge.

  • Pilier des Anges : Colonne sculptée représentant la scène du Jugement dernier, située dans le transept sud de la cathédrale.

  • Réforme : Mouvement religieux initié au XVIe siècle par Martin Luther, à l’origine du protestantisme.

  • Contre-Réforme : Réaction de l’Église catholique à la Réforme, renforçant doctrine et pratiques liturgiques.

  • Œuvre Notre-Dame : Fondation créée pour assurer la gestion du chantier et l’entretien de la cathédrale, encore active aujourd’hui.

  • Bonnet phrygien : Coiffe rouge à pointe tombante, symbole de la Révolution française. Il a été installé au sommet de la flèche pendant la période révolutionnaire.

  • Triforium : Galerie ou couloir intérieur au-dessus des grandes arcades d’une cathédrale, souvent décoré.