L’Oiseau Canari : L'exploit d'une traversée interdite

11 Av. de la Côté d'Argent Mimizan

Le 13 juin 1929, trois aviateurs français décollent d’Old Orchard Beach, dans le Maine, à bord d’un avion jaune baptisé l’Oiseau Canari. Après 29 heures de vol et un atterrissage de justesse en Espagne, ils signent la première traversée française de l’Atlantique Nord sans escale, dans le sens Ouest-Est. Avec un record de 5 900 kilomètres parcourus sans escale au-dessus de l’océan, leur exploit audacieux entre dans la légende.

L'HISTOIRE EN BREF

Tenter l’impossible, le rêve d'Armand Lotti

Le « Spirit of Saint Louis », l'avion à bord duquel Charles Lindbergh est devenu le premier pilote à relier New York à Paris en 1927

En 1927, Charles Lindbergh marque l’Histoire en reliant New York à Paris en solitaire. Ce coup d’éclat américain attise les ambitions françaises. Pourtant, les tentatives de réplique tournent souvent au drame. En mai 1927, Nungesser et Coli disparaissent à bord de l’Oiseau Blanc. En 1928, d’autres équipages français perdent la vie en tentant de rallier l’Amérique. L’État, inquiet, suspend alors les financements publics pour ce genre d’entreprises jugées trop périlleuses.

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Les aviateurs français Armand Lotti, Jean Assolant et René Lefebvre, en juin 1929 avant leur traversée transatlantique vers l’Europe

C’est dans ce contexte de blocage officiel qu’Armand Lotti, riche héritier parisien et passionné d’aviation, décide de prendre l’initiative. Ayant perdu un œil lors d’un accident de chasse, il ne peut devenir pilote, mais finance lui-même une traversée dans le sens Amérique-Europe, réputé plus périlleux. Il fait l’acquisition d’un avion de Grand Raid, le Bernard 191 GR, conçu par l’ingénieur Jean Hubert, qu’il fait repeindre en jaune vif : l’Oiseau Canari est né. Pour mener à bien l’aventure, il recrute deux aviateurs de talent : Jean Assollant au pilotage, et René Lefèvre à la navigation.

Une traversée clandestine et un passager clandestin

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L'avion de raid triplace des aviateurs français Jean ASSOLANT, René LEFEBVRE et Armand LOTTI, en plein préparatifs sur la plage d'Old Orchard, près de New York, en juin 1929

Les autorités françaises interdisant tout vol transatlantique, le trio quitte la France en mai 1929 sous couvert d’un test radio, mais il s’agit en réalité d’une ruse. L’avion fait escale à Southampton, en Angleterre, où il est démonté puis chargé à bord du cargo américain Leviathan en direction de New York. Après son arrivée par bateau aux États-Unis, l’Oiseau Canari est remonté à Roosevelt Field. Mais, jugée impraticable, la piste impose un transfert vers Old Orchard Beach, dans le Maine. Cette longue plage de sable dur, plate et dégagée, est alors un haut lieu de l’aviation expérimentale, idéale pour le décollage d’un appareil surchargé de carburant. Le 13 juin 1929, à 10h18, l’Oiseau Canari prend son envol avec plus de 4 000 litres de carburant, grâce aux réglages minutieux du mécanicien Raoul Leroy de la société Hispano-Suiza. Quelques minutes plus tard, un jeune homme surgit du fond de la carlingue : Arthur Schreiber, journaliste de Portland, embarqué clandestinement, misant sur cette traversée pour écrire un article ou un livre. L’équipage, stupéfait, est contraint de l’accepter à bord. Pour éviter tout futur litige, Armand Lotti lui fait signer un contrat en vol lui interdisant de tirer un quelconque bénéfice de l’aventure.

L’avion français « Bernard 191 GR "Oiseau Canari" » au musée du Bourget.

Mais les difficultés ne font que commencer : les conditions météo sont mauvaises, le brouillard persiste au départ, et les vents de face forcent l’avion à dévier de sa trajectoire prévue, rallongeant dangereusement le vol et menaçant l’autonomie en carburant. Le plan initial comprenait trois routes possibles, mais c’est celle passant plus au sud, en direction des Açores, qui doit être suivie, rallongeant le trajet. Le 14 juin à 20h40, à court de carburant, l’Oiseau Canari se pose à bout de réservoir sur la plage d’Oyambre, en Cantabrie, dans le nord de l’Espagne. Ils viennent de parcourir 5 900 km au-dessus de l’océan, évitant de peu le naufrage dans le golfe de Gascogne. Une erreur de navigation aurait pu les condamner : le choix tactique de la route leur a sauvé la vie.

Mimizan, le souvenir d’un exploit

L’avion « l’Oiseau Canari » a atterri d'urgence sur la plage de Mimizan le 16 juin 1929

Deux jours plus tard, le 16 juin 1929, l’équipage décolle d’Espagne pour regagner la France. Mais une ultime panne d’essence les contraint à se poser en urgence sur la plage de Mimizan, dans les Landes. Cette fois, c’est une foule en liesse, comme si elle célébrait une victoire nationale, qui les accueille. Les journalistes accourent, les curieux affluent. L’exploit entre dans la mémoire populaire, et un monument est inauguré en 1931 sur le lieu de leur atterrissage, rebaptisé « plage des Ailes ».

Les deux villes se jumèlent officiellement en 1989 pour commémorer cette traversée et célébrer ce lien transatlantique. Quant à l’avion, il repose depuis 1932 au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, ultime témoin d’une épopée où le courage, l’ingéniosité et la passion ont porté la France au-dessus de l’Atlantique.

Dédicace des aviateurs Assolant, Lefèvre et Lotti avec un dessin de l'Oiseau Canari en 1929

L’Oiseau Canari reste le symbole éclatant d’un temps où, malgré les interdits, l’audace et la passion faisaient décoller l’impossible. Et dans un recoin de carlingue, comme un écho suspendu dans le silence de l’histoire, résonne peut-être encore la voix d'Arthur Schreiber : « Here I am ».

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GLOSSAIRE

Oiseau Canari : avion jaune vif Bernard 191 GR, utilisé pour la première traversée française de l’Atlantique Nord sans escale en 1929.
Armand Lotti : mécène du vol, passionné d’aviation, qui participe à la traversée comme opérateur radio malgré son handicap visuel.
Jean Assollant : pilote principal de l’Oiseau Canari, responsable du pilotage tout au long de la traversée.
René Lefèvre : navigateur et copilote de la mission, chargé de la route transatlantique.
Arthur Schreiber : journaliste américain embarqué clandestinement, découvert en vol.
Bernard 191 GR : avion de Grand Raid construit par la Société des Avions Bernard, conçu pour les vols de longue distance.
Jean Hubert : ingénieur en chef de la Société des Avions Bernard, concepteur du Bernard 191 GR.
Raoul Leroy : mécanicien de la société Hispano-Suiza, chargé des réglages avant le décollage.
Old Orchard Beach : plage du Maine (États-Unis), utilisée comme piste d’envol naturelle pour l’Oiseau Canari.
Roosevelt Field : terrain new-yorkais légendaire, lieu initial de remontage de l’avion.
Oyambre : plage espagnole sur laquelle l’avion atterrit le 14 juin 1929.
Mimizan : ville des Landes où l’avion se pose au retour, accueillie comme un héros national.
Plage des Ailes : nom donné à la plage de Mimizan en hommage au journal Les Ailes, fervent relais de l’exploit.

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QUESTIONS FRÉQUENTES

Pourquoi la traversée de l’Atlantique dans le sens Ouest-Est était-elle plus difficile ?
Parce qu’elle se fait face aux vents dominants, rallongeant le trajet et augmentant la consommation de carburant.

Pourquoi le vol de l'Oiseau Canari a-t-il été réalisé clandestinement ?
En 1929, l’État français avait interdit les grands raids transatlantiques jugés trop dangereux. L’équipage a contourné cette interdiction en transportant l’avion par cargo vers les États-Unis.

Qui était Arthur Schreiber, le passager clandestin ?
Jeune journaliste américain de Portland, il s’est caché dans l’avion dans l’espoir de faire un reportage ou un livre sur cette traversée historique.

L’Oiseau Canari a-t-il vraiment failli s’écraser ?
Oui, à cause d’une déviation météo et d’une consommation de carburant excessive. Il s’est posé de justesse sur une plage espagnole après 29 h de vol.

Où peut-on voir l’Oiseau Canari aujourd’hui ?
Il est conservé au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget depuis 1932.