Le massacre de Tulle : 99 otages pendus par les SS

23 D1089 Tulle

Voir le trajet

Le 9 juin 1944, en représailles à une attaque de la Résistance, les SS de la division Das Reich pendirent 99 hommes dans les rues de Tulle, en Corrèze. Cet acte de répression nazie, l’un des plus violents de la Seconde Guerre mondiale en France, restera gravé à jamais dans la mémoire nationale.


L'HISTOIRE EN BREF

Das Reich : une répression diaboliquement méthodique

SS-Panzer-Division symbol

 Insigne de la 2e SS-Panzer-Division Das Reich.

Au printemps 1944, la Corrèze est devenue un haut lieu de la résistance armée contre l'occupant allemand. Dans les collines et les forêts qui entourent Tulle, les maquis FTP mènent des actions de plus en plus audacieuses. L'annonce du Débarquement en Normandie, le 6 juin, galvanise les groupes résistants. Le 7 et le 8 juin, ils lancent un assaut contre la garnison allemande de la ville. Les combats sont violents et plusieurs soldats allemands sont tués. Cette opération militaire, perçue comme un acte de guerre légitime par les maquisards, est interprétée comme une provocation majeure par les forces d'occupation.

Carte division das reich mai juin 1944 

La réaction allemande ne se fait pas attendre. La division SS Das Reich — redoutée pour sa brutalité et son passé de répression sur le front de l'Est — est envoyée pour mater la rébellion. Commandée par le général Heinz Lammerding, elle a pour mission d'éradiquer les foyers de résistance en chemin vers le front de Normandie. Sa méthode repose sur une stratégie de terreur systématique, destinée à dissuader toute forme de soutien civil aux maquis. La ville de Tulle, qui s'était brièvement soulevée, est désignée comme cible.

La division Das Reich - 1

Le 9 juin, Tulle est étranglée

Dès l'aube du 9 juin, les SS encerclent la ville. Tous les hommes de 16 à 60 ans sont sommés de se réunir à la manufacture d'armes, un ancien site industriel transformé en centre de tri. Environ 5 000 hommes sont rassemblés, parmi lesquels plusieurs centaines sont retenus pour un tri. Ce tri arbitraire est mené par les officiers SS, assistés de l'interprète Walter Schmald, figure sinistre des répressions nazies dans le sud-ouest. Certains sont relâchés, jugés utiles au fonctionnement de la ville. Les autres restent enfermés dans une attente angoissante. L’abbé Espinasse, présent parmi eux, tente d’offrir un dernier soutien spirituel.

En fin d'après-midi, 99 hommes sont extraits des rangs. Par groupes de dix, ils sont menés dans les rues principales, à l'angle du Pont Neuf et de la rue du 4 septembre. Des cordes ont été tendues aux balcons et aux réverbères, formant un enchaînement sinistre de potences improvisées. Les exécutions, d'une violence froide et rituelle, s'étalent sur plusieurs heures. Deux SS accompagnent chaque victime : l’un, juché sur une seconde échelle, passe la corde autour du cou, tandis que l’autre, posté sur le côté, écarte violemment l’escabeau pour provoquer la chute. Les corps sont laissés pendus jusqu'à la tombée de la nuit.

Cahiers pour la mémoire - 1

Une mémoire gravée dans la pierre

Protective Custody Camp Dachau -- Inspection by the Nazi party and Himmler

 Heinrich Himmler en visite au camp de concentration de Dachau en 1936. 

Le lendemain, le calvaire ne s'arrête pas. 149 des hommes non exécutés sont déportés vers le camp de concentration de Dachau. Parmi eux, seuls 48 reviendront. Les corps des pendus, découpés des potences par des habitants réquisitionnés, sont enfouis dans une fosse creusée sur une ancienne décharge publique, au lieu-dit Cueille — ultime outrage à leur mémoire. Ce lieu deviendra plus tard un mémorial national, connu sous le nom de Haut-Lieu de Cueille.

Le massacre de Tulle reste longtemps dans l’ombre d'Oradour-sur-Glane, survenu le lendemain. Pourtant, il incarne tout autant la logique d’extermination aveugle de la division Das Reich. La justice française condamnera Heinz Lammerding à mort par contumace, sans jamais obtenir son extradition. À Tulle, la mémoire de ces exécutions continue aujourd’hui d’être transmise par les survivants, les familles et les institutions locales. Chaque 9 juin, la ville se souvient, dans le silence et la détermination, de ce jour où la barbarie a figé son souffle au-dessus des balcons de la ville — et à jamais dans ses mémoires.

 


Tulle : enquête sur un massacre - 1 

Note aux lecteurs

Les livres que nous vous proposons à travers l'article sont vendus en affiliation avec nos partenaires commerciaux. Ce sont les commissions que nous touchons sur chaque vente, qui permettent de financer Ystory dans la construction de cette mémoire collective multimédia.


GLOSSAIRE

  • Division Das Reich : Unité de la Waffen-SS tristement célèbre pour sa brutalité, engagée sur le front de l’Est puis en France en 1944. Responsable directe des massacres de Tulle et d’Oradour-sur-Glane.

  • Maquis FTP (Francs-Tireurs et Partisans) : Groupe armé issu de la Résistance communiste, actif dans les zones rurales françaises, menant des actions de guérilla contre l’occupant nazi.

  • Débarquement de Normandie : Opération militaire alliée commencée le 6 juin 1944 sur les plages normandes. Elle marque le début de la libération de l’Europe occidentale.

  • Heinz Lammerding : Général SS commandant la division Das Reich. Il ordonne la répression à Tulle. Condamné à mort en France après-guerre mais jamais extradé d’Allemagne.

  • Walter Schmald : Interprète et agent de liaison allemand. Il participe activement au tri des otages à Tulle. Figure centrale de la répression nazie dans le sud-ouest de la France.

  • Manufacture d’armes de Tulle : Ancienne fabrique nationale d’armement transformée en centre de tri par les SS lors du massacre. Symbole du passé ouvrier et stratégique de la ville.

  • Potence improvisée : Dispositif de pendaison sommairement installé sur des balcons ou réverbères, utilisé à Tulle pour exécuter les otages en public.

  • Camp de Dachau : Premier camp de concentration nazi ouvert en 1933 près de Munich. Lieu de déportation des 149 hommes raflés à Tulle, dont seuls 48 survécurent.

  • Lieu-dit Cueille : Ancienne décharge municipale où les corps des pendus furent jetés. Il deviendra après-guerre un lieu de mémoire officiel.

  • Haut-Lieu de Cueille : Mémorial national français dédié aux victimes du massacre de Tulle, situé sur le site de l’inhumation collective.

  • Oradour-sur-Glane : Village voisin de Tulle, théâtre d’un autre massacre perpétré par la même division SS le 10 juin 1944. Devenu symbole de la barbarie nazie en France.

  • Exécution par pendaison : Méthode utilisée à Tulle par les SS pour humilier et terroriser publiquement la population civile masculine.

  • Résistance : Ensemble des mouvements clandestins opposés à l’occupation allemande et au régime de Vichy. Très active en Corrèze à partir de 1943-1944.

  • Contumace : Procédure judiciaire dans laquelle un accusé est jugé en son absence. Heinz Lammerding a été condamné ainsi en France.

Oradour 1944 - 1


POUR SE REPÉRER

 


APPEL À CONTRIBUTION

Ce sujet mérite sûrement un article complet !

Vous connaissez son histoire par cœur ?

Alors venez nous la raconter en détail ! Nous vous invitons à rejoindre notre communauté de passionnés, en venant partager vos connaissances sur Ystory. En participant à ce projet, vous contribuerez non seulement à faire vivre l'histoire des sujets qui vous passionnent, mais aussi à enrichir la base de données de notre mémoire collective !