
La Nationale 7 : la route des vacances, entre Histoire, soleil et nostalgie
Rue du Rue Président Roosevelt Lapalisse
Plus qu’un ruban d’asphalte, la Nationale 7 incarne deux mille ans de départs, de conquêtes et de vacances. D’Agrippa à Trenet, de l’Empire romain aux embouteillages d’août, elle a vu défiler rois, routiers, et Renault 4 surchauffées. Aujourd'hui déclassée en départementale, elle continue d'incarner la mémoire d'une France en route vers les congés.
L'HISTOIRE EN BREF
Des voies romaines à la route bleue
Buste de Marcus Vipsaniuns Agrippa
Bien avant les vacances d'été, la Nationale 7 fut une voie stratégique. Sous l'Antiquité, l'empereur Auguste confie à son gendre, Marcus Vipsanius Agrippa, la construction d'un réseau routier partant de Lyon, alors capitale des Gaules. La Via Agrippa, axe majeur reliant Lutèce à Rome via la vallée du Rhône, préfigure le tracé de la future Nationale 7. Plus au sud, la Via Aurélia reliait déjà Aix, Fréjus et Antibes. Au fil des siècles, la route évolue au gré des ambitions royales, impériales, puis républicaines. Son usage change, mais elle reste un axe vital, traversant des villes emblématiques : Fontainebleau, Nevers, Moulins, Roanne, Lyon, Valence, Montélimar, Avignon, Aix, Fréjus, Cannes, Nice...
Au XVe siècle, Louis XI favorise un itinéraire sûr par le Bourbonnais. Sous Napoléon Ier, la "route impériale n°8" structure le réseau national. En 1824, elle devient officiellement la route royale n°7, reliant Paris à Antibes via Nice. Le XIXe siècle voit la route se moderniser : goudronnage, bornes kilométriques, signalétique... Un certain Louis Becquey, haut fonctionnaire passionné d’infrastructures, coordonne une première vision nationale du réseau routier. La route devient un véritable outil d’intégration du territoire.
La grande transhumance estivale
Ancienne plaque "Route Bleue" à Lapalisse dans l’Allier.
C'est en 1936 que la Nationale 7 change de dimension. Avec l'instauration des congés payés par le Front populaire, des milliers de familles prennent la route vers le Sud. La Nationale 7 est rebaptisée "Route bleue", en hommage à la Méditerranée qu'elle rejoint.
Embouteillage sur la route des vacances en 1956.
Dans les années 1950, la route devient un symbole des Trente Glorieuses. On y croise des 4CV, des Simca, des 2CV pleines de valises, d'enfants excédés et de chiens nerveux. L'été, des marchands de melons s'alignent au bord de la chaussée. Des garages, motels, relais routiers et stations-service jalonnent la route. C’est une économie entière qui vit au rythme des transhumances estivales. En 1955, Charles Trenet entonne sa célèbre chanson "Nationale 7". L’image est désormais gravée : chaleur écrasante, villages traversés au pas, odeur de pastis au bistrot. Parfois, une pause gastronomique chez Troisgros à Roanne, Fernand Point à Vienne ou Bocuse à Collonges-au-mont-d'Or. La route ne relie pas seulement Paris à Menton. Elle relie une société en mouvement à ses loisirs, une France ouvrière à ses rêves de mer turquoise, et une automobile populaire à une liberté encore récente.
N7, la mémoire d’un pays en mouvement
Menton en 1965, la fin du trajet sur la N7.
Dans les années 1970, la construction des autoroutes A6 et A7 sonne le déclin de la Nationale 7. Trop lente, trop urbaine, elle devient un axe secondaire. En 2005, une grande partie de la route est officiellement déclassée en route départementale (D607, D6007...). Mais son souvenir reste puissant.
L'autoroute du sud en 1960.
Des initiatives locales réactivent son mythe. Depuis les années 1990, le dessinateur et historien de la route Thierry Dubois organise à Lapalisse l'« embouteillage à l'ancienne », qui reconstitue les départs de vacances d'autrefois. Un musée lui est consacré à Piolenc, des bornes Michelin sont restaurées, et les guides touristiques la revalorisent comme route patrimoniale. Car la Nationale 7 est plus qu'une route. C'est un paysage mental. Elle incarne le passage d’une France rurale à la société du loisir, du cheval à la 2CV, de la carte routière au bouchon du samedi.
Aujourd'hui encore, certains tronçons sont pris d'assaut par les nostalgiques, les amateurs de vieilles carrosseries et les chercheurs de souvenirs. Certains y filment leurs road-trips, d’autres la redécouvrent à vélo ou en combi vintage, comme un antidote à la vitesse autoroutière. On y circule comme on feuillette un album photo collectif.
Photo de couverture : Ancien panneau Michelin indiquant les directions Lyon et L'Arbresle, sur l'ancien tracé de la Route nationale 7, à Bully dans le Rhône. (wikipedia)
Note aux lecteurs
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GLOSSAIRE
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Via Agrippa : réseau de routes romaines créé sous l’empereur Auguste, reliant Lyon à Rome. La Nationale 7 reprend partiellement son tracé.
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Via Aurélia : ancienne route romaine longeant la côte méditerranéenne, de l’Italie à la Provence. Elle prolonge l’axe historique de la RN7.
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Route impériale n°8 : nom donné à la Nationale 7 sous Napoléon Ier, dans le cadre d’une numérotation rationalisée des grands axes français.
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Route royale n°7 : appellation officielle donnée en 1824 sous la Restauration, héritière directe de la route impériale.
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Louis Becquey : haut fonctionnaire du XIXe siècle qui impulse une vision moderne de l’aménagement du territoire par les routes.
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Congés payés : instaurés en 1936 par le Front populaire, ils permettent aux classes populaires de partir en vacances, popularisant la RN7.
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Route bleue : surnom donné à la RN7 dans les années 1930-1950, évoquant la route qui mène vers le bleu de la Méditerranée.
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Trente Glorieuses : période de forte croissance économique entre 1945 et 1975. L’automobile et la RN7 symbolisent cette modernité en marche.
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Charles Trenet : chanteur français qui popularise la RN7 avec sa chanson éponyme en 1955, devenue emblématique de la route des vacances.
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Thierry Dubois : dessinateur et historien passionné de la RN7. Il organise des reconstitutions historiques et a contribué à sa mise en valeur patrimoniale.
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Déclassement : procédure administrative ayant retiré à la RN7 son statut de route nationale à partir de 2005, la transformant en route départementale.
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Lapalisse : ville emblématique de la RN7, célèbre pour son “embouteillage à l’ancienne”, reconstitution festive des grands départs d’autrefois.
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Piolenc : commune du Vaucluse qui abrite le musée de la Nationale 7, consacré à son histoire et à la culture de l’automobile.
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Route patrimoniale : terme utilisé pour qualifier la RN7 depuis son déclassement, soulignant sa valeur mémorielle, touristique et culturelle.
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2CV / 4CV / Simca Aronde : voitures populaires des années 1950-1960, emblématiques des vacances familiales sur la RN7.
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