Le château d’Angers : l’éternelle histoire

2 Prom. du Bout du Monde Angers

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De la Préhistoire aux guerres de Religion, de la cour des ducs d’Anjou aux graffitis de prisonniers, le château d’Angers est un livre d’histoire sculpté dans la pierre. Perché sur un promontoire qui surplombe la Maine, il fut tour à tour cairn néolithique, palais comtal, bastion royal, prison d’État, puis musée vivant et refuge écologique. Un lieu unique, où 6000 ans d’Histoire continuent de résonner.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Des origines à l’empire Plantagenêt

Plantagenet arms.

Blason de la maison  Plantagenêt.

Bien avant d’être un château, le site est déjà habité par les morts. Vers -4000, des bâtisseurs du Néolithique y élèvent un cairn monumental, ces tombeaux collectifs en pierre sèche, abritant cinq chambres funéraires. Les fouilles archéologiques, menées entre 1997 et le début des années 2000, ont permis d’y retrouver poignards de silex, haches polies et céramiques, utilisés pour les rites funéraires ou les dépôts d'offrandes, autant d’indices d’un culte funéraire raffiné. Ce promontoire dominant la Maine attire les puissants : les Gaulois y établissent un oppidum, et les Romains y construisent le centre de la cité Juliomagus, avec forum et temple.

Melisende and Fulk of Jerusalem

 La reine Mélisende épouse Foulque d'Anjou

En 851, les raids vikings poussent Charles le Chauve à agir : il confie le site à un comte chargé de défendre la ville. Le château est né. De cette lignée émergeront des figures puissantes. Foulques V devient roi de Jérusalem. Son descendant, Henri II Plantagenêt, épouse Aliénor d’Aquitaine, puis devient roi d’Angleterre en 1154. Angers devient le berceau d’un empire qui s’étend de l’Écosse aux Pyrénées, gouverné par des figures entrées dans la légende : Aliénor, Richard Cœur de Lion, Jean sans Terre. Ces alliances nouées entre Anjou et Angleterre font d’Angers un nœud stratégique en Europe médiévale. La ville devient un centre de pouvoir autant qu’un foyer culturel.

Angers - Regards Croisés - 1

Forteresse royale et vie de cour

Gisors1198

 La Bataille de Gisors, 1198, Philippe II Auguste (à gauche) contre Richard Cœur de Lion (à droite). 

En 1206, le roi Philippe Auguste reprend l’Anjou aux Plantagenêt. Mais c’est en 1230, sous la régence de Blanche de Castille, que commence la métamorphose du palais en forteresse royale. Le chantier est colossal : plus de 5 000 livres du trésor royal, un quartier rasé, des impôts levés à marche forcée. Dix-sept tours, deux portes fortifiées, des fossés profonds : Le pouvoir capétien se grave dans la roche. Le nouveau château envoie un message politique : il incarne un État centralisateur qui prend le pas sur la féodalité.

France-001415 - Apocalypse Tapestry (15373029035)

Avec près de 100 mètres de long, la tapisserie de l'Apocalypse est la plus ancienne de cette taille

Aux XIVe et XVe siècles, les ducs d’Anjou, membres de la famille royale, y installent une cour flamboyante où se mêlent arts, politique et botanique. Louis Ier commande la tapisserie de l’Apocalypse, chef-d’œuvre de laine et de symbolisme tissé entre 1375 et 1382. Le roi René, son petit-fils, transforme le château en résidence raffinée : logis royal, galeries, chapelle réaménagée, jardins peuplés de plantes venues de Sicile. Sa mère, Yolande d’Aragon, négocie dans l’ombre : c’est elle qui soutient Jeanne d’Arc et permet le sacre de Charles VII. À Angers, le destin de la France se joue entre les murs.

La Tenture de l'Apocalypse d'Angers - 1

De bastion à monument vivant

Diptyque Matheron - portrait de René d'Anjou

Portrait de René d'Anjou, peint par Nicolas Froment en 1474 

En 1480, à la mort du roi René, le château d’Angers repasse entre les mains de la couronne. La vie de cour s’éteint. Commence alors une nouvelle ère : celle des garnisons et des prisons. Au XVIe siècle, les guerres de Religion secouent le royaume. En 1585, le roi Henri III ordonne le démantèlement de la forteresse pour éviter qu’elle ne tombe aux mains des protestants. Le gouverneur, Donadieu de Puycharic, s’y oppose. Plutôt que de raser, il renforce : les tours sont abaissées, les archères élargies en canonnières, des plateformes d’artillerie ajoutées. Le château devient une machine de guerre, tournée vers la ville.

Angers - Château - Cachot Tour 13 - Gravure d'un bateau par un prisonnier anglais- 20080921

 Dans un cachot, un prisonnier anglais des guerres napoléoniennes, a gravé un dessin de son bateau sur un mur. 

Aux siècles suivants, la forteresse enferme tour à tour des HuguenotsNicolas Fouquet sur ordre de Louis XIV, des marins anglais, des révolutionnaires ; on y enferme aussi des “furieux”, ces malades mentaux considérés comme dangereux, relégués dans les “choquettes”, petites cellules d’isolement du XIXe siècle. Sur les murs, des graffitis gravés à même la pierre murmurent encore les noms oubliés des captifsBombardé en 1944, restauré après guerre, le château est ouvert au public en 1954. Depuis, il ne défend plus : il transmet. On y cultive autant les plantes que la mémoirezéro pesticide, espèces locales, label LPO. L’avenir pousse entre ses pierres. 

Le château d’Angers n’est pas figé : il est vivant. De son cairn préhistorique à ses galeries de tapisserie, de ses logis princiers à ses cellules d’isolement, il raconte le pouvoir, la mémoire et la vie. Le visiter, c’est traverser l’Histoire — et l’entendre encore parler.

Photo de couverture : source wikipedia 


Splendeur de l'enluminure - 1

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GLOSSAIRE

  • Cairn : Tombeau collectif en pierre sèche, typique du Néolithique.

  • Oppidum : Village fortifié gaulois, souvent établi sur une hauteur.

  • Juliomagus : Nom romain d’Angers, centre administratif antique avec temple et forum.

  • Tapisserie de l’Apocalypse : Chef-d’œuvre du XIVe siècle commandé par Louis Ier d’Anjou, long de 100 mètres, illustrant le livre biblique de l’Apocalypse.

  • Blanche de Castille : Reine régente, mère de Louis IX, à l’origine de la forteresse actuelle construite entre 1230 et 1242.

  • Canonnière : Ouverture aménagée dans une muraille pour tirer au canon, apparue avec l'artillerie.

  • Choquette : Petite cellule d’isolement carcéral du XIXe siècle, utilisée notamment pour les malades mentaux considérés comme dangereux.

  • Furieux : Terme du XIXe siècle désignant les personnes atteintes de troubles psychiatriques, souvent internées sans traitement.

  • LPO : Ligue pour la Protection des Oiseaux ; le château est aujourd’hui un site refuge labellisé par cette association.

  • Donadieu de Puycharic : Gouverneur du château à la fin du XVIe siècle, il transforma la forteresse en place d’artillerie au lieu de la démolir.

  • Fouquet (Nicolas) : Surintendant des finances de Louis XIV, emprisonné au château d’Angers en 1661.

Villes En Bd - Villes En Bd, T2 - 1


POUR SE REPÉRER

 


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