
Vendée Globe : la course à l'aventure
Port Olona Bd de l'Île Vertime Les Sables-d'Olonne
Le Vendée Globe, c’est l’idée la plus folle qu’on ait jamais eue en voile : faire le tour du monde, seul, sans escale, sans aide. Depuis 1989, au départ des Sables-d’Olonne, ils sont des dizaines à tenter l’impossible. Ce qui était un pari est devenu une légende. Une épreuve brute, rythmée par les drames, les sauvetages, les records et une foi inébranlable en l’océan.
L'HISTOIRE EN BREF
Aux origines de l’Everest des mers
Logo de la première édition du Vendée Globe 1989-90
L’idée du Vendée Globe naît dans l’esprit d’un navigateur déjà couronné : Philippe Jeantot. Après ses deux victoires dans le BOC Challenge — une course autour du monde en solitaire mais avec escales — il imagine une épreuve plus radicale : un tour du monde sans escale, sans assistance, en solitaire. Une course totale, sans filet, sans détour, où chaque skipper serait confronté à l’océan dans sa plus pure immensité. Il l’appelle d’abord “Globe Challenge”, avant que le département de la Vendée ne lui donne un ancrage local : le Vendée Globe. Le premier départ est fixé au 26 novembre 1989, depuis Les Sables-d’Olonne, paisible station balnéaire, qui s’apprête à devenir capitale mondiale de la voile. Les pontons sont encore modestes, les sponsors timides, mais le souffle de l’aventure est déjà là.
Portrait du navigateur Philippe Jeantot.
Treize marins se lancent dans cette première édition, dont Titouan Lamazou, Philippe Jeantot, Jean-Yves Terlain, Loïck Peyron ou Jean-François Coste. Parmi eux, des aventuriers, des rêveurs, des têtes brûlées. Aucun ne sait vraiment si cette course est réalisable : il n’existe alors aucun précédent, aucun guide. Le public découvre alors les trois règles sacrées : partir seul, sans assistance technique ou humaine, et sans poser pied à terre. Le parcours impose de laisser à bâbord les caps de Bonne Espérance, Leeuwin et Horn, jalons mythiques d’un itinéraire extrême qui frôle les glaces de l’Antarctique et plonge dans les courants les plus redoutés des marins. Mais ce qui frappe autant que la route, c’est l’évolution de la course elle-même. De treize participants en 1989, le Vendée Globe en rassemble aujourd’hui quarante, venus du monde entier.
Départ du premier Vendée Globe le 26 novembre 1989
Les bateaux ont changé de visage : aux coques en aluminium ont succédé des IMOCA en carbone, dotés de foils, de mâts pivotants, et d’électroniques de bord de plus en plus sophistiquées. Pourtant, malgré cette modernité, la solitude et le danger restent intacts. Cette épreuve est aussi marquée par la présence croissante de navigatrices hors pair : Catherine Chabaud, première femme à terminer la course en 1997, Ellen MacArthur, entrée dans la légende en montant sur le podium en 2001, Clarisse Crémer, détentrice du record féminin en 2021, ou encore Violette Dorange, plus jeune navigatrice de l’histoire du Vendée Globe en 2024. Leur engagement, leur force, leur détermination ont ouvert la voie à de nouvelles générations de femmes marins, prêtes elles aussi à défier les océans.
Une course hors normes sur les mers les plus dures
Départ du Vendée Globe 2012.
À chaque édition, les voiliers quittent Port Olona en grande pompe. Ils remontent le chenal, salués par des foules compactes, avant de s’élancer dans le golfe de Gascogne à la mauvaise saison. La mer y est souvent démontée. S’ils franchissent cette première barrière, les navigateurs plongent vers les alizés. La traversée de l’Atlantique réserve d’autres pièges : les calmes traîtres du pot au noir, zone imprévisible et redoutée, où la mer peut s’aplatir en quelques heures et piéger les voiliers sous un ciel sans vent. Après avoir traversé l’Équateur, direction le cap de Bonne-Espérance. Après avoir laissé le cap à bâbord, les voilà prêts à traverser l'Océan Indien, et venir contourner l’Australie par le cap Leeuwin.
Parcours du Vendée Globe.
Là, le froid mord, les nuits sont longues, les icebergs dérivants rôdent dans le silence, menaçants comme des mines blanches. Ils devront affronter les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants : des latitudes extrêmes, balayées par des dépressions permanentes, où les vagues peuvent dépasser quinze mètres. Le parcours les rapproche parfois du point Némo, l’endroit le plus isolé de la planète, à des milliers de kilomètres de toute terre habitée, loin de toute aide possible, avec pour seule compagnie le claquement des voiles et la peur d’un choc dans la nuit. Puis viendra le temps du cap Horn, le graal des marins, ultime verrou avant de remonter l’Atlantique. Chaque millier de milles franchi est une victoire, chaque cap doublé un soulagement, chaque jour gagné un espoir. Le Vendée Globe, c’est une succession d’obstacles géographiques et climatiques, mais aussi une course contre soi-même.
Une mémoire vivante entre ciel et mer
11 février 2001, la britannique Ellen MacArthur, à bord de son Kingfisher, est accueillie par son père dans un hélicoptère de la Royal Navy à 145 km de la ligne d'arrivée au large des Sables-d'Olonne.
Mais ce qui ne change pas, c’est l’âme du Vendée Globe. Une épreuve où chaque concurrent devient un héros aux yeux du public. Celui qui gagne, bien sûr, mais aussi celui qui termine, ou celui qui abandonne dans la dignité. On se souvient de Michel Desjoyeaux, revenu aux Sables réparer son bateau lors de l’édition 2008, avant de repartir avec 40 heures de retard… et de gagner. On n’oublie pas non plus les gestes de solidarité en pleine mer : Loïck Peyron sauvant Philippe Poupon dont le bateau chavire dans les quarantièmes, ou Jean Le Cam recueillant Kevin Escoffier, naufragé sur son radeau au large du cap de Bonne-Espérance.
Gerry Roufs, l'un des portés disparus du Vendée Globe.
D’autres moments marquent les mémoires, comme Bertrand de Broc, qui lors de l’édition 1992-1993, se recoud lui-même la langue au milieu des cinquantièmes hurlants, ou Yves Parlier, qui après avoir démâté en 2001, reconstruit un gréement de fortune sur une plage isolée pour pouvoir repartir. Et puis, il y a les absents. Les noms de Mike Plant, Nigel Burgess et Gerry Roufs, disparus en mer, résonnent encore comme un rappel brutal de la fragilité de cette aventure. À chaque édition, la course écrit des pages d’humanité, où l’exploit se mêle à la survie, et le courage à l’imprévu.
L'arrivée d'Isabelle Autissier aux Sables d'Olonne, le 21 février 1997.
Les Sables-d’Olonne, se sont transformés en temple du courage et de la résilience. Le chenal que les marins remontent à marée haute pour franchir la ligne de départ est devenu un théâtre populaire, où se mêlent larmes, applaudissements et chants. On y salue ceux qui reviennent épuisés, blessés ou marqués, mais debout, toujours. Et lorsque les voiliers réapparaissent à l’horizon, des semaines ou des mois plus tard, parfois sous la neige ou dans le vent glacial, une foule immense les attend encore, comme si le temps s’était arrêté. Le port devient alors mémoire : celle des marins disparus, des bateaux démâtés, des sauvetages héroïques, des réparations de fortune. Le Vendée Globe n’est pas une course. C’est une frontière. Ceux qui s’y engagent ne sont plus jamais tout à fait les mêmes. Ils ont vu la nuit du sud, entendu le cri du vent, senti le vide sous la coque. Et quand ils rentrent, la foule les attend, comme un pays entier qui a retenu son souffle. Ce moment-là, sur la jetée des Sables, ce n’est pas une arrivée. C’est une résurrection.
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GLOSSAIRE
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Vendée Globe : Course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale ni assistance, créée en 1989.
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Les Sables-d’Olonne : Ville portuaire de Vendée d’où part et arrive chaque édition de la course.
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IMOCA 60 : Type de monocoque de 18,28 m utilisé pour le Vendée Globe, conçu pour les courses océaniques extrêmes.
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Foils : Appendices courbes qui permettent aux bateaux de s’élever au-dessus de l’eau pour gagner en vitesse.
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Cap de Bonne-Espérance / Cap Leeuwin / Cap Horn : Trois grands caps à contourner par bâbord pendant la course.
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Pot au noir : Zone de calmes équatoriaux imprévisibles, où le vent est souvent absent.
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Point Némo : Point de l’océan le plus éloigné de toute terre habitée, symbole d’isolement extrême.
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Quarantièmes rugissants / Cinquantièmes hurlants : Lattitudes du sud balayées par des vents violents et des vagues immenses.
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Gréement de fortune : Installation de secours permettant de reconstituer un mât après un démâtage.
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Chenal de Port Olona : Passage symbolique que les skippers empruntent au départ et à l’arrivée de la course.
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