Le phare de l’île Vierge : un géant Breton

L'Île Vierge Plouguerneau Finistère

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Le phare de l’île Vierge, au large de Plouguerneau dans le Finistère, est le plus haut d’Europe. Battue par les vents, son île fut tour à tour lieu monastique, fortin militaire, repère pour goémoniers, avant d’abriter un chef-d’œuvre d’ingénierie maritime. De sa construction titanesque à la vie des gardiens, l’histoire de ce phare raconte une Bretagne de pierre, de lumière et de solitude.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Avant le phare : une île d’ermites

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 Vue de l'île Vierge et de son phare, construit entre 1897 et 1902, autrefois lieu de résidence des moines.

Bien avant d’être dominée par un phare, l’île Vierge — Enez-Werc’h en breton — portait déjà les traces d’une longue occupation humaine. Des tumuli de l’âge du bronze y attestent une présence dès 1500 avant notre ère. Mais c’est au XVe siècle qu’un premier récit s’écrit vraiment : en 1434, des moines cordeliers s’y installent, espérant vivre en autarcie dans un couvent dédié à la Vierge Marie. Le climat rude, les vents et l’infertilité des sols auront vite raison de leurs espoirs. En 1509, ils abandonnent l’île pour fonder une abbaye sur le continent, mais laissent leur empreinte dans le nom même de l’île, "vierge" de toute culture humaine durable.

Au XVIIe siècle, Vauban y installe une batterie de canons sur la façade sud-est pour défendre l’entrée du chenal de l’Aber Wrac’h, tandis qu’au XIXe siècle, l’île devient un lieu de labeur pour les goémoniers. Ces derniers y récoltent et brûlent les laminaires dans des fours rudimentaires, séchant les algues sous la lumière du premier phare — mis en service en 1845. Ce premier édifice de 33 mètres, visible à 18 milles, devient vite obsolète : l’intensification du trafic maritime impose de construire plus grand, plus fort, plus haut.

Ile vierge - Un phare dans les yeux d'Emmanuel Lepage - 1

Un géant de pierre veille sur l’horizon

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 Les deux phares de l'île Vierge, dans le Finistère. 

En 1896, l’État lance un projet ambitieux : ériger un nouveau phare capable de projeter sa lumière à 52 kilomètres. Le chantier, confié à Gustave Corre, entrepreneur brestois, débute en 1897. Le sol de l’île s’avère rapidement instable, mélange de sable et de blocs de granite : il faut combler cette veine fragile avec du béton avant de poser les premières assises. Pendant cinq ans, une vingtaine d’ouvriers — maçons du Cap Sizun et manœuvres souvent pêcheurs à l’arrêt — travaillent été comme hiver, logés dans des baraquements en planches construits spécialement pour eux. Une cantine leur sert trois repas chauds par jour contre huit francs mensuels. Les matériaux sont acheminés depuis les carrières de Kersanton, ou extraits sur place. Pour éviter la condensation dans la tour, 12 500 plaques d’opaline bleu azur, fabriquées par Saint-Gobain, tapissent l’intérieur du fût : une prouesse à la fois esthétique et technique.

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L'ancien phare de l'île Vierge en 1883. 

En 1902, après cinq ans de travaux dans des conditions souvent rudes, le phare de l’île Vierge est allumé pour la première fois. Il culmine à 82,5 mètres, devenant le plus haut phare d’Europe et le plus haut phare en pierre de taille du monde. Sa lumière, produite à l’origine par des lampes à huile, est amplifiée par une lentille de Fresnel et réglée pour émettre un éclat blanc toutes les cinq secondes. En 1956, l’électricité remplace définitivement les sources lumineuses traditionnelles. Une rampe de 397 marches, dont 360 suspendues en pierre, mène jusqu’à la lanterne, perchée comme un joyau au sommet du granit. Quant à l'ancien phare, désaffecté mais toujours debout, il a été reconverti en gîte insolite : aujourd'hui, on peut y passer la nuit, bercé par les vents et les souvenirs d’un autre temps.

Îles et îlots de Bretagne - 1

Gardien de phare : la mémoire vivante de l'île Vierge

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Le Phare de l'île Vierge culmine à près de 85 mètres de hauteur.

Pendant plus d’un siècle, des hommes ont veillé sur ce phare comme on veille sur une flamme. De 1845 à 2010, plus de 75 gardiens se sont succédé, vivant à deux ou trois sur l’île, isolés du continent. Jusqu’à l’automatisation, leur quotidien était fait de quarts de surveillance, de rapports météorologiques, d’entretien technique et de solitude consentie. Ils vivaient au rythme du vent, des marées, et de la lumière. Un réservoir d’eau de pluie assurait leur consommation, et certains, comme Jean Malgorn, y ont laissé une part d’eux-mêmes. Pendant ses 28 années de service, Jean Malgorn a vu défiler tempêtes, accalmies, et drames en mer. Un jour, il aperçoit un bateau en perdition : dix enfants et cinq adultes sont à bord. Grâce à sa vigilance, l’alerte est donnée à temps, et la SNSM parvient à tous les sauver.

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 Vue du phare de l'île Vierge depuis St Cava. Source: wikipedia 

Le 29 octobre 2010, les derniers gardiens quittent l’île. Le phare est désormais télé-surveillé depuis Ouessant, et classé monument historique en 2011. Ouvert au public, il attire chaque été les curieux, les passionnés de patrimoine maritime et les amoureux des récits de mer. L’île est protégée par le Conservatoire du Littoral, et son accès partiellement restreint durant la période de nidification des oiseaux marins. Plus qu’un repère pour les navigateurs, le phare de l’île Vierge est devenu un repère affectif pour les habitants de la région, un monument de pierre, de lumière et de mémoire. Sur cette île, la pierre parle, la lumière guide, la mémoire veille. Le phare n’est plus seulement un repère maritime : il est devenu un phare intérieur pour ceux qui le regardent.

 

Photo de couverture :  Les 360 marches suspendues du phare de l'île Vierge. Toutes en pierre de taille, toutes uniques et faites sur-mesure.

Auteur : Yann Caradec-Source : wikipedia


Histoire de tous les phares de France - 1

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GLOSSAIRE

  • Phare d’atterrage : Phare positionné à l’approche d’une côte pour guider les navires depuis le large.

  • Opaline : Verre semi-translucide utilisé pour tapisser l’intérieur du phare et limiter la condensation.

  • Lentille de Fresnel : Lentille composée de cercles concentriques permettant de focaliser efficacement la lumière.

  • Goémonier : Travailleur récoltant les algues (goémon) sur les côtes bretonnes.

  • Conservatoire du Littoral : Organisme public français chargé de préserver les espaces naturels côtiers.

  • Éclat blanc toutes les 5 secondes : Signal lumineux codé permettant d’identifier le phare à distance.

  • Granite de Kersanton : Roche dure extraite près de Brest, très prisée pour les constructions maritimes.

  • Automatisation (phare) : Passage d’un système manuel à un système entièrement piloté à distance.

  • Corne de brume : Dispositif sonore d’alerte utilisé en cas de brouillard épais.

  • Monument historique : Label officiel français protégeant un édifice remarquable par son histoire ou son architecture.

Finistère - 1


POUR SE REPÉRER

 


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