Pascal Paoli : son rêve d'une nation Corse

16 D71 Morosaglia

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“Ma vie entière, j'ose le dire, a été un serment ininterrompu à la liberté.” Pascal Paoli

De Morosaglia à Londres, le destin de Pascal Paoli illustre l’itinéraire hors du commun d’un chef corse. Formé en exil en Italie, il revient en 1755 pour fonder une république indépendante. Vainqueur des Français à Borgo, il subit ensuite la défaite de Ponte-Novo avant de se réfugier en Angleterre. Rentré pendant la Révolution, il tente un éphémère royaume anglo-corse. Depuis sa mort à Londres, il reste une figure majeure et incontournable de l’histoire corse.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Dans les pas d’un enfant en exil

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 Portrait de Pasquale Paoli (1725-1807). Gravure tirée de « La Révolution française » d'Erckmann-Chatrian, 1888.   

Pascal Paoli naît en 1725 à Morosaglia, un village de montagne perché au cœur de la Castagniccia. Son enfance se déroule dans une Corse secouée par les soulèvements contre la domination génoise. Son père, Giacinto Paoli, est l’un des chefs de l’insurrection de 1729. En 1739, la famille est contrainte à l’exil à Naples, fuyant la répression franco-génoise. Pascal, alors adolescent, y reçoit une formation militaire rigoureuse, mais aussi une solide éducation intellectuelle. Il est fasciné par les auteurs des Lumières, les modèles républicains antiques, et par l'idée d'un gouvernement juste, fondé sur la raison et le bien commun.

Dans les salons intellectuels napolitains, il côtoie des penseurs réformistes et s'imprègne d'un esprit d'émancipation politique. Il y forge la vision d’une Corse affranchie, éclairée, organisée autour de principes républicains. Pour lui, la montagne corse doit devenir le terrain d'une expérience politique neuve, à contre-courant de l'absolutisme européen. Son apprentissage militaire est mis au service d’une ambition politique : celle de libérer son peuple et de lui offrir un avenir. Cette ambition, longtemps rêvée en exil, se concrétise en 1755, quand il est appelé à revenir sur sa terre natale.

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Pasquale Paoli rêve d'une Corse indépendante

Corte citadelle sous la neige

La ville de Corte en Haute-Corse. photo Pierre Bonna 

En 1755, Paoli revient en Corse et est élu général en chef par la consulta de Corte. Il fonde une véritable République corse : une constitution mêlant influences britanniques et idées des Lumières continentales, une justice équitable, une monnaie nationale, une armée et, fait remarquable, une université à Corte. Son autorité s’impose dans la plupart des provinces de l’île, parfois au prix de négociations habiles ou de fermeté. Il fait de la Corse un modèle politique en Europe, admiré par des penseurs comme Rousseau. Il promeut l’instruction, le mérite et une représentation politique enracinée dans les réalités locales. Dans ce laboratoire d’autonomie, Paoli incarne à la fois le stratège militaire et le philosophe des Lumières.

Battle of Ponte Novu (May 8 and 9, 1769)

 Bataille de Ponte Novo (8 au 9 mai 1769) entre l'armée française du comte de Vaux et les troupes nationalistes corses de Pascal Paoli. 

Mais la fragile indépendance est menacée. En 1768, Gênes cède l’administration de la Corse à la France par le traité de Versailles. Paoli refuse cette soumission. La guerre éclate avec l’arrivée des troupes françaises. Le 8 octobre 1768, Paoli inflige une sévère défaite aux forces royales à Borgo, galvanisant l’espoir d’une résistance victorieuse. Mais le 8 mai 1769, à Ponte-Novo, ses troupes mal équipées sont battues. L’affrontement est décisif : la Corse passe sous contrôle français. Dans les jours qui suivent, Paoli embarque pour l’Angleterre. Ses compagnons relatent la scène d’un homme digne et silencieux, contemplant une dernière fois les sommets de son île disparaître dans la brume.

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Paoli, l’homme qui ne voulait pas plier

1794 Jeffreys Map of Corsica, France - Geographicus - Corsica-jeffreys-1794

 Extraordinaire carte anglaise datant de 1794, montrant l'île du royaume de Corse. 

Exilé à Londres, Paoli devient une figure respectée des milieux politiques et intellectuels britanniques. Pendant plus de vingt ans, il observe les soubresauts de l’Europe. En 1790, la Révolution française l’amnistie : il rentre triomphalement en Corse, acclamé à Macinaggio. Il reprend la tête de la Garde nationale et du Conseil général. Mais rapidement, il dénonce la radicalisation de la Convention. Accusé de trahison, il rompt avec Paris et cherche le soutien de l'Angleterre.

Avec les Britanniques, Pascal Paoli fonde entre 1794 et 1796 un éphémère royaume anglo-corse. Il garde un rôle politique fort, mais les tensions avec le vice-roi anglais Sir Gilbert Elliot le poussent à se retirer. En 1795, Paoli repart pour l’Angleterre, cette fois définitivement. Il y meurt en 1807. En 1889, ses cendres sont rapatriées à Morosaglia. Sa maison natale est transformée en musée. Sa mémoire, tour à tour héroïque ou controversée, reste un point d’ancrage de l'identité corse. Tantôt républicain, tantôt monarchiste, tantôt visionnaire, Paoli fascine car il incarne l'éternelle tension entre liberté, autonomie et destin national.

 

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GLOSSAIRE

  • Pascal Paoli (ou Pasquale Paoli) : Chef politique et militaire corse (1725–1807), fondateur de la République corse indépendante de 1755 à 1769, figure majeure des Lumières et du nationalisme corse.

  • Morosaglia : Village de Haute-Corse, lieu de naissance de Paoli, abritant aujourd’hui le musée qui lui est dédié.

  • Castagniccia : Région montagneuse de Corse orientale connue pour ses forêts de châtaigniers, berceau de la famille Paoli.

  • Giacinto Paoli : Père de Pascal Paoli, lui-même chef de guerre contre les Génois et figure politique influente.

  • Insurrection de 1729 : Soulèvement majeur des Corses contre la République de Gênes, considéré comme le point de départ du mouvement indépendantiste.

  • Lumières : Mouvement intellectuel européen du XVIIIe siècle promouvant la raison, la liberté, l’éducation et le progrès social.

  • Consulta : Assemblée politique traditionnelle corse représentant les communautés locales ; elle élit Paoli en 1755.

  • République corse : État indépendant créé par Paoli entre 1755 et 1769, doté d’une constitution, d’une armée, d’une monnaie et d’une université.

  • Corte : Ville corse choisie par Paoli comme capitale intellectuelle de la République, où il fonde une université en 1765.

  • Traité de Versailles (1768) : Accord par lequel Gênes transfère l’administration de la Corse au royaume de France.

  • Bataille de Borgo (1768) : Victoire militaire majeure des troupes de Paoli sur les forces françaises.

  • Ponte-Novo : Village corse où se joue, le 8 mai 1769, la bataille décisive entraînant la chute de la République corse.

  • Royaume anglo-corse : Tentative d’État protégé par l’Angleterre entre 1794 et 1796, mis en place avec le soutien de Paoli.

  • Sir Gilbert Elliot : Vice-roi britannique en Corse sous le royaume anglo-corse, en conflit avec Paoli sur la gouvernance.

  • Macinaggio : Port de Haute-Corse où Paoli débarque triomphalement en 1790 après son exil.

  • Garde nationale corse : Milice révolutionnaire créée dans le sillage de 1789, que Paoli dirige brièvement.

  • Exil à Londres : Période de repli politique et intellectuel pour Paoli, d’abord entre 1769 et 1790, puis à partir de 1795 jusqu’à sa mort.

  • Transfert des cendres (1889) : Retour symbolique de Paoli en terre corse sous la IIIe République ; ses restes sont déposés à Morosaglia.

 


POUR SE REPÉRER

 


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