Bordeaux : l’histoire du pont de pierre

Pont de Pierre Bordeaux Gironde

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Ordonné par Napoléon Ier en 1810, interrompu à la chute de l’Empire, relancé en 1819 par un financement privé sous la Restauration, puis inauguré en 1822, le pont de pierre est le premier pont fixe à franchir la Garonne à Bordeaux. Composé de 17 arches en pierre et brique, il a marqué un tournant historique dans l’union des deux rives de la ville. Véritable prouesse technique pour l’époque, il est aujourd’hui un emblème patrimonial, classé monument historique depuis 2002, et réservé aux mobilités douces depuis 2018.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Quand Napoléon a défié la Garonne

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Vue aérienne du pont de Pierre qui traverse la Garonne. 

Au début du XIXe siècle, Bordeaux est une ville florissante mais fragmentée. La Garonne, redoutée pour ses courants puissants et ses crues soudaines, sépare la rive gauche commerçante de la rive droite populaire. Aucun pont fixe ne permet alors de relier durablement les deux rives : les Bordelais dépendent encore de bacs et de pontons flottants pour franchir le fleuve. Pour Napoléon Ier, engagé dans la guerre d’Espagne, cette situation est intenable. En 1810, il ordonne la construction d’un pont solide et permanent, qui facilitera le passage des troupes vers le sud. Ce sera un ouvrage d’envergure, symbole de puissance impériale et de modernité.

Claude Deschamps (1765-1843)

Claude Deschamps,  ingénieur des ponts et chaussées et concepteur du pont de Pierre. 

Mais ériger un pont à cet endroit précis de la Garonne relève de l’exploit. Dès les premiers travaux, les ouvriers doivent faire face à des défis considérables. Les pieux d’échafaudage sont emportés par les crues, les fondations s’enfoncent dans la vase. L’ingénieur Claude Deschamps, nommé à la tête du projet, tente d’adapter les plans : le pont, d’abord envisagé en bois pour des raisons de rapidité, est finalement conçu en pierre et brique à la demande des Bordelais. Mais la chute de l’Empire en 1814 interrompt tout. Il faudra attendre 1819, sous la Restauration, pour que le projet reprenne. Cette fois, c’est une société privée – la Compagnie du pont de Bordeaux – qui finance les travaux en échange d’un droit de péage. Le chantier peut enfin redémarrer, sous l’égide d’un capitalisme local aussi pragmatique que visionnaire.

Le temps des ponts - quatre siecles de defis bordelais - 1

Le pont de pierre : une prouesse technique

Jacques-Raymond Brascassat - Deux vues de Bordeaux (1)

 Huile sur toile de Jacques-Raymond Brascassat de 1822 sur laquelle il représente le tout nouveau pont de Pierre de Bordeaux 

Après douze années de lutte contre le fleuve, le 1er mai 1822, le pont de pierre est officiellement inauguré par le roi Louis XVIII, qui s’approprie le projet à des fins symboliques. Long de 487 mètres et large de 14,80 mètres à l’origine, il repose sur 17 arches en pierre de taille et brique. Ces arches sont soutenues par 220 pieux de pin des Landes et de sapin, enfoncés d’une dizaine de mètres jusqu’au sol dur. Les piles du pont, réalisées dans des caissons étanches en bois, selon un procédé encore novateur en France à cette époque, sont ornées de médaillons blancs à la gloire de Napoléon, vestiges du projet impérial d’origine.

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 Les arches du pont de pierre de nuit, au-dessus de la Garonne en 1989

À la fois prouesse d’ingénierie et symbole de prestige, l’ouvrage se distingue par son tablier creux, traversé par six galeries longitudinales destinées à en limiter le poids. Cette technique permet d’absorber les mouvements du fleuve et de préserver la stabilité de l’ensemble. Une légende populaire prétend que le choix des 17 arches correspondrait au nombre de lettres de « Napoléon Bonaparte » – une coïncidence troublante, bien que non vérifiée.

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Photographie du pont de Pierre en 1904, sur laquelle on peut voir des convois de marchandises transiter.

À ses débuts, le pont est un ouvrage payant. Le péage est perçu jusqu’en 1863 pour les usagers, et l’octroi sur les marchandises transportées ne sera aboli qu’en 1928. Il devient alors un pont de vie, un axe de passage quotidien entre deux mondes urbains qui, jusque-là, se regardaient sans se rejoindre.

La Garonne - 1

Comment Bordeaux a sauvé son pont de pierre

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 Vers 1960, la circulation traverse la Garonne sur le pont de Pierre qui relie la rive gauche et la rive droite du fleuve à Bordeaux. 

Dès le début du XXe siècle, les ingénieurs alertent : le pont s’enfonce dans le lit de la Garonne, fragilisé par l’érosion, les crues et les effets des dragages portuaires. Des enrochements sont versés pour renforcer les piles, dont certaines sont même corsetées. En 1954, le tablier est élargi à 19 mètres pour s’adapter à l’essor du trafic. En 1981, un dispositif de surveillance continue est alors mis en place : capteurs de déplacement, inclinomètres, fissuromètres veillent à la santé du pont. En 2002, le pont de pierre est enfin inscrit à l’inventaire des monuments historiques.

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 2004, une barge transportant une partie du fuselage de l'Airbus A380 passe sous le pont de Pierre à Bordeaux. 

En 2004, des ducs d’Albe sont ajoutés pour protéger certaines piles du passage des barges transportant les éléments de l’Airbus A380. Ce géant des airs est venu effleurer l’histoire d’un pont né sous Napoléon.

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 Bordeaux: tramway sur le pont de pierre.   

En 2018, une décision forte est prise : le pont est fermé aux voitures. Il devient un espace réservé aux piétons, cyclistes, transports en commun, taxis et services d’urgence. Longtemps accusé d’avoir freiné le développement portuaire amont, il est aujourd’hui revalorisé comme trait d’union vivant entre les rives. Son bicentenaire en 2022 donne lieu à de nombreuses expositions, visites guidées et journées d’études. À l’été 2025, une nouvelle phase de travaux viendra renforcer l’ouvrage : cerclage des piles, micro-pieux, reprise de l’étanchéité du tablier… Le pont poursuit ainsi sa lente et obstinée adaptation au temps.

 

Bordeaux, patrimoine mondial - 1

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GLOSSAIRE

  • Pont de pierre : Premier pont fixe de Bordeaux, construit entre 1810 et 1822, long de 487 mètres.

  • Napoléon Ier : Empereur français à l’origine du projet du pont pour des raisons militaires et logistiques.

  • Claude Deschamps : Ingénieur en chef du chantier, chargé de surmonter les défis techniques du fleuve.

  • Pieux : Longs poteaux enfoncés dans le sol pour stabiliser les fondations du pont.

  • Caisson étanche : Structure en bois utilisée pour construire les piles sous l’eau en maintenant une zone sèche.

  • Tablier : Partie supérieure du pont sur laquelle circulent les usagers.

  • Ducs d’Albe : Pieux de protection placés dans le fleuve pour éviter les collisions avec les piles du pont.

  • Octroi : Taxe perçue à l’entrée des villes sur les marchandises transportées.

  • Patrimoine historique : Ensemble des biens matériels ou immatériels jugés dignes de conservation pour leur valeur historique ou culturelle.

Histoire de Bordeaux - 1


POUR SE REPÉRER

 


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QUESTIONS FRÉQUENTES

Pourquoi Napoléon a-t-il voulu un pont à Bordeaux ?
Pour relier plus rapidement Bordeaux à l’Espagne pendant la guerre, faciliter la logistique militaire et affirmer la modernité impériale.

Quels défis techniques ont marqué la construction du pont ?
Le courant violent de la Garonne, les crues, la vase instable et la difficulté à construire des piles solides ont compliqué l’ensemble du chantier.

Pourquoi le pont de pierre compte-t-il exactement 17 arches ?
Une légende dit qu’il y a autant d’arches que de lettres dans « Napoléon Bonaparte ». Cela reste symbolique, sans preuve formelle.

Le pont de pierre a-t-il toujours été accessible gratuitement ?
Non. Il était initialement payant : un péage fut perçu jusqu’en 1863, et l’octroi sur les marchandises jusqu’en 1928.

Est-ce que le pont  de pierre est encore utilisé aujourd’hui ?
Oui, mais il est fermé aux voitures depuis 2018. Il est désormais réservé aux piétons, cyclistes, transports en commun et véhicules autorisés.