Quand Montrouge vibrait au son du stade Buffalo
26 Rue du Stade Buffalo Montrouge
À deux pas de la porte d’Orléans, le stade Buffalo fut l’un des hauts lieux du sport et de la vie politique en Île-de-France. Entre boxe, football, cyclisme, meetings du Front populaire et internement durant la guerre, ce lieu aujourd’hui disparu incarne à lui seul l’histoire mouvementée du XXe siècle à Montrouge.
L'HISTOIRE EN BREF
Un stade géant né des cow-boys de Buffalo Bill
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Programme du « Far West de Buffalo Bill » et du « Congrès des Rough Riders du monde », datant du 29 mars 1899.
Tout commence à Neuilly-sur-Seine, en 1889. Buffalo Bill, le célèbre cow-boy américain, déchaîne les foules avec son Wild West Show présenté lors de l’Exposition universelle. En 1896, un vélodrome baptisé « Buffalo » est érigé sur le site même du spectacle, en hommage au cow-boy. Buffalo Bill, lui, ne foulera jamais le sol montrougien. C’est pourtant à Montrouge que l’héritage du nom s’ancre véritablement : le 17 septembre 1922, le stade Buffalo est inauguré rue Carvès, sur une vaste parcelle à deux pas du cimetière parisien de Bagneux. Avec sa piste cycliste en ciment et ses gradins géants, il peut accueillir jusqu’à 50 000 spectateurs : un colosse pour l’époque.
Combat de boxe entre Georges Carpentier et Battling Siki au stade Buffalo de Montrouge en 1922.
Dès ses débuts, le stade devient un monument du sport populaire parisien. Le 24 septembre 1922, il accueille un combat de boxe historique entre Georges Carpentier et Battling Siki, retransmis pour la première fois en direct à la radio française.
Premier match de football au stade Buffalo de Montrouge, au sud de Paris, en 1923.
En 1923, les « Loups de Paris » disputent le premier match de football de l’enceinte. Très vite, les grands clubs de la capitale – le Stade français, le CA Paris, le Club français – y disputent régulièrement leurs rencontres. L’équipe de France de football y joue même à quatre reprises dans les années 1920, face à la Belgique, au club brésilien de l’Athletico Paulistano — présenté à tort comme la sélection du Brésil — ou encore à l’Irlande du Nord. Buffalo devient alors un acteur incontournable du football tricolore.
Buffalo, un ring politique pour les combats de société
"Marseillaise", toile de trente mètres reproduisant la Marseillaise de Rude. Elle fut déployée au stade Buffalo le 14 juillet 1935 lors des Assises de Buffalo, où des organisations politiques prêtèrent serment pour la défense de la démocratie contre le fascisme, événement fondateur du Front populaire.
Le sport n’est pas la seule arène de ce lieu unique. Dans les années 1930, le stade Buffalo devient un haut lieu de rassemblement politique, dans un contexte européen marqué par la montée du fascisme. Le 14 juillet 1935, il accueille les Assises de la paix et de la liberté, où se retrouvent socialistes, communistes et radicaux. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un événement officiel, ce rassemblement est souvent considéré comme un acte fondateur symbolique du Front populaire. En 1949, des milliers de militants se retrouvent encore dans l’enceinte pour le Congrès mondial des partisans de la paix, illustré par une affiche du peintre Jean Dorville.
Mineurs défilant lors du meeting de clôture du Congrès mondial des partisans de la paix au stade Buffalo de Montrouge, le 25 mai 1949.
Mais l’histoire de Buffalo est aussi marquée par un tournant tragique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le stade est réquisitionné par le régime de Vichy et transformé en centre de rassemblement des étrangers, préfigurant parfois des déportations. Ce lieu de sport et de fraternité devient alors un espace de souffrance et de ségrégation. Après la Libération, le stade tente de retrouver son éclat : en 1947, Louison Bobet y remporte sa première grande course cycliste, les Boucles de la Seine, avant de disputer son premier Tour de France. Entre 1953 et 1957, les premières courses de stock-car en Europe sont organisées sur ses pistes, marquant les dernières années du stade par un souffle de modernité.
La résidence Buffalo : une métamorphose urbaine
Match de Rugby entre l'équipe de France et celle d'Angleterre au stade Buffalo le 6 février 1936
Le souffle sportif s’éteint, mais un nouveau souffle urbain prend le relais. Au début des années 1950, Montrouge est confrontée à une forte pression démographique. En 1952, la Ville achète le terrain du stade, alors peu utilisé, et confie à l’architecte Fernand Pouillon la mission de le transformer. Entre 1955 et 1957, le site est métamorphosé en résidence Buffalo, un ensemble de 466 logements modernes entourés d’un parc d’un hectare, avec crèche et école intégrées. Conçus avec des façades en pierre de Provence et une structure en béton armé, les bâtiments jouent sur les volumes pour casser l’effet de masse. Ce type d’architecture, rare dans la banlieue sud de Paris, est reconnu aujourd’hui comme une « architecture contemporaine remarquable ».
Cerisiers en fleur devant immeuble de la résidence Buffalo.
Plus rien ne subsiste du stade lui-même. Mais le nom du lieu – « Buffalo » – vit encore dans la mémoire des anciens, dans les archives de la ville, et sur les plaques de rue. Le site fut un cœur battant de Montrouge, théâtre des grandes heures du sport français, mais aussi témoin des luttes sociales et des blessures de l’Histoire. En rendant hommage à ce lieu disparu, Ystory redonne vie à un passé vibrant, où sport, luttes sociales et métamorphoses urbaines s’entremêlaient dans un même cadre.
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GLOSSAIRE
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Stade Buffalo : ancien complexe sportif de Montrouge, inauguré en 1922, connu pour ses compétitions sportives majeures et ses grands rassemblements politiques, démoli en 1957.
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Buffalo Bill : nom de scène de William F. Cody, cow-boy américain célèbre pour ses spectacles itinérants mêlant western et folklore amérindien, à l’origine du nom du stade.
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Georges Carpentier : boxeur français de renommée mondiale, protagoniste du combat de 1922 au stade Buffalo contre Battling Siki, retransmis en direct à la radio.
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Louison Bobet : célèbre cycliste français, vainqueur de sa première grande course professionnelle au stade Buffalo en 1947.
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Athletico Paulistano : club brésilien de football, présenté à tort comme la sélection nationale lors de son match contre la France au stade Buffalo en 1925.
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Assises de la paix et de la liberté : grand meeting politique organisé le 14 juillet 1935 au stade Buffalo, considéré comme un acte fondateur du Front populaire.
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Centre de rassemblement des étrangers : terme officiel utilisé sous le régime de Vichy pour désigner les lieux d’internement des étrangers ; le stade Buffalo fut l’un d’eux durant la Seconde Guerre mondiale.
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Stock-car : discipline automobile spectaculaire importée des États-Unis, dont les premières courses européennes se sont tenues au stade Buffalo entre 1953 et 1957.
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Fernand Pouillon : architecte français de renom chargé de la construction de la résidence Buffalo à la place du stade, entre 1955 et 1957.
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Architecture contemporaine remarquable : label attribué à certains édifices du XXe siècle en France pour leur valeur architecturale ; la résidence Buffalo en fait partie.
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QUESTIONS FRÉQUENTES
Où se trouvait exactement le stade Buffalo à Montrouge ?
Le stade Buffalo était situé à l’angle de la rue Carvès et de l’avenue du Fort, à proximité du cimetière parisien de Bagneux, dans la commune de Montrouge, au sud de Paris.
Quels événements marquants ont eu lieu au stade Buffalo ?
Le stade a accueilli des matchs de l’équipe de France de football, des combats de boxe historiques comme Carpentier-Siki, les premiers matchs de rugby à XIII, des meetings politiques majeurs, des courses de stock-car et même des tournages de cinéma.
Pourquoi le stade Buffalo a-t-il été détruit ?
Après la Seconde Guerre mondiale, le stade est peu à peu tombé en désuétude. Face à la pression démographique des années 1950, la Ville de Montrouge a décidé de le remplacer par un ensemble résidentiel conçu par Fernand Pouillon.
Que trouve-t-on aujourd’hui à la place du stade Buffalo ?
À sa place se trouve la résidence Buffalo, un ensemble de 466 logements, classé « architecture contemporaine remarquable », comprenant également un parc, une crèche et une école.
Le nom "Buffalo" est-il encore visible aujourd’hui à Montrouge ?
Oui, le souvenir du stade persiste dans le nom de la rue du Stade Buffalo, dans la toponymie locale et dans la mémoire collective du quartier.