
Michelin à Clermont-Ferrand : une histoire industrielle qui a changé le monde
32 Rue du Clos Four Clermont-Ferrand
À Clermont-Ferrand, l’entreprise Michelin transforme une petite fabrique familiale en géant mondial du pneu. Dès 1889, les frères André et Édouard Michelin inventent le pneu démontable, créent Bibendum, révolutionnent l’automobile, la publicité et le tourisme. Implantée au cœur de l’Auvergne, Michelin a façonné l’urbanisme, la mémoire ouvrière et l’économie mondiale. Cette histoire raconte comment une idée simple a mis la France — et le monde — sur roues.
L'HISTOIRE EN BREF
Des machines agricoles au pneu démontable : les débuts de Michelin à Clermont-Ferrand
À la fin du XIXe siècle, l’entreprise Barbier & Daubrée, fondée à Clermont-Ferrand en 1832, fabrique des machines agricoles et travaille le caoutchouc. Mais l’usine décline. En 1886, l’ingénieur parisien André Michelin est appelé à la rescousse. Il accepte une co-gérance provisoire, avant d’être rejoint en 1889 par son jeune frère Édouard, peintre formé aux Beaux-Arts, qui renonce à sa carrière artistique pour sauver l’affaire familiale. Ensemble, ils créent Michelin & Cie, tournant une page décisive de l’histoire industrielle de Clermont-Ferrand.
L'usine Michelin en 1906.
La même année, un cycliste arrive à l’atelier avec un pneu crevé. Édouard met alors au point un pneu démontable, testé sur la course Paris-Brest-Paris. Pour en démontrer l’efficacité, Édouard fait semer des clous sur la route. La marque naît dans l’ingéniosité... et la provocation.
Première représentation publicitaire du Bonhomme Michelin portant un toast.
En 1898, André donne vie à Bibendum, personnage de pneus brandissant une coupe de clous : « Nunc est bibendum ! ». Le slogan devient son nom. Un siècle plus tard, le Financial Times le sacre logo du siècle. L’ingénieur communicant réussit là où personne ne l’attendait : faire d’un fabricant de pneus une légende populaire.
Michelin invente la mobilité moderne : guides, cartes et pneu radial
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Couverture du premier guide Michelin de 1900.
Dès 1900, Michelin publie son célèbre Guide Michelin, initialement distribué gratuitement aux automobilistes pour leur indiquer les garagistes, hôtels et restaurants dignes de confiance. C’est une petite révolution : l’entreprise ne vend plus seulement des pneus, elle propose désormais de faciliter le voyage routier dans son ensemble. En 1926, le guide prend une dimension gastronomique en introduisant un système de notation par étoiles, devenu mondialement célèbre.
Carte routière Michelin de 1913.
Pour accompagner le développement de l’automobile, Michelin crée également des cartes routières détaillées, implante des bornes en fonte émaillée à travers le pays, et ouvre à Paris un bureau d’itinéraires personnalisés, ancêtre direct de ViaMichelin. En parallèle, elle milite pour la numérotation officielle des routes nationales. En quelques années, Michelin devient un acteur structurant du tourisme moderne, un passeur de territoires autant qu’un constructeur d’innovations.
Salon de l'auto de Paris, vers 1912. Carte postale ancienne faisant la promotion des pneus démontables Michelin.
Pendant la Première Guerre mondiale, Michelin se transforme en constructeur aéronautique et fabrique plus de 2 000 avions pour soutenir l’effort militaire. L’entreprise investit aussi le secteur des transports publics. En 1929, elle lance la Micheline, un train sur pneus, plus silencieux et plus léger que les modèles traditionnels. En 1946, elle révolutionne une nouvelle fois la mobilité en déposant le brevet du pneu radial Michelin X, qui améliore considérablement la tenue de route, l’adhérence, et la durée de vie des pneus. Ce modèle s’impose comme une référence mondiale. Citroën, alors sous le contrôle de Michelin, sera la première marque à l’adopter massivement, contribuant à imposer cette technologie dans l’industrie automobile européenne.
Entre paternalisme et mondialisation : l’impact social de l’usine Michelin
Sortie de l'usine Michelin de Clermont-Ferrand en 1971.
Mais le succès a aussi un coût. Dans les années 1920, Michelin exploite des plantations de caoutchouc au Viêt Nam, dans des conditions évoquées par Marguerite Duras : « Le latex coulait. Le sang aussi. » Et si la firme offre à Clermont des logements, des écoles et un stade, elle exige en retour discipline et docilité. Le paternalisme social se double d’un contrôle de la vie ouvrière. Les grèves de 1936 marquent une rupture, renforcée par la montée de la CGT. Certains cadres sont alors accusés de sympathies avec La Cagoule, groupe d’extrême droite clandestin. Malgré tout, à Clermont, l’usine Michelin des Carmes reste le cœur de l’aventure. Jusqu’en 1982, Michelin emploie 28 000 personnes dans la ville. Le groupe façonne l’urbanisme, la culture, l’identité locale. On naît, on vit, on meurt Michelin.
François Michelin qui dirigera l'entreprise familiale pendant 47 ans.
En 1955, François Michelin, petit-fils d’Édouard, prend la tête du groupe. Pendant 47 ans, il développe un capitalisme exigeant mais humaniste, refusant la délocalisation systématique, investissant dans la recherche et l’internationalisation. Fidèle à ses valeurs, il soutient aussi l’ASM Clermont-Auvergne, née au sein de la manufacture. Son fils, Édouard Michelin, modernise le groupe, développe le numérique, s’engage pour le développement durable. Mais en 2006, il meurt brutalement en mer. En 2012, Jean-Dominique Senard lui succède. Il devient le premier dirigeant non issu de la famille Michelin, engage le groupe vers la transition écologique.
Aujourd’hui, Michelin, fondé à Clermont-Ferrand, reste le leader mondial du pneu et du pneumatique, avec 150 millions de pneus produits par an. Chaque jour, plus de 400 000 véhicules roulent sur des pneus Michelin. Et tout a commencé ici. Le Bibendum accueille les visiteurs à l’Aventure Michelin. Dans ses yeux blancs se reflètent deux siècles d’industrie, de luttes, d’inventions et de routes — toutes tracées ici, à Clermont-Ferrand.
Note aux lecteurs
Les livres que nous vous proposons à travers l'article sont vendus en affiliation avec nos partenaires commerciaux. Ce sont les commissions que nous touchons sur chaque vente, qui permettent de financer Ystory dans la construction de cette mémoire collective multimédia.
GLOSSAIRE
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Bibendum : Mascotte de Michelin créée en 1898. Fait de pneus empilés, il symbolise la robustesse des produits et devient un emblème mondial. Élu logo du siècle par le Financial Times en 2000.
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Pneu démontable : Innovation majeure de 1891, conçue par Édouard Michelin, permettant de remplacer un pneu crevé rapidement. Elle ouvre la voie au développement du cyclisme et de l’automobile.
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Pneu radial (Michelin X) : Breveté en 1946, ce pneu renforce l’adhérence, la longévité et la sécurité des véhicules. Il s’impose mondialement à partir des années 1950.
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Guide Michelin : Ouvrage lancé en 1900 pour accompagner les automobilistes, recensant garagistes, hôtels et restaurants. Introduit les célèbres étoiles gastronomiques dès 1926.
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ViaMichelin : Service numérique d’itinéraires et de cartographie, héritier du bureau d’itinéraires ouvert à Paris au début du XXe siècle.
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Micheline : Train léger sur pneus lancé en 1929 par Michelin. Il symbolise la diversification technique de l’entreprise dans le transport ferroviaire.
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Usine des Carmes : Site historique de Clermont-Ferrand où Michelin installe ses ateliers et construit une ville-usine autour de ses activités.
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Paternalisme industriel : Politique sociale développée par Michelin, mêlant avantages concrets (logement, école, sport) et contrôle fort de la vie ouvrière.
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Plantations au Viêt Nam : Exploitées dans les années 1920 par Michelin pour la production de caoutchouc naturel. Les conditions de travail y furent très dures, dénoncées notamment par Marguerite Duras.
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La Cagoule : Groupe clandestin d’extrême droite actif dans les années 1930. Des membres de l’encadrement Michelin furent soupçonnés de sympathies envers ce mouvement.
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François Michelin : Dirigeant du groupe de 1955 à 2002. Petit-fils du fondateur, il incarne une vision exigeante, familiale et humaniste de l’entreprise.
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Jean-Dominique Senard : Premier dirigeant hors famille Michelin (depuis 2012). Il oriente le groupe vers une stratégie de responsabilité environnementale et sociale.
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CGT : Confédération Générale du Travail, syndicat ouvrier influent notamment lors des grèves de 1936 contre les excès du paternalisme.
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Clermont-Ferrand : Ville d’ancrage historique et identitaire de Michelin. Le groupe a profondément modelé son urbanisme, sa vie sociale et son économie locale.
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