Suzanne Noël, une femme engagée pour la dignité

Rédigé le 04/01/2024
Ystory


Suzanne Noël n'était pas seulement une chirurgienne, elle fut d'abord et pendant toute sa vie une révolutionnaire. Née à l'aube d'un siècle en pleine mutation, elle a marqué l'histoire en devenant une des premières femmes à exceller en chirurgie esthétique. Une nouvelle technique médicale, d'abord utilisée sur les gueules cassées de la première guerre mondiale, avant qu'elle ne les applique aux femmes pour leur rendre leur dignité.

Mais son histoire ne s'arrête pas là. Elle a aussi joué un rôle crucial dans le mouvement féministe, notamment en étant la fondatrice des clubs Soroptimist, qui ont permis d’accélérer l’histoire de l'émancipation féminine. Vous êtes sur le point de découvrir le parcours exceptionnel de cette femme qui à force de volonté et de courage, a su redéfinir les normes de son époque. Préparez-vous à être inspiré.

Une vie faite de défis personnels

 

Suzanne Gros est née dans une famille aisée de Laon en 1878, dans laquelle elle reçoit une éducation classique qui la destine, comme de nombreuses jeunes filles de son époque, à faire un bon mariage et à avoir des enfants. C’est donc à 19 ans qu’elle épouse Henri Pertat, un jeune médecin parisien, avec qui elle s’installe dans les beaux quartiers de la capitale.

Contre toute attente, Suzanne est bien décidée à faire des études, et c’est avec l’accord de son mari qu’elle décide de passer son bac en 1903. Le bac en poche elle choisit deux ans plus tard elle choisit de préparer le concours pour faire des études de médecine. Une nouvelle réussite pour Suzanne, qui doit cependant interrompre son parcours pour soigner une maladie rhumatismale. Combattante elle ne se laisse pas décourager et poursuit ses études, et elle va rapidement se distinguer en dermatologie et petite chirurgie.

Une vie d’apprentissage

En 1906, Suzanne Pertat travaille comme externe à l'hôpital Saint-Louis sous la direction de professeurs réputés. Mais c’est sous la direction du professeur Brocq, un prestigieux praticien de l’époque, que Suzanne va considérablement améliorer sa technique. Son mentor ayant remarqué les nombreuses compétences de sa jeune élève, lui confie la charge des petites chirurgies et des soins dermatologiques. C’est dans ce service qu’elle étudie la chirurgie maxillo-faciale, et qu’elle pourra suivre la comédienne Sarah Bernhardt, venue consulter suite un lifting raté par un médecin américain.

Un jour alors qu’elle assiste à l’opération d’une jeune fille gravement brûlée à la joue, Suzanne fait la connaissance d’André Noël, qui poursuit comme elle des études de médecine. D’abord amis, ils vont suivre leur internat ensemble, avant de devenir amants. André Noël va devenir au fil du temps une figure importante de la vie de Susanne. De cette relation amoureuse naîtra en 1908, une petite fille prénommée jacqueline. Malgré une grossesse difficile et l’arrivée de sa petite fille, c’est avec courage et obstination que Suzanne fera face à ces immenses défis, et qu’elle parviendra à terminer brillamment ses études en 1913.

Une Pionnière de la chirurgie esthétique

Dès 1912, Suzanne Noël s'aventure dans la chirurgie esthétique, inspirée par l'histoire de Sarah Bernhardt. Elle expérimente d'abord sur elle-même, puis sur des lapins, avant de proposer ses services à l'actrice. Ses premières interventions, timides mais innovantes, lui ouvrent la voie dans le domaine. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, Suzanne Pertat, encore interne et sans doctorat, se voit autorisée à pratiquer la médecine de ville.

En 1916, face à l'afflux de soldats gravement blessés au visage, Suzanne travaille aux côtés du docteur Morestin pour les soigner. Elle se consacre à la chirurgie reconstructrice, redessinant crânes et mâchoires, et redonnant forme aux visages meurtris, faisant preuve d'un courage exceptionnel face aux défis de son métier. Cette période difficile est marquée par la mort de son premier mari, le docteur Henri Pertat, victime des gaz reçu sur le champ de bataille. Contrainte d’élever seule sa fille, Suzanne continue de se perfectionner en chirurgie esthétique, et collabore avec d'autres pionniers de la discipline, pour traiter les blessures de guerre.

Les contributions majeures de Suzanne Noël

En 1919, Suzanne Noël épouse le docteur André Noël, avec qui elle s’installe au 31 rue Marbeuf, adresse à laquelle elle ouvre son cabinet de consultation. La famille est heureuse dans ce nouvel appartement, dans lequel Suzanne pratique ses premières interventions. 1922 marque la fin de ce bonheur pour Suzanne. D’abord avec Jacqueline, son unique enfant qui va succomber à la grippe espagnole. Une tragédie suivie deux ans plus tard par la disparition de son mari, André, qui rongé par le chagrin mettra fin à ses jours en 1924.

Plutôt que de l’anéantir, ces événements tragiques poussent Suzanne à se consacrer pleinement à la chirurgie esthétique. Elle obtient son doctorat en 1925 et révolutionne le domaine en inventant des techniques qui vont bien au-delà du visage. Désormais elle peut remodeler différentes parties du corps comme les fesses, les cuisses, ou les seins. En plus de la méthodologie, elle invente les outils nécessaires à ces nouvelles pratiques chirurgicales, des innovations qui sont toujours utilisés aujourd'hui.

L’émancipation par l’innovation

Suzanne Noël ne se contente pas de perfectionner les techniques chirurgicales existantes ; elle en crée de nouvelles. Elle plaide pour le respect des patients, établissant une charte de transparence et de communication honnête. Pionnière, elle intègre la dermatologie à la chirurgie esthétique, une approche innovante à l'époque. Sa vision préventive de la chirurgie esthétique, avec des traitements répétés, est encore pratiquée aujourd’hui. Suzanne Noël a aussi contribué à l’émancipation des femmes par la chirurgie esthétique, en leur redonnant le contrôle sur leur corps

Suzanne Noël croyait en l'impact social positif de la chirurgie esthétique, la rendant accessible selon les moyens de chacun, et souvent gratuitement. Durant la seconde guerre mondiale, elle aide des résistants et des juifs recherchés par la Gestapo, en modifiant leurs visages. Après la guerre, elle efface les marques des camps sur les rescapés. Parallèlement, Suzanne continue d'écrire, de partager ses connaissances à l'international, voyageant fréquemment pour rencontrer d'autres professionnels et partager son expertise. Elle devient ainsi une figure mondiale de la chirurgie esthétique et de la solidarité.

Un engagement féministe, politique et social.

Manifestation des suffragettes en juillet 1914

Suzanne Noël est une suffragiste engagée. Elle est à l’origine d’une grève des impôts afin réclamer le droit de vote des femmes. Elle est convaincue que sans égalité des droits, il ne devrait pas y avoir égalité des devoirs. Pour Suzanne, si les femmes contribuent économiquement à la société, elles méritent les mêmes droits politiques que les hommes.

Suzanne Noël traitait des patientes de tous horizons, s’occupant aussi bien de riches bourgeoises que des secrétaires. Elle voyait la chirurgie plastique comme un outil d'émancipation sociale. Dans les années 30, elle commença à offrir ses services gratuitement à des ouvrières licenciées à cause de leur âge, les aidant ainsi à retrouver des opportunités professionnelles.

Fondation et développement des clubs Soroptimist.

Au cours de ses voyages, Suzanne Noël a fondé des clubs Soroptimist à travers l'Europe, le Moyen-Orient et l'Asie, regroupant des femmes actives pour défendre l'émancipation féminine. En 1924, elle crée le premier club français à Paris, devenant une figure de proue de ces réseaux de solidarité internationaux. Ses conférences, axées sur la chirurgie plastique et le féminisme, ont inspiré de nombreuses personnes. Le club Soroptimist français, dédié aux droits des femmes, perpétue son héritage, notamment à travers une bourse au nom de Suzanne Noël pour aider les femmes médecins en chirurgie plastique.

 

L’héritage de Suzanne Noël

Jusqu'à son décès en 1954 à l'âge de 76 ans, Suzanne Noël a pratiqué la chirurgie esthétique avec une passion et un engagement inébranlable. Elle restait à la pointe de sa spécialité, s'inspirant de techniques internationales et développant ses propres méthodes innovantes. Défenseuse des femmes dans le domaine médical, elle a laissé un héritage durable, notamment à travers une fondation récompensant les jeunes chirurgiennes.

Suzanne Noël a lutté pour que la beauté ne soit pas un fardeau mais un moyen de redonner confiance. Elle a aidé de nombreuses femmes à se réapproprier leur corps, allégeant leur souffrance et les rendant actrices de leur vie. Sa vision et son esprit de sororité continuent d'inspirer le mouvement féministe Soroptimist. Awin