Michel Hollard est un nom qui résonne avec respect et admiration dans les cercles de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Né le 10 juillet 1898 à Épinay-sur-Seine, cet ingénieur français a joué un rôle décisif dans la lutte contre les armes secrètes nazies. Grâce à son courage et à son ingéniosité, il a fourni aux Alliés des renseignements vitaux qui ont contribué à sauver des milliers de vies en Grande-Bretagne. Ce récit explore la vie et les exploits de cet homme exceptionnel, dont les actions ont changé le cours de l'histoire.
Michel Hollard, les origines
Une jeunesse pas ordinaire
Michel Hollard naît dans une famille bourgeoise protestante, un milieu influent et intellectuellement stimulant. Son père, Auguste Hollard, est un chimiste réputé, collaborant avec des figures emblématiques comme Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie, et Paul Langevin. Cette proximité avec des esprits brillants forge le caractère de Michel dès son plus jeune âge.
Jeune, Michel est profondément influencé par le scoutisme et les valeurs chrétiennes, cultivant un désintérêt marqué pour les biens matériels. Il envisage initialement une carrière dans la musique ou la littérature, mais la Première Guerre mondiale bouleverse ses plans. À seize ans, il tente de s'engager dans l'armée, mais sa faible constitution physique l'en empêche. Déterminé, il renforce son corps par un entraînement constant et réussit finalement à intégrer le 51e régiment d'infanterie. Michel Hollard reçoit la Croix de guerre à seulement 19 ans, peu avant l'Armistice qui met fin à sa carrière militaire.
Il se tourne alors vers une carrière de dessinateur industriel et suit des cours du soir au Conservatoire des Arts et Métiers de Paris, où il obtient des certificats en mécanique industrielle, machines et métallurgie. En 1922, il se marie avec Yvonne Gounelle et devient père de trois enfants : Francine, Florian et Vincent.
L'Entrée en résistance
Hollard Rejette la Collaboration
Parade allemande devant l'arc de triomphe de l'Étoile en juin 1940.
Au moment où la guerre éclate, Michel occupe un poste de représentant dans une firme de fournitures automobiles. Espérant être affecté à une unité combattante en tant qu'officier d'infanterie de réserve, il se voit confier un poste technique au Centre d'études de mécanique, balistique et armement à Paris, un organisme d'État chargé de la réalisation de prototypes. Déçu par la défaite française et choqué par l'exode massif, il rejoint sa famille dans l'Hérault avant de retourner à Paris. Il reprend alors son poste au Centre d'études, mais démissionne lorsqu'il découvre que l'organisme travaille désormais pour les autorités d'Occupation.
En août 1940, Michel Hollard est embauché comme représentant à Paris pour une entreprise dijonnaise fabriquant des gazogènes. Rapidement, il obtient la représentation générale pour le département de la Seine, ce qui lui procure une couverture idéale pour ses activités clandestines. Refusant catégoriquement la défaite, il décide de rejoindre la résistance et parvient, avec l'aide de quelques complices, à atteindre l'ambassade britannique à Berne le 22 mai 1941. Initialement reçu froidement, il parvient à gagner la confiance de l'attaché militaire après vérification de ses informations personnelles. En juin, il reçoit sa première mission de renseignement : identifier et localiser les unités ennemies en zone occupée.
Création du Réseau AGIR
Véhicule équipé d'un gazogène
En 1941, Michel Hollard crée le réseau AGIR, un groupe d'espionnage qui relève directement du Secret Intelligence Service (SIS) britannique, sans aucun contact avec d'autres groupes de résistance français. Hollard, qui a obtenu la représentation générale de la "Maison Gazogène Autobloc" pour le département de la Seine, utilise son travail comme couverture parfaite pour ses activités clandestines. Il est autorisé à voyager à travers la France à la recherche de bois pour produire du charbon de bois, essentiel dans une France occupée où le carburant est rare. Cette mobilité lui permet de rencontrer et de recruter des agents dans tout le pays.
En mai 1941, Michel traverse pour la première fois la frontière suisse pour offrir ses services d'espion à l'ambassade britannique à Berne. Malgré une première réception glaciale, il parvient à gagner la confiance des Britanniques lors d'une seconde rencontre en juin, après que ses informations aient été vérifiées. Il reçoit alors pour mission de fournir des renseignements sur la position et la description des forces allemandes dans la zone occupée, en particulier les divisions blindées. Michel s'engage à transmettre ces informations toutes les trois semaines, utilisant principalement les chemins de fer pour ses déplacements et établissant des contacts avec les employés des chemins de fer qui connaissent les activités des forces d'occupation.
Le Réseau AGIR tisse sa toile
Michel Hollard insiste dès le début sur la nécessité de contacts personnels pour toutes les actions du réseau AGIR. Il évite les communications par téléphone ou radio, considérant ces moyens comme des vulnérabilités potentielles. Les renseignements sont transmis en utilisant des signaux codés simples, tels qu'une porte de grange ouverte pour indiquer une route sans soldats. Entièrement autosuffisant, le réseau n'a pas recours à des parachutages ou à des émetteurs sans fil, mais collecte et envoie les informations en Suisse toutes les trois semaines. Hollard finance lui-même les dépenses du réseau jusqu'à ce que les renseignements britanniques reconnaissent l'importance des informations recueillies et proposent de le financer. Au début de 1942, il a recruté six agents répartis dans toute la zone occupée, tous financés par lui. Ces agents, souvent des employés des chemins de fer et des chefs de gare, signalent les mouvements des forces allemandes et les installations militaires.
En novembre 1942, lorsque la zone libre est placée sous administration militaire allemande, le réseau AGIR s'étend pour recueillir des informations dans toute la France. Hollard recrute également des agents qui sont en contact direct avec l'énnemi et qui peuvent les espionner, comme du personnel de hôtelerie et de la restauration, ou des employés de maison travaillant dans des maisons réquisitionnés pour les troupes allemandes. À son apogée, le réseau AGIR comptera environ deux cents agents et informateurs. Parmi eux, 20 agents seront arrêtés, 4 exécutés et 17 morts en déportation.
98 Passages entre la France et la Suisse
Itinéraires de Michel Hollard depuis Paris via Dijon et ses passages à travers la ligne de démarcation vers Berne et Lausanne.
Michel Hollard est particulièrement connu pour ses nombreux passages clandestins entre la France et la Suisse, au total 98 traversées, souvent périlleuses. Ces voyages étaient essentiels pour transmettre les informations vitales aux Alliés. Hollard utilisait diverses couvertures et stratégies pour éviter la capture. Il voyageait principalement en train, mais aussi à pied ou à vélo pour franchir la frontière.
Hollard a été aidé par plusieurs personnes courageuses. Parmi elles, César Gaiffe, propriétaire d'une scierie près de la frontière, et Paul Cuenot, charretier du Mont-Chateleu, qui l'ont aidé à traverser la frontière lors de ses premiers voyages. Une anecdote raconte comment, déguisé en ouvrier, il a traversé la frontière avec une charrette de bois, passant sous le nez des sentinelles allemandes.
C'est depuis cette grange qu'en 1941 Michel Hollard franchit pour la première fois la frontière franco-suisse. Au premier étage, se trouvait la porte de la grange par laquelle Paul Cuenot indiquait si la zone était libre d'ennemis ou non.
Ces voyages étaient rendus encore plus dangereux par les conditions hivernales et les patrouilles allemandes. Michel devait souvent attendre des heures, caché dans les bois ou les champs, avant de pouvoir traverser en toute sécurité. Une fois en Suisse, il se rendait à l'ambassade britannique à Berne pour transmettre les précieux renseignements collectés par son réseau.
La Normandie en Ligne de Mire
Emplacements des installations militaires allemandes qui pointent vers l'Angleterre
Michel Hollard est particulièrement connu pour son audace et ses déguisements ingénieux. Une histoire digne d'un roman illustre parfaitement son courage et son ingéniosité. Un jour, Jean-Henri Daudenard, cadre de la SNCF et membre du réseau, informe Hollard que les Allemands procèdent à d'énormes travaux publics en Normandie, entre Rouen et Dieppe. Pour comprendre la nature de ces travaux, Hollard décide de voir par lui-même.
Pour cela, il se rend à la préfecture de Rouen. Déguisé en pasteur, il prétend au fonctionnaire qu'il souhaite apporter des Bibles et des livres pieux aux jeunes ouvriers engagés sur les chantiers. Après avoir obtenu plusieurs adresses de la part du fonctionnaire, il quitte la préfecture et se change immédiatement. Cette fois, il enfile un bleu de travail et une casquette d'ouvrier, et saute dans le premier train pour Auffay, une petite ville entre Rouen et Dieppe. De là, il part explorer chaque route partant d'Auffay. À Bonnetot-le-Faubourg, il tombe sur un chantier de travaux publics surveillé par des sentinelles et dirigé par des officiers allemands.
Schéma d'un site de lancement de fusées V1 terminé à Maisoncelle dans le nord de la France. La rampe de lancement (P sur le croquis) était dotée d'une rampe entourée de murs en béton.
Avec une audace remarquable, Hollard s'empare d'une brouette et passe devant les sentinelles, se fondant dans le décor. Il découvre alors une dizaine de constructions d'un seul étage, reliées par des routes en ciment. Une aire de ciment plus large que les autres est prolongée par une allée de 50 mètres, balisée en son centre par une corde bleue fixée à des poteaux. Subitement, Hollard comprend qu’il s’agit de mires et de repères pour le lancement de « bombes volantes » V1, des missiles de croisière porteurs de 850 kg d'explosifs, destinés à frapper Londres. Il s'accroupit comme pour remettre son lacet, sort une boussole et note l'orientation de la corde bleue et de la ligne des poteaux.
Photo aérienne d'un site de lancement de bombes volantes en construction à Bois Carré, près d'Yvrench. Cette photo a confirmé les informations des services de renseignement selon lesquelles des sites de bombes volantes étaient en construction dans le Pas-de-Calais.
De retour à Paris, il reporte ces informations sur une carte et réalise que la direction de la corde pointe directement vers Londres. Comprenant la gravité de la situation, il se rend à Lausanne pour alerter les Britanniques. Grâce aux renseignements fournis par Hollard et le réseau AGIR, la Royal Air Force mène des bombardements précis et détruit la plupart des rampes de lancement entre décembre 1943 et mars 1944. Ces actions diminuent considérablement l'efficacité du plan de Hitler, sauvant ainsi d'innombrables vies à Londres. Le général Horrocks, bras droit du maréchal Montgomery, surnomme alors Michel Hollard "l'homme qui a sauvé Londres".
Arrestation et Déportation
Michel Hollard dans les griffes de la Gestapo
Copie de la carte de prisonnier de Michel Hollard dans les archives du camp de concentration de Neuengamme.
Le 5 février 1944, trahi par un informateur, Michel Hollard est arrêté par la Gestapo dans un café près de la Gare du Nord à Paris. La capture est brutale, et Hollard est soumis à de sévères tortures, y compris la simulation de noyade à cinq reprises. Malgré ces épreuves, il ne révèle aucune information compromettant son réseau. Condamné à mort, il est envoyé dans le sud de Paris à la prison de Fresne pour y attendre son exécution. Finalement, après trois mois et demi de détention, et sans savoir pourquoi, sa peine est commuée en déportation en camp de concentration. C’est donc pendant la deuxième quinzaine de mai, qu’Hollard est transféré au camp de Royallieu près de Compiègne. De là, il attend avec plus de 2 000 autres prisonniers d’être transféré par les SS la première semaine de juin, dans une petite gare près d’Hambourg. Quelques jours plus tard, il atteint sa destination finale, le camp de concentration de Neuengamme où il portera désormais le matricule F 33948.
Les conditions de vie des prisonniers dans le camp sont épouvantables : privations, malnutrition et maladies sévissent. Mais grâce aux informations qui leur parviennent au « compte-goutte » sur le débarquement allié en Normandie et l’avancée des alliés, ils tiennent bon. À la mi-avril 1945, les détenus du camp entendent pour la première fois le bruit des armes à feu. Entre le 20 et le 28 avril, environ dix mille déportés sont évacués du camp de concentration dans des wagons à bestiaux. Le train de Hollard atteint le port de Lübeck. Les prisonniers sont emmenés par les SS sur divers navires qui servent de prisons temporaires.
Chronique d’une mort annoncée
Le paquebot de luxe "Cap Harcona" avant la seconde guerre mondiale, pendant laquelle il deviendra un bateau prison allemand.
Après son transfert au camp de Neuengamme, Michel Hollard est placé, avec des centaines d'autres hommes, dans des conditions épouvantables à bord du bateau prison Thielbek, ancré dans la baie de Lübeck. Les prisonniers, privés de nourriture, de salubrité et de soins médicaux, endurent des souffrances inimaginables. Le Thielbek fait partie d'une flottille de bateaux prisons allemands, aux côtés du SS Cap Arcona. Les ordres directs de Himmler stipulaient que tous les prisonniers devaient être exécutés. Le comte Folke Bernadotte, vice-président de la Croix-Rouge suédoise, informé par les services de renseignement britanniques de la présence de Michel Hollard parmi les prisonniers, plaide pour que « tous » les prisonniers francophones soient transférés sur un navire marchand suédois, le Magdalena.
La fin du nazisme étant proche, un accord fut trouvé, probablement en échange de ravitaillement ou de produits médicaux, entre les résistants suédois et le commandement SS local. Cet arrangement aboutit à la libération de 200 prisonniers Francophones, dont Michel Hollard, qui est transféré fin avril 1945 sur le Magdalena. À bord de ce navire marchand battant pavillon suédois, les prisonniers comprennent qu’ils vont être libérés. La traversée vers Trelleborg, longue de seulement 220 kilomètres, va durer trois jours, tellement la mer Baltique a été fortement minée par les Allemands. Pendant ce voyage vers un camp de transit en Suède, les marins leur expliquent qu'ils doivent leur bonne fortune au comte Bernadotte, vice-président de la Croix-Rouge suédoise. C’est aussi ces marins qui vont leur annoncer qu'Adolf Hitler s'est suicidé le 30 avril, et le 3 mai, que le Thielbek et le Cap Arcona ont été coulés à la suite d’une attaque, menée par erreur par la Royal Air Force contre la flottille allemande. Sur les 2 800 prisonniers présents à bord de ces navires, seuls 50 survivront à cette attaque. Grâce à l'intervention du comte Bernadotte, Michel Hollard a échappé de justesse à ce massacre.
L'Après-Guerre : Retour à la Vie Civile
Stèle faisant honneur à Michel Hollard sur le pont Charlemagne.
Après la guerre, Michel Hollard retrouve sa liberté et reprend sa carrière d'ingénieur. Malgré les séquelles physiques et psychologiques de son emprisonnement, il refuse de s'apitoyer sur son sort et se concentre sur la reconstruction de sa vie et de son pays.
Les actes héroïques de Michel Hollard sont reconnus à travers de nombreuses distinctions : la Croix de Guerre, la Médaille de la Résistance, et l'Ordre de Service Distingué britannique. Ces récompenses témoignent de la gratitude et du respect que lui portent tant la France que le Royaume-Uni. En hommage à son dévouement, une stèle est érigée en son honneur au Pont Charlemagne, et un train Eurostar porte son nom, perpétuant ainsi sa mémoire.
L'Héritage de Michel, la Mémoire d'Hollard
Michel Hollard a joué un rôle crucial dans l'effort de guerre allié. Son travail de renseignement a non seulement retardé l'attaque des V1 sur la Grande-Bretagne, mais a aussi démontré l'importance des réseaux de résistance dans le renseignement militaire. Ses actions ont changé le cours de la guerre et sauvé des milliers de vies innocentes.
L'héritage de Michel Hollard est commémoré par diverses initiatives et témoignages. En plus des monuments et des hommages officiels, son histoire est racontée par ses descendants et par les historiens, assurant que son courage et sa détermination ne soient jamais oubliés. Des œuvres littéraires et documentaires continuent de célébrer sa vie et ses exploits, inspirant les générations futures à se souvenir des sacrifices faits pour la liberté.