Gare de Bobigny : Convoi n°69, départ vers l'enfer

151 Av. Henri Barbusse Bobigny

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"Si l'écho de leurs voix faiblit, nous périrons" Paul Éluard

Lorsque le 7 mars 1944, le convoi n°69 quitte la gare de Bobigny, les 1501 déportés qui s’entassent dans les wagons à bestiaux, ignorent qu’ils viennent de prendre un train pour l’enfer. Entre 1943 et 1944, la gare de Bobigny, près de Paris, reste et restera un témoin immuable de la Shoah en France. Depuis ses quais, 22453 prisonniers juifs seront déportés, principalement vers le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, marquant l'un des chapitres les plus sombres de l'Histoire.

Le convoi n°69 transporte ce jour-là, 1 501 personnes vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Dans la mémoire collective il se distingue comme l'un des trois convois de déportation les plus importants, parmi ceux ayant quitté le sol français. Dans ce « palmarès de l’horreur », il se situe aux côtés du convoi n°68 et ses 1 500 déportés et du n°71 comprenant lui 1 502 individus.

Trois jours après leur arrivée, 1 311 hommes, femmes, et enfants, furent condamnés à disparaître dans les chambres à gaz du camp. Lorsqu’en 1945, se clôture le chapitre de l'histoire des camps, on ne compte parmi les membres de ce convoi, que 20 survivants ayant survécus aux conditions inhumaines de leur captivité.

Une gare entre Drancy et Aushwitz

Birkenau gate

A cette époque le camp de Drancy, est en France, le principal point de départ vers les camps nazis. A lui seul, ce camp d’internement a vu transiter plus de 80% des Juifs déportés de France. Au total ce camp sera le point de départ de 21 convois entre le du 18 juillet 1943 au 17 août 1944.

Initialement, les départs se faisaient depuis la gare du Bourget-Drancy. Du moins jusqu’à ce que Alois Brunner, le responsable nazi du camp de Drancy, décide en juillet 1943 d'organiser ces départs de la gare de Bobigny qu’il juge plus pratique et plus discrète.

La gare de Bobigny : Un choix stratégique

Bobigny route des Petits Ponts

En juin 1943, l'arrivée d'Aloïs Brunner en France, fraîchement responsable de la déportation de 43 000 Juifs de Salonique, bouleverse l'organisation des déportations. Prenant les rênes du camp de Drancy, il réinvente le processus de départ pour masquer ces déportations sous l'apparence de transferts ordinaires vers l'Est, en évitant les fouilles et en permettant les bagages. Sa décision marquante fut de choisir la gare de Bobigny comme point de départ des convois de la "solution finale".

Brunner trouvait la gare de Bobigny idéale pour sa fonctionnalité et sa discrétion, bénéficiant d'un accès direct pour les véhicules et d'une absence de trafic voyageurs, contrairement à la gare du Bourget. Proche du camp de Drancy sans en modifier l'itinéraire, Bobigny offrait une alternative moins exposée aux bombardements alliés, consolidant sa position comme un lieu clé dans cette sombre période.

Alois Brunner, le bourreau de Drancy

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Alois Brunner est un rouage clé dans la machine d’extermination nazie pour éliminer les Juifs. Il fait partie avec Adolf Eichmann, des principaux responsables dans la mise en œuvre de la Solution finale. Son ombre plane notamment sur les événements les plus sombres et tragiques de la seconde guerre mondiale :

  • Il fut l'organisateur de la déportation de 47 000 Juifs autrichiens vers les camps d'extermination.
  • Sous son impulsion, 43 000 Juifs grecs furent pourchassés, arrêtés et conduits vers les camps de la mort.
  • En tant que responsable du camp de Drancy, en France, il orchestre le départ tragique de 25 000 Juifs français ou établis en France, depuis la gare de Bobigny vers Auschwitz.
  • Son rôle fut également déterminant dans les rafles de Berlin et dans le déchirement des familles, avec la déportation des enfants d'Izieu. Au total il sera responsable de la déportation de 3000 enfants juifs français.

Au total Aloîs Brunner sera directement responsable de la déportation  de 130 000 personnes en Europe. Après la guerre il aprviendra à s'enfuir. Condamné à mort en France par contumace, il offrira ses services,à des régimes totalitaires, comme en Syrie, ou il enseigna les techniques de tortures aux services de sécurité syriens.  Chaque ligne de son parcours révèle une empreinte indélébile laissée dans l'histoire, un rappel de la capacité humaine à l'inhumanité.

Le Rythme infernal de la solution finale

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Entre juillet 1943 et août 1944, la déportation frappe durement la communauté juive de France. Depuis Bobigny ce sont 22 500 juifs français qui seront envoyés vers un destin tragique. Cette folie fait suite à l'occupation de la zone italienne par les Allemands en septembre 1943, et à l'ordre de Vichy de janvier 1944 de lister tous les Juifs. À partir de là, les nazis accélèrent le rythme de leur machine infernale. Les convois se succèdent à un rythme effréné, 11 000 déportés en 4 mois et 21 000 entre septembre 1943 et août 1944.

Des convois préparés à l'avance

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Photographie d'une sélection des prisonniers pour les travaux forcés ou les chambres à gaz. Auschwitz-II (Birkenau), mai/juin 1944.

La préparation des convois de déportation relevait du service allemand des affaires juives à Paris, travaillant de concert avec le bureau d'Eichmann à Berlin. Ils sélectionnaient les déportés parmi les prisonniers de Drancy pour former des convois, typiquement composés de vingt à vingt-cinq wagons transportant mille personnes, soit une moyenne de cinquante par wagon. L'escorte des convois, assurée par la police nazie, arrivait d'Allemagne la veille du départ. Une fois à Bobigny, cette escorte inspectait le train, pouvait exiger le changement de wagons et installait du fil de fer barbelé, préparant ainsi les wagons pour le voyage.

Pour chaque convoi de déportation, la SNCF était chargée de fournir le nécessaire en personnel et matériel, en accord avec les obligations imposées par l'armistice de Rethondes. Ainsi, sur ordre du ministère allemand des Transports, la SNCF organisait les convois jusqu'à la frontière du Reich, où des cheminots allemands prenaient le relais, illustrant la mise à disposition des chemins de fer français sous contrôle allemand.

Le Convoi 69, un convoi parmi tant d'autres

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C’est ainsi que le 7 mars 1944, le Convoi 69 et ses 1501 déportés quitte la gare de Bobigny pour rejoindre le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Le train est géré par les chemins de fer français jusqu'à la frontière allemande, avant que le personnel de la Reich Bahn ne vienne prendre en charge le train jusqu’à sa destination finale.

Arrivé à Auschwitz le 10 mars, 190 personnes sont sélectionnées pour le travail forcé, tandis que les 1300 autres seront conduites vers les chambres à gaz. Ce convoi qui est l'un des 3 plus importants partis de France, comptera seulement 20 survivants en 1945. Le convoi 69 est l'un des 3 convois de déportés juifs les plus importants.

 

Le dernier convoi de la gare de Bobigny

Bundesarchiv Bild 183-N0827-318, KZ Auschwitz, Ankunft ungarischer Juden

Sélection de femmes et enfants juifs hongrois à la descente du train, Auschwitz-Birkenau, mai 1944

Le 31 juillet 1944, Drancy assiste à la formation de son dernier grand convoi de la "solution finale", emportant près de 1 300 Juifs, enfants inclus. Alors que les Alliés percent le front de Normandie, Brunner s'évade de France le 17 août depuis Bobigny, emportant 51 otages de Drancy. Le lendemain, alors que Paris se rapproche de sa Libération, Drancy est libéré, près de 1 400 personnes y sont encore internées à ce moment-là.

La gare de Bobigny, lieu de mémoire

Gare de Bobigny 26 mars 2023 - 07

Inaugurée officiellement en 2023, en présence de Serge Klarsfeld, de rescapés et de leurs familles, la gare de Bobigny reste un symbole poignant de l'histoire de la Shoah et de la résilience humaine. La gare de Bobigny, préservée dans son état d'origine, est désormais un lieu de mémoire, reconnu comme monument historique depuis 2005.

Ouverte au public, elle offre des panneaux pédagogiques et des visites guidées, éduquant sur les horreurs de la Shoah. Sa restauration rendue possible grâce au soutien de la SNCF, de l'Union européenne et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, permet de rendre hommage à toutes ces personnes disparues, et aussi de se souvenir de cette période sombre et de ne jamais oublier ces événements