La Bataille des Glières, vivre libre ou mourir

Morette La Balme-de-Thuy Haute-Savoie

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"Vivre libre ou mourir !

Au cœur des montagnes de la Haute-Savoie, la bataille des Glières, survenue au début de l'année 1944, marque une étape cruciale et emblématique de la Résistance française face à l'oppression nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ce haut plateau, théâtre d'un affrontement sans merci entre les forces de la Résistance intérieure et les troupes allemandes appuyées par la milice de Vichy, est devenu le symbole d'une lutte acharnée pour la liberté. Précédé d'un parachutage allié crucial en armes et munitions, ce soulèvement visait à préparer le terrain pour une insurrection contre l'occupant.

Le contexte historique

La situation en France sous l'Occupation allemande.

De 1940 à 1944, la France vit l'une des périodes les plus sombres de son histoire, divisée par l'Occupation allemande. L'invasion de l'Allemagne nazie divise le pays : le nord occupé par l'ennemi et le sud géré par un régime de Vichy collaborateur, faussement neutre. Cette époque est marquée par une répression quotidienne, des restrictions de mouvement, des pénuries alimentaires, et une lutte acharnée contre la résistance.

 

Le gouvernement de Vichy, dirigé par le Maréchal Pétain, trahit les valeurs républicaines, en adoptant des lois antisémites et en participant à la déportation des Juifs et des dissidents. La ligne de démarcation symbolise la coupure profonde du pays, exacerbant l'isolement et les épreuves. Face à cette désolation, une résistance s'organise, portant l'espoir de reconquérir la liberté et la dignité nationales.

La résistance s’organise

Le choix du plateau des Glières

C’est henri Romans-Petit, surnommé « Le patron » qui est à la tête de l'Armée secrète dans l'Ain et en Haute-Savoie jusqu'à février 1944. C’est lui qui est chargé de créer une école de cadres à Manigod, à l'orée du plateau des Glières. Le but de cette école est de permettre un meilleur encadrement et une meilleure organisation des groupes qui devront aller harceler l’ennemi, quand sera venu le temps du débarquement allié. C’est à lui également que revient la charge d’anticiper les besoins en armement de la résistance pour mener à bien ces opérations.

Pour l’aider dans cette tâche, Londres envoie une équipe, composée du lieutenant-colonel anglais Heslop et du capitaine français Rosenthal, pour repérer des zones propices aux parachutages d'armes. C'est le plateau des Glières qui est retenu pour sa position stratégique : La zone est isolée, facilement repérable du ciel de par sa proximité avec le lac d'Annecy, le plateau offre un terrain propice pour des opérations de parachutages. Ce choix est validé par Londres malgré une certaine réticence de la résistance locale, qui craint un manque de coordination entre les différents mouvements.

Les parachutages sur le plateau des Glières

An Armstrong Whitworth Whitley Mk V of No. 58 Squadron RAF takes off on a night sortie from Linton-on-Ouse, Yorkshire, June 1942. CH251 

À l'hiver 1943-1944, les forces de la Résistance française, sous la directive de Londres et du Conseil National de la Résistance (CNR), cherchent à intensifier leurs actions contre l'occupant nazi. Le plateau des Glières, difficile d'accès durant l'hiver et relativement isolé, est choisi pour sa capacité à servir de refuge aux résistants et pour la facilité avec laquelle ils pourront recevoir les parachutages alliés.

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En février et mars 1944, plusieurs missions de parachutage sont organisées par la Royal Air Force et la SOE (Special Operations Executive) britanniques, en coordination avec la Résistance française. Ces missions ont pour but de livrer des armes légères, des munitions, des explosifs, et du matériel de communication. La réussite de ces opérations est cruciale pour permettre aux résistants de s'opposer efficacement aux forces d'occupation.

Morel à la manœuvre

En janvier 1944, Romans-Petit confie à Tom Morel, le commandement des maquis et la tâche cruciale de récupérer les armes parachutées par les Britanniques. Pour cette mission, Morel dispose d’un groupe d'une centaine d'hommes. Fin janvier, ce sont finalement 467 maquisards qui sont regroupés sur le plateau. Leur mission et maintenant d’établir une zone fortifiée, afin de protéger le site pour les livraisons aériennes.

Insigne Armée secrète Haute savoie 

C’est au cours d’une réunion stratégique de l’armée secrète, que la décision fût prise de concentrer les forces sur le plateau des Glières. Officiellement l’objectif principal est toujours le même, à savoir lancer des attaques contre les Allemands. Mais c’est aussi un moyen de montrer aux Alliés, les capacités militaires de la Résistance dirigée par de Gaulle, pour mener des opérations d'envergure sur le sol français. 

Une présence qui attire l’attention

Les résistants, principalement issus des maquis de l'Armée secrète et des Francs-tireurs et partisans, se rassemblent sur le plateau pour recevoir les armes et former une force de frappe plus conséquente. Leur présence et leur activité ne tardent pas à attirer l'attention des forces allemandes et de la milice de Vichy, augmentant ainsi les risques d'affrontement.

Les résistants préparent minutieusement le terrain en aménageant des zones de largage et en établissant des signaux pour guider les avions alliés. Malgré les conditions climatiques difficiles et le danger constant représenté par la présence ennemie à proximité, plusieurs opérations réussissent à acheminer le matériel nécessaire.

Le soutien indispensable des habitants

La solidarité des habitants locaux joue un rôle déterminant. Isolés et encerclés, les résistants dépendent du soutien des populations avoisinantes pour leur survie. Nourriture, vêtements chauds, et fournitures médicales sont acheminés par des civils courageux, prêts à braver les dangers de représailles. Des habitants qui deviennent également une source de renseignements, en alertant les résistants des mouvements des troupes ennemies. Souvent cela permet d'éviter les embuscades ou offre la possibilité de planifier des contre-attaques surprises.

En outre, les habitants offrent refuge et cachettes aux combattants blessés ou pourchassés, transformant fermes isolées et granges en lieux sûrs. Et puis hormis la logistique et l'information, les populations locales aident aussi au recrutement de nouveaux résistants. La détermination et le courage des maquisards, inspire de nombreuses personnes à rejoindre les rangs de la Résistance. Ces nouvelles recrues, galvanisées par l'esprit de solidarité et de résistance collective, renforcent les capacités opérationnelles du maquis.

Les prémices d’une bataille

Domaine Nordique des Glières-2 (20.II.15)

Le piège se referme

Le 9 mars, le lieutenant Morel, chef des maquisards, tombe sous les balles d'un officier des GMR de Vichy, et le capitaine Anjot prend sa succession. Avec Joseph Darnand aux commandes, miliciens et GMR encerclent le plateau. Le 20 mars, soutenus par aviation et artillerie, une division alpine de la Wehrmacht forte de 6 700 hommes, aux côtés de plus de 2 000 Français, commandés par le général Marion et le colonel Lelong, se préparent à lancer l’offensive sur le plateau.

La résistance se prépare

Sur le plateau des Glières, en pleine Seconde Guerre mondiale, les résistants français se préparent à l'affrontement. Conscients de leur infériorité numérique, ils optent pour des tactiques de guérilla, envisageant des embuscades contre l'ennemi et utilisant le relief montagneux à leur avantage. Les parachutages alliés fournissent les armes et munitions nécessaires, distribuées stratégiquement entre les groupes. Fortifications rudimentaires, tranchées, et abris sont érigés pour défendre la position.

 

Malgré des ressources limitées, les résistants, civils pour la plupart, sont formés au maniement des armes et aux bases du combat. Des réserves de nourriture, d'eau, et de matériel médical sont accumulées, tandis que des postes radio clandestins assurent la communication avec les Alliés. La structure de commandement, dirigée par des leaders comme Tom Morel, vise à coordonner les efforts et à maintenir le moral.

Les principales figures de la Résistance

Tom Morel

Tom Morel

Tom Morel : Figure centrale de la Résistance au plateau des Glières, Tom Morel incarne l'esprit de résistance dès le début 1944. En tant que commandant militaire, il transforme le plateau en bastion de la lutte contre l'occupation, attirant des centaines de résistants. Reconnu pour son leadership, son charisme et son expertise tactique, il motive ses hommes à travers discipline et solidarité, réussissant des opérations cruciales malgré les défis. Sa mort prématurée en mars 1944, lors d'une embuscade, marque profondément ses camarades, galvanisant leur volonté de continuer le combat en son honneur.

Capitaine Anjot et autres résistants notables : Après la chute de Morel, Maurice Anjot reprend le flambeau, dirigeant les résistants avec dévouement jusqu'à l'assaut final. Loulou Vial et Rosie Rousse, parmi d'autres, jouent des rôles essentiels dans la liaison et le soutien médical, illustrant la diversité et l'engagement des forces de la Résistance.

L’ennemi veut exterminer la résistance

La milice au côté de la Wehrmacht

Bundesarchiv Bild 101I-720-0318-04, Frankreich, Parade der Milice Francaise

Miliciens à l'entraînement

En réponse, les Allemands déploient des unités de la Wehrmacht et la Milice française de Vichy, renforcées par des GMR, pour assiéger le plateau des Glières. L'objectif est d’abord d'isoler les maquisards, en les coupant de tout renfort. Pour y parvenir les Allemands prévoient d’abord d’encercler les résistants, de venir les bombarder massivement, avant de lancer l’assaut des troupes au sol sur leurs positions. L'attaque finale sera brutale, combinant infanterie, artillerie, et unités spécialisées dans un assaut coordonné.

Au préalable, une campagne de terreur est menée dans la région : arrestations, exécutions, et torture de civils, soutiens présumés de la Résistance, visent à briser le moral et dissuader le soutien populaire. La propagande de Vichy et des nazis tente de discréditer la Résistance, la dépeignant comme des terroristes.

Le Commandement Allemand

Matejko, Populations ..., 1940

Affiche de propagande allemande

Général Karl Pflaum : À la tête de l'opération contre le maquis, Pflaum orchestre l'assaut final avec une force implacable, déployant troupes et artillerie lourde pour tenter de briser l'esprit de résistance.

SS-Oberführer Werner Knab : Bien que plus indirectement impliqué, Knab contribue aux efforts répressifs contre la Résistance dans la région.

La Bataille des Glières

Une résistance qui tient bon

Dès la fin février et début mars 1944, les premières escarmouches éclatent. Des patrouilles allemandes et de la Milice, explorant le terrain, se heurtent à la résistance acharnée des maquisards. Ces derniers, en dépit de leur infériorité numérique et matérielle, tirent avantage de leur parfaite connaissance du terrain pour repousser l'ennemi.

Les résistants savent que rien n’est gagné, et que la bataille des Glières, va se dérouler en plusieurs phases cruciales. Quoi qu’il en coûte, ils sont déterminés à faire face à l'envahisseur

Les combats s’intensifient

À la mi-mars, l'intensité des combats s'intensifie. Les Allemands, conscients du danger que représente le maquis, redoublent d'efforts pour encercler et neutraliser le plateau.

Malgré leur désavantage manifeste, les maquisards vont résister à plusieurs assauts coordonnés. Ils parviennent même à infliger des pertes significatives aux troupes ennemies.

L’assaut final

La situation atteint son paroxysme fin mars, lorsqu'un assaut massif est lancé par les Allemands. Artillerie lourde et forces au sol supérieures en nombre s'abattent sur le plateau. Les résistants, subissent de très lourdes pertes, et se voient contraints par leurs leaders à battre en retraite pour sauver les survivants.

Des survivants qui tentent de sortir de l’encerclement ennemi, tout en étant poursuivi sans relâche par les hommes de la milice françaises. Malgré ces conditions extrêmes, une infime partie des forces du maquis parvient à se disperser, en espérant pouvoir reprendre la lutte depuis de nouvelles bases.

La Bataille des Glières à l’heure du bilan

Les pertes humaines dans chaque camp

La bataille des Glières, s'est soldée par d'importantes pertes des deux côtés, tant en vies humaines qu'en matériel. Du côté des résistants, plus de 100 combattants, jeunes venus de toute la France, ont perdu la vie, parmi eux des leaders comme le capitaine Tom Morel, dont la disparition a profondément affecté le moral du maquis. Ces pertes, bien que douloureuses, ont été célébrées comme le prix de la lutte pour la liberté.

Les forces allemandes et la Milice française n'ont pas été épargnées, subissant des pertes significatives dues aux embuscades et aux engagements directs avec les maquisards, malgré leur supériorité numérique et en armement. Les chiffres exacts sont moins documentés, mais incluent des soldats tués et blessés au combat.

Les pertes matérielles

Au-delà des pertes humaines, la bataille a entraîné de lourdes pertes matérielles. Les résistants ont vu une grande partie de leur équipement, armes et munitions alliées, ainsi que des ressources vitales comme le matériel médical et les vivres, perdus ou détruits. Les forces d'occupation et la Milice ont également perdu du matériel, notamment des véhicules et des armes, mais l'impact de ces pertes a été moindre compte tenu de leurs ressources plus conséquentes.

Des représailles contre les civils

Bundesarchiv Bild 146-1989-107-24, Frankreich, Einsatz gegen die Resistance

La répression qui a suivi les affrontements a durement touché les communautés locales. Des actes de représailles contre les villages soupçonnés de soutenir les résistants ont mené à des destructions, des arrestations, et des exécutions de civils, aggravant le coût humain et matériel de cette période de résistance.

Renforcement du moral de la Résistance

Source d'Inspiration et de Cohésion

Maquis Haute Savoie

Maquisards dans les hautes Alpes en juillet 1944

Bien qu'issue d'une défaite sur le plan militaire, la bataille des Glières a joué un rôle crucial dans la consolidation d'un esprit de résistance au sein de la population française. La répression féroce exercée par les forces d'occupation et le régime de Vichy, loin de servir d'avertissement, a plutôt galvanisé la volonté collective de résister et de soutenir l'effort de libération nationale.

 

Le courage et la détermination affichés par les résistants des Glières, malgré la disproportion des forces en présence, ont renforcé l'unité et l'esprit de la Résistance à travers tout le pays. Cette bataille a démontré qu'une organisation résolue pouvait effectivement défier l'occupant, malgré les dangers considérables. Les sacrifices endurés par les combattants des Glières ont été largement honorés et ont servi d'inspiration, attirant de nouvelles recrues et redoublant la volonté de ceux déjà engagés dans la lutte.

Héritage et Commémoration de la Bataille des Glières

Monument des Glières2

Plateau des Glières avec le Monument commémoratif de la Résistance.

Symbole d'Héroïsme et d'Engagement

La bataille des Glières est gravée dans la mémoire collective française comme une incarnation du courage, de la résistance, et du sacrifice. Au fil des ans, elle est devenue une part essentielle du récit national sur la lutte de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale, marquée par des commémorations, des monuments, et un rôle éducatif profond.

Chaque année, des cérémonies rendent hommage aux résistants tombés sur le plateau, réunissant diverses générations. Ces événements rappellent les idéaux de liberté pour lesquels ils ont lutté, perpétuant l'esprit de résistance.

Monument National de la Résistance

Cimetière militaire de Morette

La nécropole des Morettes, là où reposent les maquisards tombés pendant la bataille des Glières

Inauguré en 1973 par André Malraux, le monument sur le plateau, œuvre d'Emile Gilioli, symbolise la résistance et la liberté. Ce site est devenu un lieu majeur de recueillement, attirant visiteurs et éducateurs, témoignant de l'impact indélébile de la bataille. Un centre d'interprétation à proximité du monument offre des ressources précieuses pour approfondir la compréhension de cette période critique.

Le site accueille également la nécropole nationale des Glières, le musée départemental de la Résistance et le mémorial départemental de la Déportation. Ces lieux de mémoire sont régulièrement fréquentés par des groupes scolaires pour des visites guidées, permettant ainsi aux élèves de se plonger dans l'histoire de la Résistance, de comprendre les dynamiques de la bataille, et d'honorer le sacrifice des combattants pour la liberté.

Un exemple à ne pas oublier

Au-delà de son contexte historique, la bataille des Glières résonne dans la mémoire collective française comme un appel intemporel à la résistance contre toute forme d'oppression et d'injustice. Les monuments qui se dressent sur le plateau des Glières et les commémorations annuelles rappellent non seulement le sacrifice des combattants de la liberté, mais aussi la perpétuelle nécessité de vigilance et d'engagement citoyen dans la défense des valeurs démocratiques.

Enseignée dans les écoles, commémorée par la nation, la bataille des Glières doit continuer à inspirer les générations futures, qui doivent y voir la preuve de la force de l'esprit humain face à l'adversité. Cette bataille nous rappelle que, même dans les moments les plus sombres de l'histoire, l'espoir de liberté et le désir de justice peuvent susciter des actes de bravoure inimaginables.

 

Photo de couverture : Plateau des Glières - vue de la montée au plateau des Auges depuis le plan du Loup. Auteur : Art4401-Wikimedia