Pierre Brossolette, la résistance en personne

84 Avenue Foch Paris Département de Paris

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"De tous les morts dont la chaîne innombrable constitue notre trésor de gloire, ceux-là plus qu'aucuns autres incarneront, dans sa pure gratuité, l'esprit de sacrifice." Pierre Brossolette, discours à l'Albert Hall de Londres le 18 juin 1943.

Pierre Brossolette, journaliste militant et intellectuel brillant, est entré dans l'histoire comme l'une des figures emblématiques de la Résistance française. Sa vie, dédiée à la lutte contre le fascisme, témoigne d'un engagement total pour la liberté et la République.

Origines et formation

Le parcours exceptionnel d’un jeune républicain

Plaque Pierre Brossolette, 106 rue de la Pompe, Paris 16

Pierre Brossolette, né le 25 juin 1903 à Paris, est une figure emblématique de la Résistance française, qui a combattu avec acharnement contre l'occupation nazie. Fils d'un inspecteur de l'enseignement primaire aux convictions radicales, il hérite de l'engagement républicain de sa famille, élément qui va forger son caractère et ses idéaux dès son plus jeune âge.

Le jeune Brossolette s'illustre en réalisant un parcours académique sans fautes. Élève brillant, il excelle au lycée Janson de Sailly et Louis-le-Grand. En 1922, il intègre l'École Normale Supérieure, d’où il sortira à seulement 19ans major de promotion. Enfin c’est en 1925, que le jeune licencié en droit, parvient à décrocher son agrégation d'Histoire.

 

Le journalisme pour s’exprimer

Lisez un article de Pierre Brosslette, alors journaliste, en page 3 et 4

En 1925, n’écoutant que sa passion pour l'écriture et son engagement politique, Pierre Brossolette préfère le journalisme à l'enseignement. Il voit dans ce métier, l’occasion de pouvoir enfin donner son opinion et prendre position sur les questions importantes de l’époque. Désormais il peut soutenir les causes qu'il estime justes, telles que le désarmement et la défense de la Société des Nation.

Il débute sa carrière de journaliste à l'Europe Nouvelle, avant de collaborer à de nombreux autres journaux. Cette période de sa vie marque son entrée dans le monde du journalisme, mais aussi et surtout de la politique. Militant socialiste et antifasciste convaincu, il ne cesse de militer pour les valeurs de la République, Sa voix anti munichoise et critique envers la droite, lui vaut d’être évincer de la Radio nationale par Daladier en janvier 1939.

Pierre Brossolette de la politique à la résistance

Un militantisme précoce

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Pierre Brossolette en 1930

En 1929, Pierre Brossolette a déjà fait un pas vers la politique. Il est à cette époque sous-chef du cabinet de François Piétri, alors ministre des Colonies, en charge de la communication et des relations avec la presse. Il occupera ce poste jusqu’en 1930, année pendant laquelle il choisit de s’engager pleinement dans les rangs de la SFIO. Cette période marque le début d'un combat politique qui ne faiblira jamais.

Pierre Brossolette devient rapidement une voix importante du socialisme français, défendant la démocratie face à la montée des totalitarismes en Europe. Malgré une tentative infructueuse de se faire élire député socialiste dans l’Aube aux élections de 1936, Brossolette ne cessera jamais de lutter pour ses convictions.

Le tournant de 1939

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Quand la guerre éclate en septembre 1940, Pierre Brossolette est déjà mobilisé depuis le 23 août 1939. Il officie alors comme lieutenant au 5e Régiment d'infanterie. Durant cette période, il se battu vaillamment, évitant notamment une retraite sanglante à son unité. Son leadership lui vaut d’être promu au grade de capitaine en mars 1940. Plus tard c’est son attitude courageuse au front, qui lui vaudra d'être décoré de la Croix de Guerre.

Lorsque la guerre se termine, Pierre Brossolette songe à devenir enseignant. Cependant il se heurte au refus de Vichy, qui l’interdit d’enseigner en raison de son passé antifasciste. Mais rien ne le fera plier ! Ni la débâcle de 1940, ni l’arrivée au pouvoir du de Pétain ne pourront entamer son esprit de résistance. Au contraire, Cette période marque le début de son engagement total dans le combat contre l'oppresseur, posant les bases de son futur rôle majeur dans la Résistance française.

 

Lutte acharnée et missions cruciales

Pierre Brossolette au cœur de la Résistance

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La librairie de Pierre Brossolette au 89 rue de la Pompe à Paris

De retour à Paris à l'automne 1940, Pierre Brossolette se lance dans la Résistance. Il commence par racheter une librairie située au 89 rue de la Pompe. Ce travail de libraire lui sert à nourrir sa famille, mais il l’utilise également pour couvrir ses nouvelles activités clandestines. En effet à peine de retour, il a déjà rejoint le réseau du musée de l’Homme. Il a également commencé à collaborer avec le journal "Résistance", journal dont il deviendra très vite le rédacteur en chef. Ces actions posent les bases de son rôle crucial dans la lutte contre l'occupant.

Après le démantèlement de son réseau, il rejoint "la Confrérie Notre-Dame" du colonel Remy. Sous le nom de Pedro, il a en charge la propagande et la section presse du réseau. Il signe son engagement dans les Forces Françaises Libres en décembre 1941. Ses rapports et contacts politiques deviennent essentiels pour la coordination de la Résistance et son travail est rapidement reconnu par le général de Gaulle. Ses missions entre la France et Londres renforcent le lien entre les résistants intérieurs et extérieurs et jouent un rôle clé dans l'organisation des forces de la Résistance.

 

Des missions périlleuses

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Le général De Gaulle remet la Croix de la Libération à Pierre Brossolette, Septembre 1942.

Sa connaissance des réseaux clandestins le mène à Londres, où il contribue à l'organisation et à la coordination de la lutte contre l'occupant nazi. Il devient une liaison essentielle entre la résistance intérieure et extérieure, établissant des contacts clés et rédigeant des rapports pour le BCRA. Ses voyages entre la France et Londres sont marqués par des missions de coordination cruciales et par son implication dans les instances de la Résistance, malgré les risques accrus de persécution par la Gestapo.

Au cours de ses missions clandestines, Pierre Brossolette joue un rôle déterminant dans la structuration de la Résistance. Notamment il parvient à séparer action civile et militaire, et il contribue à poser les fondations du Conseil National de la Résistance. Ses efforts ont été reconnus par sa nomination comme compagnon de la Libération par le Général de Gaulle, qui a salué son esprit, son devoir et son sacrifice exemplaires.

 

Sacrifice pour la France

Un plan qui prend l’eau

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Fausse carte d'identité de Pierre Brossolette

À cette période Pierre Brossolette a déjà endossé de nombreuses fausses identités pour dissimuler ses activités clandestines. Ainsi au grès de ses missions, il devient Paul Boutet , Philippe Baron, Paul Briant, Philippe Bernier. Avec ses camarades il est connu sous le nom de Pédro, de Brumaire ou de Polydor. En novembre 1943, il reçoit l'ordre de retourner à Londres après avoir accompli diverses missions en France.

Face à l'échec de l’opération Lysander (nom de l’avion qui servait à exfiltrer des hommes vers l’Angleterre) due à l'intense activité de la chasse nazie, Londres décide que Brossolette doit être évacué par voie maritime. En février 1944, pour échapper à la capture et continuer le combat, Brossolette rejoint la Bretagne pour tenter de fuir vers l'Angleterre. Pour y parvenir il embarque dans la nuit du 2 au 3 février 1944 sur « le jouet des flots », un bateau de pêche, qui malheureusement porte bien son nom.

Émile Bollaert 1932 

Le préfet Émile Bollaert en 1932, compagnon d'infortune de Pierre Brossolette.

Dans sa fuite vers Londres, Brossolette n’est pas seul. À bord ne se trouvent pas moins de 32 résistants et aviateurs. Pierre Brossolette est accompagné par Emile Bollaert, un ancien préfet devenu résistant, qui n’est autre que le remplaçant de Jean Moulin, comme délégué général du comité français de la libération nationale. Pris dans le mauvais temps, le bateau est victime d’une voie d’eau, et va s'échouer dans la nuit en Baie d'Audierne. D’abord réfugiés à Plogoff, Pierre Brossolette et Emile Bollaert sont arrêtés après dénonciation, lors d'un contrôle routier Allemands.

 

Sous les coups et la torture

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Les officiers allemands responsables de la Gestapo française

Immédiatement après leur arrestation, Pierre Brossolette et Emile Bollaert sont emmenés à la prison Jacques-Cartier de Rennes, siège de la Kommandantur locale. Plusieurs semaines passent sans qu'ils soient reconnus. Finalement, le 16 mars, c’est le Hauptscharführer Ernst Misselwitz qui se déplace en personne à Rennes, afin d’identifier Brossolette et Bollaert. Après 3 jours de torture, pendant lesquels ils ne parlent pas, Misselwitz les fait transférer le 19 mars, au 84 avenue Foch à Paris, adresse du quartier général de la Gestapo dans la capitale.

Le 22 mars, cela fait trois jours que Pierre Brossolette résiste aux interrogatoires. Torturé nuit et jour par la Gestapo, il craint de ne plus pouvoir tenir plus longtemps. Alors qu’il vient de passer la matinée à subir la férocité de ses bourreaux. Encore une fois Brossolette n’a pas parlé ! Las, ses geôliers décident de faire une pause, et le laissent seul quelques minutes, enfermé dans une pièce du cinquième étage de l’immeuble.

Un suicide pour l’honneur

Brossolette est soumis depuis plusieurs jours à la torture des nazis. Il sait qu’il ne tiendra pas plus longtemps. Alors il prend la décision d’en finir, plutôt que de prendre le risque de parler et de trahir ses compagnons. Il a les mains liées, mais il sait qu’il doit profiter de ce court instant sans surveillance pour passer à l’acte.  Malgré ses liens, parvient à ouvrir une fenêtre et à s’extraire de la pièce, avant de se jeter dans le vide.

Pierre Brossolette gît au pied de l’immeuble, mais il n’est pas mort. Grièvement blessé, il est admis en urgence à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, où il succombera plus tard dans la soirée. Très rapidement les autorités décident de le faire incinérer deux jours plus tard au Père-Lachaise. Sa crémation a lieu en même temps que celle d'un autre résistant, François Delimal, qui lui aussi a choisi d’avaler de la strychnine pour ne pas parler.

 

Héritage et mémoire

Les lieux de mémoire

Plaque pelouse Pierre-Brossolette, avenue Foch, Paris 16e 

Le 27 janvier 2014, Paris a enrichi son patrimoine commémoratif avec une "pelouse Pierre Brossolette", inaugurée par le maire Bertrand Delanoë en face du lieu où le résistant s'est suicidé en 1944. Située avenue Foch, cette pelouse rend hommage à Brossolette, déjà honoré par plusieurs plaques et une rue.

La cérémonie a vu la participation de figures politiques et a coïncidé avec l’appel de nombreux historiens, favorables au transfert des cendres de Pierre Brossolette au Panthéon. Une autre plaque lui rend hommage au 89 rue de la Pompe, là où il tenait une librairie pendant l'Occupation.

Un grand homme immortalisé

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Le 27 mai 2015, entrée de Pierre Brossolette au Panthéon

Reconnu comme un héros de la nation, Pierre Brossolette repose désormais au Panthéon, symbole de son indéfectible engagement pour la France. Son héritage perdure, incarnant l'esprit de résistance et rappelant l'importance du combat pour la liberté et la démocratie.

Pierre Brossolette reste un exemple éclatant de courage, d'intelligence et de dévouement. Sa vie, marquée par une lutte incessante contre le fascisme, illustre la capacité d'un individu à influencer le cours de l'histoire par son engagement pour des idéaux universels.


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