La rafle des juifs de Marseille : la tragédie des Vieux-Quartiers

Pl. du Mazeau Marseille Bouches-du-Rhône

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La rafle des juifs de Marseille en janvier 1943, immédiatement suivie par la destruction des quartiers nord du Vieux-Port, ont marqué à jamais l’histoire de la cité phocéenne. Cette année là, la ville de Marseille, devient le théâtre d’une opération brutale, orchestrée par les nazis avec la complicité du régime de Vichy. Des événements qui vont causer la déportation de centaines de Juifs, ainsi que la destruction de l’un des quartiers populaires les plus emblématique de la cité phocéenne.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Marseille, une cible à éliminer

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Des soldats français de Vichy et des officiers SS allemands supervisent l'évacuation obligatoire de 20 000 personnes du quartier du vieux port de Marseille 

En janvier 1943, Marseille, une ville refuge et cosmopolite, est occupée par les nazis depuis novembre 1942. Le contexte est explosif depuis que le 3 janvier 1943, un attentat commis par la résistance marseillaise, a provoqué la mort de plusieurs soldats nazis et de la femme d’un attaché du consulat d’Allemagne. Après cet acte de résistance, la répression nazie s’intensifie. Considérée comme un foyer de résistance par l’état major allemand, la cité phocéenne est devenue une cible que les nazis veulent anéantir. Heinrich Himmler, chef de la SS, qualifie les quartiers du Vieux-Port de "porcherie" et de "nid de résistance". Il va en ordonner la destruction totale dans le cadre de l'Opération Sultan. Les autorités françaises du régime de Vichy, dirigées localement par René Bousquet, collaborent pleinement avec l’occupant. Près de 12 000 policiers français, soutenus par des troupes SS, participent aux rafles et à l’évacuation forcée des habitants. Dans une France où l'antisémitisme d'État est à son paroxysme, Marseille devient une cible prioritaire pour appliquer la politique d’extermination nazie.

Sous l’impulsion de Karl Oberg, chef de la SS en France, l’opération est soigneusement planifiée. Entre le 22 et le 24 janvier 1943le quartier de l’Opéra de Marseille est bouclé, et transformé en zone de contrôle. Le 22 janvier, les rafles commencent dans ce secteur, où vivent de nombreuses familles juives. Pendant deux jours, des policiers français, munis de listes établies à l’avance, frappent aux portes, accompagnés par des serruriers réquisitionnés. Au total, plus de 1 865 personnes, dont des femmes et des enfants, sont arrêtées et envoyées à la prison des Baumettes. 


Marseille interdite - 1

Une ville bouclée, des habitants déportés

Bundesarchiv Bild 101I-027-1476-24A, Marseille, Gare d'Arenc. Deportation von Juden

Déportation de juifs à la gare d'Arenc sous la surveillance des SS allemands et de la police française

En plus d'une volonté de "nettoyage" idéologique et antisémite, l'opération Sultan répond également à une stratégie militaire des nazis. En janvier 1943, les Allemands craignent un débarquement allié en Méditerranée, particulièrement dans le sud de la France, où Marseille,étant l'un des plus grands ports français, pourrait jouer un rôle stratégique. En janvier 1943, les ruelles étroites et bondées du quartier Saint-Jean, abritent une population modeste composée de dockers, de pêcheurs, et d’artisans. De nombreuses familles immigrées vivent ici, depuis leur arrivée d’Italie, de Grèce ou d’Espagne. Ce quartier est perçu par l’occupant nazi, comme un "nid de criminels et de résistants", un "chancre" qu’il faut éradiquer pour asseoir leur domination. Ainsi la décision de détruire le quartier Saint-Jean, leur permet à la fois de supprimer une potentielle menace militaire, et aussi d’anéantir un foyer propice à l’esprit d’insurrection et de résistance.

Dès Le 23 janvier 1943, les Vieux-Quartiers sont bouclés par des soldats allemands et des policiers français. Aucune explication n’est donnée aux habitants, qui se retrouvent encerclés. La population, prise au piège, est réveillée à l’aube par le son du clairon et des ordres criés dans des haut-parleurs. Des familles entières, parfois encore en chemise de nuit, sont expulsées de leur logement sous la menace, leurs maigres affaires entassées à la hâte dans des baluchons. Au petit matin du 24 janvier, le quartier Saint-Jean est vidé de ses 20 000 habitants, tous regroupés sur le quai Maréchal Pétain (aujourd’hui quai du port). Plus de 6 000 personnes sont raflées dans un climat de terreur. La scène est apocalyptique : Désormais ce sont des colonnes de familles terrifiées, qui avancent sous la surveillance des soldats, en laissant derrière elles, leurs logements promis à une destruction méthodique. Parmi elle 1 642 habitants, dont 804 Juifs, sont envoyés directement à la gare d’Arenc pour être déportés vers le camp de Compiègne. Après les rafles de Marseille, aucun des juifs déportés au camp de Sobibor en Pologne ne survivra. Les autres habitants expulsés sont transportés pour la plupart vers les camps provisoires de Fréjus. Là, avec des conditions de vie misérables, ils attendent d’être triés : certains, les plus chanceux, seront renvoyés vers Marseille, tandis que les autres seront transférés dans des camps comme Drancy ou Compiègne.

Les Juifs de France dans la Shoah - 1

Le dynamitage du quartier Saint-Jean, une mémoire effacée

Bundesarchiv Bild 101I-027-1480-30, Marseille, Zerstörung des alten Hafenviertels 

Destruction des immeubles par l'armée allemande en fevrier 1943

Depuis le 25 janvier, les artificiers allemands ont méticuleusement piégé l'un après l'autre, tous les bâtiments du quartiers. Les dynamitages, entamés le 1er février 1943, s'étalèrent sur plusieurs semaines, transformant le quartier en un gigantesque champ de ruines de 14 hectares. Car dans ce court laps de temps, ce sont 1 500 immeubles qui vont être détruits, et 50 rues qui vont disparaître à jamais du paysage marseillais. Quelques semaines, un court délai suffisant pour réduire en poussière des pans entiers de la mémoire marseillaise. Seuls quelques monuments emblématiques, comme l’Hôtel de Ville et l’église Saint-Laurent, ont été épargné. 

Bundesarchiv Bild 101I-027-1480-21, Marseille, Zerstörung des Hafenviertels

Artificiers allemands entrain de pieger les immeubles près du vieux-port.

Longtemps absents du récit national, ces événements tragiques trouvent aujourd’hui une place dans la mémoire collective grâce aux commémorations. Des plaques, des mémoriaux, ou encore le Mémorial des Déportations rappellent les souffrances endurées par la population marseillaise. Aujourd’hui, ces lieux permettent toujours de se recueillir grâce à des commémorations annuelles,pendant lesquelles les noms des victimes des rafles nazies sont honorés. Ces crimes commis avec la complicité du régime de Vichy, incarnent les horreurs de la collaboration et la nécessité de transmettre cette histoire. Ne pas détourner le regard sur ce passé, c’est lutter contre l’oubli et l’indifférence, tout en honorant la mémoire des victimes de cette barbarie. 


Marseillais Pendant La Seconde Guerre Mondiale (Les) - 1

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