Pleins Feux sur le Phare de Cordouan
HRPG+GH Le Verdon-sur-Mer Gironde
« Un phare, c’est déjà à part. Cordouan, c’est extravagant. » Frédéric Chasseboeuf auteur du livre Cordouan Roi des Phares
Imaginez un monument où l'histoire, l'art et la technologie se fondent en une lumière éclatante, guidant les marins depuis des siècles. Voici le phare de Cordouan, le "Versailles de la mer". Non seulement est-il le plus ancien phare de France encore en activité, mais il est aussi un chef-d'œuvre architectural classé à l'UNESCO. Pour les voyageurs et les amateurs d'histoire, ce phare est une escale incontournable qui offre une plongée fascinante dans le passé.
Le Phare de Cordouan : Les Origines
Un nom légendaire
Le nom "Cordouan" est enveloppé de mystère. Certains disent qu'il a été nommé en l'honneur de la ville espagnole de Cordoue par des négociants espagnols venus pour le vin de Bordeaux. D'autres pensent qu'il fait référence à une époque où les cors étaient utilisés pour guider les marins pendant les tempêtes. Ce qui est certain, c'est que l'embouchure de la Gironde est un lieu redoutable, connu pour ses courants de marée et ses bancs de sable mouvant. Ce lieu a toujours été un défi pour la navigation, ce qui rend la présence du phare encore plus cruciale.
La Tour Anglaise sur une Île Presque Disparue
Au Moyen Âge, cette zone était un véritable cimetière marin. L'île de Cordouan, aujourd'hui presque entièrement submergée, était autrefois un lieu de retraite pour les moines clunisiens. Ces moines éclairaient un feu et sonnaient une cloche pour avertir les marins en détresse. En 1360, Édouard de Woodstock, plus connu sous le nom de "Prince Noir", érigea une tour à feu. Cette tour était le premier pas vers la construction d'un phare plus sophistiqué, car elle se détériora avec le temps, nécessitant une intervention plus ambitieuse.
Les Travaux sous Henri III
Henri III, conscient de l'importance stratégique et symbolique du lieu, lança un projet audacieux. Il confia à l'architecte Louis de Foix la tâche de remplacer la tour délabrée par une œuvre royale. Ce fut un défi monumental, d'autant plus que les guerres de Religion de l'époque ralentirent considérablement les travaux. Le coût des travaux était astronomique, mais Henri III était déterminé à faire de ce phare un symbole de la grandeur royale.
L'Éclat Royal sous Henri IV
Après la mort d'Henri III, Henri IV reprit le flambeau, littéralement et figurativement. Il ajouta une dimension esthétique au projet, ornant le phare de sculptures et de boiseries. Une chapelle royale fut même ajoutée, faisant du phare un véritable palais en mer. En 1611, après 27 ans de travaux acharnés, le phare fut enfin achevé. Il se composait d'une tour ronde de 37 mètres de haut sur trois étages, et fut rapidement considéré comme la "8e merveille du monde".
Le Phare de Cordouan : Défi architectural et technologique
Le Défi de la Construction
La construction du phare de Cordouan fut une entreprise colossale. Plus de 200 ouvriers, 6 bateaux et 2000 pilotis furent nécessaires. Chaque pierre, chaque poutre, et chaque élément architectural devaient être acheminés par bateau, une prouesse logistique pour l'époque. Le coût et la complexité étaient énormes, mais le résultat fut à la hauteur des ambitions royales, faisant de ce phare un chef-d'œuvre d'ingénierie et de détermination.
Faire Briller le Siècle des Lumières
Le XVIIIe siècle apporta son lot de défis. Une violente tempête en 1645 détruisit la pyramide et le dôme du phare. En 1786, Joseph Teulère fut chargé de rénover et de surélever le phare de 20 mètres. Il ajouta une colonne conique et un monumental escalier à vis pour accéder à la lanterne. Ce fut une autre étape dans l'évolution constante de ce monument, adaptant le phare aux besoins changeants de la navigation et de la sécurité maritime.
Augustin Fresnel : L'Homme qui Révolutionna l'Éclairage
Augustin Fresnel n'était pas simplement un ingénieur ; il était un visionnaire. Son invention, la lentille de Fresnel, transforma radicalement l'éclairage des phares. Cette innovation permit d'augmenter considérablement la portée lumineuse, rendant les phares plus efficaces et sûrs pour la navigation. La lentille de Fresnel est maintenant la norme dans les phares du monde entier, un témoignage durable de l'ingéniosité humaine.
Le Phare Aujourd'hui
Le Phare de Cordouan en Chiffres
Situé à une distance de 7 km en mer, le phare de Cordouan se dresse à l'entrée de l'estuaire de la Gironde. Il joue un rôle crucial dans la sécurisation de la navigation à travers les deux principales voies d'accès à l'estuaire. Construit en pierre blanche de Saintonge, ce phare majestueux atteint une hauteur de 68 mètres, avec un diamètre de 16 mètres à sa base. Il est positionné de manière à être à égale distance des côtes de la Charente-Maritime et de la Gironde.
Classé comme le dixième phare le plus haut au monde, il est le troisième en France, devancé seulement par les phares de l'île Vierge et de Gatteville. La lumière du phare est émise depuis une hauteur de 60 mètres et est générée par une lampe aux halogénures métalliques de 250 watts. Le phare a une portée qui oscille entre 18 et 22 milles marins en fonction des secteurs.
Pour atteindre le sommet, le visiteur doit à travers ses 6 étages, gravir 301 marches avant que le phare ne lui offre une vue imprenable sur l'océan et l'estuaire. Ce lieu isolé mais toujours habité reste une source d'inspiration pour les visiteurs du monde entier.
Les Gardiens : Les Âmes du Phare
Jusqu'en 2012, le phare de Cordouan était le dernier bastion français où des gardiens veillaient en permanence. Travaillant en équipes de trois, ils alternaient entre des périodes de 14 jours au phare et 11 jours de repos, suivi de 7 jours au phare et 6 jours de repos. Leur rôle était essentiel : ils étaient responsables de l'entretien, du nettoyage et de l'accueil des visiteurs qui arrivaient par bateau depuis les côtes de la Charente ou de la Gironde.
Malgré l'automatisation complète du phare en 2006, la tradition du gardiennage perdurera jusqu'en juin 2012. À partir de cette date, la responsabilité du gardiennage a été transférée au syndicat mixte pour le développement durable de l'estuaire de la Gironde. Mais rapidement les autorités se rendent compte de l’importance cruciale d’une présence humaine pour maintenir le phare en bon état et prévenir le vandalisme. Ainsi depuis 2012, les gardiens s’occupent à nouveau de la maintenance et servent de guides touristiques pendant la saison estivale. Leur emploi du temps est organisé en cycles de quinze jours en mer et quinze jours à terre, suivis d'une semaine en mer et une semaine à terre.
L'Affluence Touristique : Un Lieu Prisé
Ce phare a la distinction d'être le premier à avoir été classé Monument Historique, et ce dès 1862. Il sert également de musée maritime, offrant des trésors tels que le plancher en marbre de la suite royale et les vitraux éblouissants de la chapelle Notre-Dame de Cordouan, située au deuxième étage et considérée comme l'espace le plus somptueux de l’édifice. Le phare attire environ 24 000 visiteurs chaque année, principalement entre avril et octobre. Cependant, en raison de la structure délicate du bâtiment, seules trente personnes à la fois sont autorisées à monter dans les parties supérieures du phare.
Le phare de Cordouan est bien plus qu'un simple guide lumineux pour les marins. Il est un témoin vivant de l'histoire, un chef-d'œuvre architectural et un laboratoire d'innovation. Si vous cherchez à toucher du doigt la grandeur humaine et la majesté de la mer, une visite à ce "Versailles de la mer" s'impose. Car, comme le disait Joseph Conrad, "la mer est un espace de rigueur et de liberté".