
Sur les traces du vinaigre Dessaux à Orléans
20 Rue de la Tour Neuve Orléans
EN RÉSUMÉ
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À Orléans, le nom du vinaigre Dessaux réveille la mémoire d’une époque où les quais de Loire embaumaient l’acide et le chêne. Fondée en 1824 par Charles-Prosper-Alexandre Dessaux, la maison incarne l’âge d’or du vinaigre orléanais, un savoir-faire qui fit la renommée mondiale de la ville et façonna un véritable pan de son identité industrielle.
Gravure sur bois représentant une vinaigrerie à Orléans en 1884.
Au XIXᵉ siècle, Orléans devient la capitale française du vinaigre. Le transport des vins de la vallée de la Loire, souvent altérés à l’arrivée, favorise une fermentation naturelle dont les artisans font une spécialité : la fameuse méthode d’Orléans, en fûts de chêne, lente et patiente. C’est dans ce contexte que Charles-Prosper-Alexandre Dessaux fonde sa vinaigrerie, rue de la Tour-Neuve, au cœur d’Orléans. L’activité grandit vite : les ouvriers brassent le vin dans de vastes cuves, les fûts empilés s’ouvrent sur des effluves puissants, et les charrettes quittent chaque matin l’usine pour les quais du Roi, où la Loire sert de trait d’union entre tradition locale et commerce mondial.
Buvard publicitaire pour la moutarde au vinaigre Dessaux.
L’entreprise Dessaux et Fils devient un fleuron industriel. Dès 1865, elle exporte plus de 3 000 hectolitres, et à la veille du XXᵉ siècle, près de 12 000. Les barriques partent vers Paris, Marseille et l’Afrique du Nord, tandis que le site s’étend et structure tout un secteur ouvrier. Face aux vinaigriers de Reims ou de Dijon, Orléans revendique fièrement sa méthode, héritée d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Dans les années 1930, André Dessaux, héritier et futur résistant, modernise la production tout en restant fidèle à la fermentation naturelle, qui distingue le vinaigre orléanais de celui fabriqué à grande échelle. Ce double attachement — au progrès et à la qualité — fait de Dessaux un nom respecté bien au-delà de la région.
Vinaigre balsamique, vinaigre de vin rouge et vinaigre de vin blanc.
Mais après un siècle et demi d’activité, l’industrie locale s’essouffle. Le rachat par Amora en 1964 précipite la fermeture du site en 1983. Les lourdes portes en bois se ferment, laissant derrière elles des odeurs persistantes et un vide symbolique dans le paysage orléanais. Depuis, les bâtiments de brique, notamment ceux de la rue des Africains et de l’ancien entrepôt du quai du Roi, ont trouvé une nouvelle vie : ateliers, espaces d’art, projets urbains. Aujourd’hui encore, l’ancienne vinaigrerie Dessaux conserve la mémoire d’un siècle de vie ouvrière, témoin d’une époque où le parfum du vinaigre flottait sur tout un quartier d’Orléans.
Crédit photo de couverture / Source : Edgard Derouet et Paul Fromentier, Public domain, via Wikimedia Commons