Le vol de la Joconde : l’incroyable audace de Vincenzo Peruggia

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Le 21 août 1911, la Joconde disparaît du Louvre. Pendant près de deux ans, le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci va rester introuvable. L’homme derrière ce vol insensé ? Un ouvrier italien sans fortune, Vincenzo Peruggia, devenu malgré lui une légende de l’histoire de l’art.

“On pense, on pense encore A celle qu'on adore, Et l'on revient toujours A ses premiers amours.”

De Charles-Guillaume Etienne dans "Joconde ou les coureurs d'aventures"

 

Le jour où le Louvre perd son sourire

Lundi 21 août 1911. Un visiteur demande à un gardien où se trouve La Joconde. Le gardien s’approche du mur du Salon Carré, mais la place est vide. À la place du tableau, seul le support métallique demeure. Pensant d’abord à une séance photo, les employés ne s’alarment pas. Ce n’est que quelques heures plus tard qu’ils comprennent l’impensable : le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci a été volé. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Le Louvre ferme ses portes, la police est appelée, et la presse s’enflamme : la France vient de perdre son trésor le plus précieux.

Vincenzo Peruggia, itinéraire d'un homme ordinaire

Vincenzo peruggia

Photo de Vincenzo Peruggia

Né en 1881 à Dumenza, dans une famille modeste de sept enfants, Vincenzo Peruggia est l’aîné d’un maçon et d’une mère au foyer. Très tôt, il quitte l’école pour travailler comme peintre en bâtiment à Milan. La crise économique le pousse à émigrer en France en 1908, où il trouve un emploi à Paris.

Mais la vie y est rude : les peintures au plomb l’empoisonnent lentement, provoquant un saturnisme qui le conduit à l’hôpital. Affaibli, isolé, victime du racisme anti-italien, Peruggia sombre peu à peu dans la méfiance et l’alcool. Deux arrestations pour vol et port d’arme le placent dans le radar de la police. Pourtant, personne ne se doute qu’il deviendra l’auteur du plus célèbre vol d’art du XXᵉ siècle.

En Tête à tête avec Mona Lisa

Vincenzio Peruggia stealing Mona Lisa 

Reconstitution du vol de la Joconde au Louvre.

Au début du XXᵉ siècle, le Louvre décide de protéger ses œuvres majeures sous verre, après une série de dégradations. La maison Gobier, spécialisée dans la verrerie, obtient le chantier. Parmi les cinq ouvriers recrutés figure Vincenzo Peruggia.

Entre 1909 et 1911, il travaille dans le Salon Carré, où il découpe et polit les verres des toiles italiennes. Souvent seul dans la salle, il passe des heures face à La Joconde, son regard croisant celui du sourire le plus célèbre du monde. C’est là que germe son idée.

Le 21 août 1911, vêtu de sa blouse blanche d’ouvrier, il entre au Louvre comme s’il venait travailler. Profitant d’un moment de calme, il décroche le tableau, le transporte dans une cage d’escalier isolée, retire le cadre et la vitre, enroule la toile et la cache sous sa blouse. Sans se presser, il quitte le musée, la Joconde sous le bras. Personne ne le remarque.

La Joconde s'est fait la malle

Mona Lisa stolen-1911

La place vacante de la Joconde dans le carré du Louvre, après avoir été volée en 1911.

Le lendemain matin, le peintre Louis Béroud et le graveur Frédéric Laguillermie viennent copier le chef-d’œuvre de Vinci. En découvrant le mur nu, ils préviennent la sécurité. Rapidement, la panique s’installe : le vol est confirmé. Dans un escalier menant à la cour Visconti, on retrouve le cadre Renaissance et la vitre protectrice. Des empreintes digitales sont relevées, mais aucune ne correspond aux 257 employés du Louvre. La presse s’empare de l’affaire, la police piétine, et le directeur du musée démissionne sous la pression publique.

Pourtant, le tableau n’est pas loin : Peruggia l’a caché sous son lit, dans une simple valise, rue de l’Hôpital-Saint-Louis, à Paris. Deux mois après le vol, l’inspecteur Brunet vient l’interroger. La chambre, modeste, ne suscite aucun soupçon. Le policier repart, ignorant que le chef-d’œuvre qu’il cherche se cache à quelques centimètres de lui.

La Joconde de retour en Italie

Shoot for the return of the painting of Leonardo La Gioconda at the Louvre Museum 1914 

Photo du retour de la Joconde au musée du Louvre, 4 janvier 1914

Deux ans passent. Malgré les récompenses offertes par La Société des amis du Louvre et la revue L’Illustration, la Joconde demeure introuvable. Fin 1913, Peruggia rentre en Italie et tente de la vendre à l’antiquaire Alfredo Geri à Florence. Pour vérifier l’authenticité de la toile, Geri fait appel à Giovanni Poggi, directeur de la Galerie des Offices. La ruse tombe à l’eau : une fois l’œuvre reconnue, les deux hommes préviennent la police, qui arrête Peruggia dans son hôtel.

Condamné à 18 mois de prison, il devient pourtant un héros national pour la presse italienne, qui salue son geste comme un acte patriotique. Après une tournée triomphale en Italie, la Joconde regagne le Louvre le 4 janvier 1914, sous les acclamations du public. Depuis, elle y est protégée derrière un verre blindé et demeure l’œuvre d’art la plus visitée au monde.

Les mystères d’un vol légendaire

Les motivations de Peruggia restent incertaines. Certains affirment qu’il voulait rendre la Joconde à l’Italie, “volée” selon lui par Napoléon. D’autres pensent qu’il agissait pour le compte du faussaire Eduardo Valfierno, qui aurait prévu de vendre des copies. Une dernière théorie, plus romantique, raconte qu’il aurait volé le tableau en souvenir d’un amour perdu, disparu dans une avalanche.

Quelles qu’aient été ses raisons, Vincenzo Peruggia a marqué à jamais l’histoire de l’art. Grâce — ou à cause — de lui, le sourire de Mona Lisa est devenu le plus célèbre du monde.