Charles de Gaulle à Lille : l’enfance d’un chef

9 Rue Princesse Lille

Avant d’être chef de la France libre, Charles de Gaulle fut un petit garçon du Vieux-Lille. Né en 1890 dans sa maison natale, au 9 rue Princesse, il y passe ses vacances jusqu’à l’âge adulte. Dans cette maison bourgeoise devenue musée, se dessine l’enfance de Charles de Gaulle : entre rigueur familiale, jeux de guerre, foi et premiers écrits.

L'HISTOIRE EN BREF

Naissance à Lille : dans la maison d’enfance d’un futur chef

Acte de naissance de Charles de Gaulle.

Le 22 novembre 1890, dans une pièce haute de plafond encore tiède du feu de la veille, Jeanne Maillot donne naissance à son troisième enfant. Quelques heures plus tard, il est baptisé à l’église Saint-André, juste en face. Son parrain est professeur à la faculté, sa marraine est une tante pieuse. On prie, on inscrit l’acte au registre. Déjà, tout respire l’ordre, la foi, la mémoire. La maison natale de Charles de Gaulle, située au 9 rue Princesse à Lille, est bien plus qu’un toit : parquet ciré, nappes amidonnées, horloge au tic régulier… un monde clos, réglementé comme un pensionnat, mais chaleureux comme un foyer d’hiver.

Embed from Getty Images

Reproduction de la photo d'Henri et Jeanne de Gaulle, les parents du jeune Charles.

Charles y revient chaque année, jusqu’à ses 22 ans. Dans le jardin d’hiver, avec ses frères et cousins, il aligne ses soldats de plomb, donne des ordres, organise des batailles — et modifie les règles s’il perd. Il monte sur une chaise et déclame, bras levé : « Soldats ! En avant pour la France ! » Quand il sort, c’est pour une gaufre chez Meert, qu’il paie d’une pièce donnée par sa grand-mère. Dans les rues du quartier, il croise les enfants des faubourgs. Ce contraste, il le perçoit, l’absorbe. C’est là, dans ce Lille mêlé, qu’il forge ses premières idées d’ordre, de mérite et de nation.

Premiers combats : école, mémoire, écriture

Les 5 enfants d'Henri de Gaulle et Jeanne Maillot. De gauche à droite : Xavier, Marie-Agnès, Charles, Jacques et Pierre (vers 1899).

À six ans, pendant une épidémie de scarlatine, Charles retourne à Lille. Il fréquente l’école des Sœurs de la Sagesse, place des Bleuets. Il y apprend à lire, vite, et surtout à retenir. Des noms, des dates, des chants, des prières, des récits de bravoure. De retour à Paris, il entre à l’Immaculée-Conception, dirigée par les jésuites, où enseigne son père. L’ambiance est austère. On le surnomme “’asperge”, “le dindon”. Mais il s’accroche. En 1906, il reçoit six premiers prix lors de la distribution annuelle. Il lit Barrès, Bergson, Péguy, admire les grands discours, les figures de résistance.

Paris 1908, photo de classe du jeune de Gaulle pendant son année de préparation à St-Cyr, au collège Stanislas. (Debout, 3ème à gauche)

À quinze ans, il rédige une fiction où il se met en scène en général sauvant la France. Un an plus tard, il remporte un concours de théâtre à Lille avec une pièce intitulée Une mauvaise rencontre. Il choisit la publication plutôt que la récompense. La parole devient déjà un outil de volonté. En 1909, il est reçu à Saint-Cyr, 119e sur 221. En 1912, il en sort 13e. Affecté au 33e régiment d’infanterie à Arras, il sert sous les ordres d’un officier rigide et respecté : le colonel Philippe Pétain.

De la guerre à l’idée : tranchées, captivité et doctrine

Le capitaine Charles de Gaulle en 1915.

En août 1914, la guerre éclate. Charles de Gaulle, 23 ans, est blessé à Dinant, puis en Champagne. Le 2 mars 1916, il est capturé à Douaumont, transpercé à la cuisse. Déclaré mort, il est en réalité prisonnier des Allemands. Il passera 32 mois en captivité, dans six camps différents. Cinq fois, il tente de s’évader. Cinq fois, il échoue. À Ingolstadt, il partage sa cellule avec Toukhatchevski, futur maréchal soviétique. Même en prison, il reste officier : droit, rasé, en uniforme. Il enseigne, corrige, commente. Il pense déjà au combat de demain.

Charles de Gaulle photographié durant sa mission militaire en Pologne, vers 1920.

En 1919, il part pour la mission militaire française en Pologne. Il y contribue à la défense de Varsovie. Ses rapports stratégiques sur l’usage des chars et la guerre de mouvement annoncent une doctrine neuve. Il est cité à l’ordre de l’armée. De retour à Paris, il devient instructeur à Saint-Cyr. C’est là que Pétain, devenu maréchal, le prend sous son aile. Il l’impose à l’École de guerre, l’encourage à publier. **Le maître et l’élève. L’un pense stratégie, l’autre doctrine. À cette époque, ils croient encore se battre pour la même France. Quinze ans plus tard, ils seront face à face.

Aujourd’hui encore, au 9 rue Princesse à Lille, le jardin d’hiver de la maison natale de Charles de Gaulle est là. Silencieux. Presque inchangé. C’est là, entre ombre et verrière, que le petit Charles rêvait déjà de grandeur. Le lieu est aujourd’hui ouvert au public : un musée Charles de Gaulle à Lille, où l’Histoire commence à hauteur d’enfant.

Note aux lecteurs

Les livres que nous vous proposons à travers l'article sont vendus en affiliation avec nos partenaires commerciaux. Ce sont les commissions que nous touchons sur chaque vente, qui permettent de financer Ystory dans la construction de cette mémoire collective multimédia.

GLOSSAIRE

Bourgeoisie industrielle : Classe sociale aisée, souvent propriétaire d’usines ou d’entreprises au XIXe siècle, notamment dans le Nord de la France. La famille maternelle de De Gaulle appartenait à cette classe.
Jardin d’hiver : Espace vitré à l’intérieur d’une maison bourgeoise, utilisé comme lieu de détente ou de jeu. Celui de la maison de Gaulle servait aux enfants pour leurs batailles de soldats de plomb.
Soldats de plomb : Jouets en métal représentant des militaires. Charles de Gaulle enfant s’imaginait souvent à la tête de l’armée française pendant ses jeux.
Jésuites : Membres de la Compagnie de Jésus, ordre catholique enseignant. De Gaulle a étudié dans des écoles dirigées par des jésuites, à Paris et en Belgique.
Maison des Illustres : Label officiel français désignant des demeures ayant accueilli des personnalités marquantes de l’histoire nationale. La maison de Gaulle a reçu ce label en 2011.
Première communion : Rite catholique marquant l’entrée d’un enfant dans la vie sacramentelle. Charles de Gaulle l’a faite à Paris en 1901.
Saint-Cyr : École militaire prestigieuse formant les officiers de l’armée française. Charles de Gaulle y entre en 1909.
Immaculée-Conception (collège) : Établissement parisien catholique dirigé par les jésuites où enseignait Henri de Gaulle, le père de Charles.
Église Saint-André (Lille) : Église baroque dans laquelle Charles de Gaulle fut baptisé le jour même de sa naissance.

POUR SE REPÉRER

APPEL À CONTRIBUTION

Ce sujet mérite sûrement un article complet !

Vous connaissez son histoire par cœur ?

Alors venez nous la raconter en détail ! Nous vous invitons à rejoindre notre communauté de passionnés, en venant partager vos connaissances sur Ystory. En participant à ce projet, vous contribuerez non seulement à faire vivre l'histoire des sujets qui vous passionnent, mais aussi à enrichir la base de données de notre mémoire collective !