Le train forestier d’Abreschviller, moteur économique de la forêt vosgienne

2 Place Norbert Prévôt Abreschviller

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EN RÉSUMÉ

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Né au cœur des Vosges à la fin du XIXᵉ siècle, le chemin de fer forestier d’Abreschviller servait d’abord à transporter le bois des montagnes vosgiennes vers la vallée. Aujourd’hui transformé en train touristique, il perpétue le souvenir d’une époque où l’industrie vivait au rythme de ceux qui travaillaient dans la forêt.

Sous l’administration allemande, les forêts d’Abreschviller deviennent dès 1884 un terrain d’expérimentation pour l’exploitation moderne du bois. Les ingénieurs des Eaux et Forêts impériales tracent un réseau de voies ferrées à écartement étroit de 70 cm, destiné à relier les zones d’abattage du bois aux scieries de la vallée. Les locomotives à vapeur franchissent les pentes du massif du Donon, tirant des wagons chargés de grumes, ces longs troncs fraîchement abattus destinés au sciage. Le débit du bois alimente les constructions de Strasbourg, Metz et même de la Ruhr, témoignant du dynamisme d’un territoire frontalier en pleine industrialisation. À son apogée, le réseau transporte plus de 30 000 m³ de bois par an, mobilisant près d’une centaine d’ouvriers forestiers, machinistes et scieurs. Peu à peu, la fumée des locomotives s’est mise à flotter au-dessus des vallées : signe visible d’un territoire désormais relié à l’économie moderne.

Waldbahn von Alberschweiler

Le petit train d'Abreschviller au temps de l'exploitation forestière.

À partir de 1892, le trafic s’intensifie : de nouvelles sections sont ouvertes vers Lettenbach, Saint-Quirin et Walscheid, portant la longueur totale du réseau à près de 70 km. Le chemin de fer devient un poumon économique essentiel, animant la vallée au passage régulier des trains chargés de bois. Dans les années 1920, les locomotives Mallet et Jung assurent jusqu’à vingt rotations quotidiennes, transportant des grumes d’épicéa et de hêtre vers les scieries locales. Les forêts, autrefois isolées, entrent dans un cycle industriel continu. Mais après la Seconde Guerre mondiale, la mécanisation et l’arrivée des camions Berliet précipitent le déclin du rail : le trafic chute de moitié en dix ans et le coût du bois de transport double. Les rails rouillent, les gares ferment, et en 1966, il ne reste plus qu’un tronçon de 12 km.

O&K loc, fabrieksnummer 8293, bouwjaar 1916, hier bij Lettenbach, tijdens haar dienstjaren op de bosbaan van Abreschviller in 1920

 La locomotive O&K 8293 ici à Lettenbach en 1920, durant ses années de service sur la ligne forestière d'Abreschviller. 

En 1968, une poignée de passionnés fonde l’Association du Chemin de Fer Forestier d’Abreschviller (A.C.F.A.) pour sauver ce patrimoine. Avec l’aide de la commune et de l’Office national des forêts, ils restaurent la locomotive Mallet n° 476 de 1906, construite par la Maschinenfabrik Heilbronn, et remettent en service d’autres machines à vapeur et diesels d’époque. Dès 1969, les premiers trajets touristiques sont inaugurés : les visiteurs découvrent tunnels, viaducs et la scierie du Grand Soldat, où la roue hydraulique du XIXᵉ siècle actionne toujours le haut-fer. Aujourd’hui, le train parcourt ses 12 km à travers la vallée de la Sarre Rouge, au sud de Sarrebourg. Le sifflet de la locomotive résonne entre les sapins, l’air sent la résine et la graisse chaude : chaque voyage devient une plongée dans un siècle d’histoire industrielle et humaine. Avec plus de 30 000 visiteurs par an, Abreschviller rappelle que le patrimoine du travail, quand il renaît de la passion locale, peut encore faire battre le cœur des forêts.

Crédit photo de couverture / Source : Niko67000, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons


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