Le Gendarme de Saint-Tropez : le cinéma populaire au sommet du box-office

En 1964, "Le Gendarme de Saint-Tropez", une comédie modeste tournée au cœur de la Côte d’Azur avec un Louis de Funès encore cantonné aux seconds rôles, devient un raz-de-marée populaire. Avec ses gags irrésistibles, ses personnages décalés et son décor de carte postale, le film propulse l’acteur au sommet du cinéma français. Retour sur les coulisses d’un succès inattendu, devenu culte en France… et au-delà.

L'HISTOIRE EN BREF

Un simple vol à l'origine d’un film culte

La gendarmerie du film « Le Gendarme de Saint-Tropez »

Tout part d’un vol à Port-Grimaud. En 1961, alors qu’il admire la vue, le scénariste Richard Balducci se fait dérober sa caméra. À la gendarmerie de Saint-Tropez, l’accueil nonchalant d’un fonctionnaire le frappe : « Votre voleur, on le connaît. Il s’appelle Gaspard. La semaine dernière, on l’a raté de vingt-cinq mètres. » L’absurde de la situation déclenche une idée : faire une comédie sur une brigade de gendarmes dépassés par leur époque.

Une partie de l'équipe du film « Le Gendarme en balade » en Suisse pour la promotion du film. En bas, Jean Lefebvre, Louis de Funès et le réalisateur Jean Girault.

Balducci en parle à Louis de Funès, qui, séduit par l’idée, propose aussitôt le projet à ses producteurs. Loin de se cantonner à son rôle d’acteur, de Funès coécrit le scénario aux côtés de Jean Girault et Jacques Vilfrid, apportant ses idées de gags, de personnages et de situations burlesques. Il joue également un rôle central dans le choix des acteurs, imposant plusieurs partenaires de théâtre ou de cinéma qu’il connaît bien. Le succès récent de Pouic-Pouic pousse naturellement à reconduire Jean Girault à la réalisation. Ensemble, ils imaginent Ludovic Cruchot, un maréchal des logis-chef colérique et zélé, muté dans une brigade de bras cassés. Le casting s’organise vite : Michel Galabru remplace au pied levé Pierre Mondy ; Geneviève Grad incarne Nicole, la fille rebelle de Cruchot ; France Rumilly devient sœur Clotilde, religieuse fantasque en 2CV.

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Louis de Funès en 1964 dans le rôle de « Cruchot » et sa fille imprudente « Nicole » interprétée par Genevieve Grad.

Avec un budget modeste de 1,3 million de francs, le film est tourné en couleur, un choix audacieux pour l’époque dans une comédie, où le noir et blanc reste encore la norme. Le film accentue cette transition visuelle : après une ouverture en noir et blanc dans la campagne, la couleur surgit dès l’arrivée à Saint-Tropez, signalant l’entrée dans un univers plus léger et fantasque. Ce choix renforce le charme visuel du film, son ancrage dans une ambiance estivale et contemporaine. Pensé d'abord comme une comédie simple et efficace, sans ambition autre que le divertissement, Le Gendarme de Saint-Tropez est réalisé dans un esprit décontracté, presque artisanal… sans imaginer le raz-de-marée populaire qu’il allait provoquer.

Moteur, ça rigole ! Un tournage libre comme l’air

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Louis de Funès, Michel Modo, Guy Grosso et Michel Galabru lors du tournage du film "Le Gendarme en balade" à Saint-Tropez en juin 1970

Dès les premiers jours de tournage à l’été 1964, l’ambiance évoque celle d’une colonie de vacances. On tourne entre les ruelles du village, les plages de Ramatuelle et les studios de la Victorine à Nice. Le décor principal, la véritable gendarmerie de Saint-Tropez, devient immédiatement reconnaissable. Le réalisateur laisse libre cours à l’improvisation de de Funès, qui participe activement à l’invention de certaines scènes et gags visuels, comme le personnage fantasque de sœur Clotilde. Il est filmé en plan large pour capter ses gesticulations, grimaces et accélérations fulgurantes.

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Louis de Funès surveillant de très près les nudistes d’une plage de Saint-Tropez

Certaines scènes deviennent des joyaux burlesques. Cruchot imite une poule pour piéger un voleur de basse-cour, se déguise en milliardaire ou en moine pour infiltrer la jeunesse tropézienne, ou encore tente désespérément de piéger des nudistes sur la plage, toujours alertés à temps. Mais la plus marquante reste la poursuite en 2CV conduite par sœur Clotilde. France Rumilly, qui ne savait pas conduire, est doublée par Rémy Julienne, cascadeur légendaire.

Le vol par un ami de Nicole de la fameuse Mustang de Ford, modèle tout neuf à l'époque, est l'origine des péripéties autour du Rembrandt volé.

La Mustang rouge, clin d’œil aux nouveaux codes de richesse, devient aussi un élément narratif central. C’est à son bord que Nicole se fait remarquer… et que Cruchot se retrouve embarqué dans l'affaire d'un tableau de Rembrandt, volé au musée de l’Annonciade. Ces péripéties donnent au film un rythme de farce policière ensoleillée. Le refrain « Douliou-douliou Saint-Tropez », chanté par Geneviève Grad, parachève cette ambiance estivale, légère et joyeuse.

De Saint-Tropez à la planète entière

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Dans « Le Gendarme de Saint-Tropez », Cruchot et ses hommes ont accompli leur mission avec succès, et sont célébrés par les habitants de la ville sur le port de St Trop

À sa sortie le 9 septembre 1964, le film fait un carton avec 7,8 millions d’entrées en France. La critique est tiède, parfois moqueuse, mais le public plébiscite cette comédie sans prétention. À 50 ans, Louis de Funès devient une star nationale. Cruchot incarne à la fois l’autorité caricaturale et le Français débrouillard. Le personnage est lancé. Et Saint-Tropez aussi : le village devient l’un des symboles de l’été, du cinéma et de la comédie à la française.

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Louis de Funès et Michel Galabru sur le tournage du « Gendarme et les gendarmettes » de Jean Girault à Saint-Tropez le 7 avril 1982

La saga reflète l’évolution de la société française : mariage, retraite, émancipation féminine… et même une rencontre avec des extra-terrestres. Le Gendarme à New York (1965), Le Gendarme se marie (1968), Le Gendarme en balade (1970), Le Gendarme et les extra-terrestres (1979) et Le Gendarme et les gendarmettes (1982) prolongent le succès, tout en suivant les mutations de leur époque. Mais ce succès n’est pas que français. À l’international, le film traverse les frontières : en Italie, Allemagne, Espagne, URSS, on rit aux grimaces de Cruchot sans avoir besoin de traduire. Le comique visuel de de Funès fonctionne partout. Le film est même perçu comme une carte postale vivante de la France, entre képi et plage, tradition et modernité. Saint-Tropez devient un mythe mondial, et la gendarmerie un lieu de pèlerinage cinéphile.

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Mai 1965 à l’aéroport d'Orly, où viennent de débarquer les acteurs du film « Le Gendarme de Saint-Tropez ». Louis de Funès en uniforme salue le photographe.

Aujourd’hui encore, la saga continue d’être rediffusée chaque été à la télévision, réunissant des millions de spectateurs. À Saint-Tropez, la gendarmerie transformée en musée reçoit des milliers de visiteurs. Et dans la mémoire collective, Le Gendarme de Saint-Tropez reste un repère joyeux : un moment de cinéma populaire où l’uniforme rime avec soleil, rire et… gloire au box-office.

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GLOSSAIRE

Louis de Funès : acteur comique français emblématique, devenu célèbre grâce au rôle du maréchal des logis-chef Cruchot dans la saga du Gendarme.
Jean Girault : réalisateur de la série des Gendarmes, il coécrit les scénarios avec Jacques Vilfrid et Louis de Funès.
Richard Balducci : scénariste à l’origine de l’idée du film, inspirée d’un vol de caméra vécu à Port-Grimaud.
Michel Galabru : acteur interprétant l’adjudant Gerber, supérieur placide de Cruchot.
Geneviève Grad : comédienne incarnant Nicole Cruchot, fille de Ludovic, qui chante aussi la chanson du générique.
France Rumilly : actrice interprétant sœur Clotilde, religieuse fantasque en 2CV.
Rémy Julienne : célèbre cascadeur français, doublant France Rumilly dans les scènes de conduite.
Rembrandt : peintre néerlandais dont une œuvre fictive est au cœur de l’intrigue du film.
Douliou-douliou Saint-Tropez : refrain entraînant de la chanson du film, devenu culte.
Gendarmerie de Saint-Tropez : bâtiment réel utilisé comme décor, aujourd’hui musée du cinéma.

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QUESTIONS FRÉQUENTES

Quel est le point de départ réel du film Le Gendarme de Saint-Tropez ?
Le film est né d'une anecdote vécue par Richard Balducci, victime d’un vol à Port-Grimaud. L’accueil lunaire des gendarmes lui inspire une comédie sur leurs mésaventures.

Louis de Funès a-t-il participé à l’écriture du film ?
Oui, Louis de Funès a coécrit le scénario avec Jean Girault et Jacques Vilfrid. Il a également influencé le choix du casting et apporté de nombreuses idées de gags.

Où a été tourné le film ?
Le film a été tourné à Saint-Tropez, sur les plages de Ramatuelle et aux studios de la Victorine à Nice. La vraie gendarmerie de Saint-Tropez a servi de décor principal.

Pourquoi la scène de la sœur en 2CV est-elle culte ?
Elle symbolise l’humour burlesque du film. France Rumilly, qui joue la sœur, ne savait pas conduire. Elle fut doublée par Rémy Julienne dans cette scène spectaculaire.

Quel impact la saga du gendarme a-t-elle eu sur Saint-Tropez ?
Il a contribué à forger son image de village mythique, festif et solaire. La gendarmerie est devenue un musée visité chaque année par des milliers de cinéphiles.

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