Le Blockhaus d'Éperlecques est un site monumental qui évoque encore aujourd’hui, les jours sombres de la seconde guerre mondiale. C’est au milieu d’une foret paisible que se cache ce Blockhaus, véritable cathédrale de béton, qui aurait pu changer le cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans cet article nous vous proposons d’explorer les profondeurs de ce lieu historique, et de découvrir quels étaient les plans d’Hitler à partir du Blochaus d’Eperlecques.
La genèse du projet du Blockhaus d'Éperlecques
Contexte Historique de sa Construction
Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne nazie subie la pression incessante des armées alliées. Pour inverser La tendance, Hitler initie un ambitieux programme de construction de site de lancement pour ses fusées V2. Le Blockhaus d'Éperlecques fait partie de ce projet colossal. Il a pour objectif d'abriter et de lancer des missiles V2, première arme balistique à longue portée au monde, véritable prouesse technologique de l'époque. Conçu par les scientifiques allemands sous la direction de Wernher von Braun, le missile V2 représentaient l'avant-garde de la technologie militaire.
Cette arme révolutionnaire, aussi connu sous le nom d'A4, était une réponse directe aux pertes subies par l'Allemagne dans les combats aériens et terrestres. Avec cette « arme miracle », Hitler espérait changer le cours de la guerre, en semant la terreur et la destruction sur Londres et toutes les villes britanniques du sud de l’Angleterre. Une campagne de bombardement sans précédent, qui sèmerait chaos et désolation, et qui selon Hitler devait permettre de démoraliser et mettre à bas toute envie de résistance des populations civiles.
Choix du Site et Début de la Construction
Le choix du site pour le Blockhaus d'Éperlecques, baptisé par les Allemands Kraftwerk Nord West (KNW), n'a pas été laissé au hasard. Situé dans la région du Pas-de-Calais, le nord de la France offrait plusieurs avantages stratégiques incontestables. D'abord, sa proximité relative avec le Royaume-Uni (seulement à quelques centaines de kilomètres de l'Angleterre) rendait le site particulièrement apte pour les missions de bombardement envisagées avec les missiles V2. Les cibles potentielles, notamment Londres et d'autres villes importantes du sud de l'Angleterre, étaient à portée directe, ce qui promettait une efficacité opérationnelle maximale pour le régime nazi.
De plus, le lieu choisi bénéficiait d'un camouflage naturel grâce à la dense forêt d'Éperlecques. Cette couverture végétale offrait une protection visuelle contre la reconnaissance aérienne alliée, un atout non négligeable dans un contexte de guerre totale où la détection précoce pouvait signifier l'échec d'une mission. A l’époque la région est un axe stratégique militaire majeur notamment grâce à ses infrastructures existantes. En effet ses les lignes ferroviaires et ses routes, permettent ainsi un approvisionnement constant et efficace pour la logistique allemande. Des atouts essentiels pour le transport du matériel lourd et des ressources nécessaires à la construction d’un tel ouvrage.
Architecture et Fonctionnement
Conception du Blockhaus
La conception du Blockhaus d'Éperlecques incarne le savoir-faire de l’ingénierie allemande de l’époque, qui alliait l’ingéniosité et la robustesse dans ses constructions défensives. Avec une silhouette dominante et imposante, le blockhaus était envisagé comme un bastion de la technologie et de la puissance militaire, capable d'orchestrer une campagne de bombardement sans précédent avec les missiles V2.
Le design du blockhaus devait répondre à plusieurs objectifs critiques : premièrement, il devait être suffisamment grand pour accueillir et lancer une flotte considérable de missiles V2. Cela impliquait des dimensions massives et un agencement complexe interne pour stocker, maintenir, et préparer les missiles à leur lancement rapide et continu. L'ambition était de créer une cadence de tir soutenue, transformant le site en une véritable usine de guerre.
Une Infrastructure défensive
Pour protéger cette installation vitale, une attention particulière a été portée à la construction de sa structure. Le béton armé a été choisi pour sa robustesse et sa capacité à résister aux attaques aériennes. Les murs du blockhaus étaient exceptionnellement épais, certains atteignant plusieurs mètres, conçus pour résister aux bombardements les plus intensifs.
La menace constante de l'aviation alliée a grandement influencé la conception du blockhaus. Chaque aspect de la structure visait à minimiser les vulnérabilités et à assurer la continuité des opérations, même sous feu ennemi. Outre l'épaisseur des murs, le blockhaus incorporait des éléments de design destinés à dévier ou absorber les impacts, ainsi que des systèmes internes pour gérer les dommages et maintenir le site opérationnel.
Une construction à marche forcé
Les ouvriers, des travailleurs prisonniers
Des travailleurs forcés sur une base de sous marins à Breme en Allemagne
En mars 1943, sous la houlette de Franz Xaver Dorsch de l'Organisation Todt, un contingent de 6 000 hommes du 434e bataillon de construction fut mobilisé pour édifier le Blockhaus d'Éperlecques. Ces hommes, venant de divers horizons et contraints à la construction, incluaient des experts allemands ainsi que des civils et prisonniers de guerre de plusieurs nationalités européennes, recrutés sous la contrainte du service de travail obligatoire. Parmi eux, on trouvait aussi des prisonniers politiques, des résistants français ou des républicains espagnols exilés. Tous étaient logés dans des camps près du chantier, rigoureusement surveillés par la police française, elle-même appuyée par des collaborateurs belges, hollandais et des prisonniers de guerre soviétiques ralliés à la cause ennemie.
Malgré les sanctions sévères, l'esprit de résistance ne fléchissait pas, et chaque jour, des tentatives d'évasion mettaient en lumière la détermination indomptable de ces hommes à retrouver la liberté. Les plaintes du commandant du camp, comparant la garde de ces travailleurs à celle d'un sac de puces indisciplinées, témoignent de la résilience et de l'esprit inébranlable de ceux qui cherchaient à échapper à cet enfer. Durant les six mois que dura cette construction titanesque, plus de 35 000 travailleurs étrangers ont laissé leur empreinte dans le sol et la structure du Blockhaus d'Éperlecques, un monument qui se dresse aujourd'hui, comme un mémorial silencieux bâti en l’honneur de leur souffrance et de leur courage.
Des conditions de détention inhumaines
Travailleuses forcées portant le badge de "l'OST" qui vienne d'être libérée près du camp de Lodz
Les équipes de travailleurs, rassemblant entre 3 000 et 4 000 âmes, se relayaient dans des marathons épuisants de 12 heures, faisant avancer le chantier du Blockhaus d'Éperlecques jour et nuit, chaque jour de la semaine, dans une cadence ininterrompue. Lorsque l'obscurité tombait, des projecteurs puissants perçaient la nuit, permettant que la lourde tâche continue sans répit. Les conditions dans lesquelles ces hommes étaient contraints de travailler étaient impitoyables, surtout pour ceux venus des pays de l'Est européen et les prisonniers politiques, confrontés à une dureté extrême.
Dans ce régime de travail forcé, les maladies et les blessures graves étaient synonymes de sentences mortelles pour les ouvriers non allemands. Ignorés ou renvoyés sans ménagement dans les camps de provenance, ces hommes étaient confrontés à une réalité où la vie humaine était dramatiquement dévaluée. Une commission d'inspection a révélé la brutalité de cette réalité avec des termes glacials, notant la résilience presque surhumaine des travailleurs de l'Est, contraints de travailler jusqu'à l'épuisement total, réduits à des fins tragiques sous le regard indifférent de ceux qui étaient censés les soigner.
Les alliés à l’affût
La découverte du chantier par les Alliés
Photo de reconnaissance aérienne du site de construction du Blochaus d'Eperlecques
Au printemps de 1943, des signes précurseurs de l'activité massive au Blockhaus d'Éperlecques commencèrent à émerger. Un espion des Alliés fit état de vastes fouilles et de tranchées colossales creusées dans le terrain dès le début d'avril, et mi-mai, des clichés aériens capturés par la Royal Air Force révélèrent une activité mystérieuse et intensive. À cette époque, la nature exacte de ces constructions massives disséminées à travers le Pas-de-Calais demeurait un mystère pour les Alliés, suscitant de l'inquiétude chez des figures telles que Lord Cherwell, conseiller scientifique de Winston Churchill, qui suggéra la destruction de ces structures imposantes en présumant leur importance stratégique pour l'ennemi.
Face à l'escalade des constructions et à l'urgence de la situation, le Comité des chefs d'état-major britannique a pris la décision fin mai d'initier des attaques aériennes ciblées contre ces sites, dont Éperlecques. L'impératif de ces frappes a été renforcé par Duncan Sandys, figure centrale de l'armement britannique, qui souligna la nécessité d'agir rapidement face à la progression rapide des travaux sur le site. Malgré certaines divergences d'opinion au sein de l'état-major américain sur la nature exacte du site, un consensus se forma autour de la menace potentielle que représentait Éperlecques, menant à la planification de bombardements diurnes par l'aviation américaine, une stratégie qui marquerait bientôt le destin du site.
L’heure des Bombardements
La Destruction du blockhaus d'Éperlecques
Le 27 août 1943, une escadre de 187 B-17 de la 8th USAAF américaine descendit sur Éperlecques, déchaînant une vague de destruction sur le site en construction. La violence de l'assaut a particulièrement impacté la construction du blockhaus. Le site, autrefois symbole d'ambition technologique, n'était plus qu'une ruine, un amas de ferraille et de morceaux de béton.
Le raid ne fut pas sans victimes humaines, avec des centaines de travailleurs forcés pris dans le feu de l'action. Les stratégies visant à minimiser les pertes civiles lors du changement d'équipes furent contrecarrées par des modifications de dernière minute orchestrées par les Allemands. Ce jour tragique vit aussi la perte du commandant français René Mouchotte, dont le courage est immortalisé sur une plaque commémorative exposée sur les restes du blockhaus.
L’ultime tentative de reconversion
À cette époque, seulement 35% du Blockhaus d'Éperlecques était achevé, et il était clairement devenu inutilisable comme base de lancement. Les Allemands réorientèrent leurs efforts vers la production d'oxygène liquide, cruciale pour leurs autres installations de missiles. Les ingénieurs, sous l'égide de Werner Flos, ont entrepris des mesures audacieuses pour sauvegarder ce qui restait du site, notamment en érigeant un toit massif pour protéger les installations restantes. Malgré cela, les attaques alliées persistaient, rendant chaque jour plus périlleux que le précédent pour le site d'Éperlecques.
Le 3 juillet 1944, le haut commandement allemand, reconnaissant l'inévitabilité de la défaite sur ce front, ordonna l'arrêt des travaux à Éperlecques et à Wizernes, tous deux gravement endommagés. Mais ce n'était que le prélude à une destruction plus radicale : quelques jours plus tard, une bombe Tallboy s'abattit sur le blockhaus, le laissant irrémédiablement mutilé. Face à cette succession de coups, les plans pour des sites de lancement souterrains furent abandonnés, et le Blockhaus d'Éperlecques, réduit à une coquille vide, fut laissé à l'histoire, un monument austère aux ambitions déchues et aux ravages de la guerre.
Découverte par les Alliés
Fin de la Guerre et Capture
Le 3 septembre 1944, les forces canadiennes s’emparent du site d'Éperlecques, qui vient d’être abandonné par les Allemands. Dans leur retraite précipitée, les soldats du Reich coupèrent le pompage de l'eau dans les fondations, laissant ainsi une bonne partie du blockhaus hors d'atteinte. Malgré cela, le site devient un sujet d'étude pour les Alliés qui veulent comprendre son utilité et son fonctionnement.
Ainsi, le 10 septembre, le site reçoit la visite du physicien Frédéric Joliot-Curie et de Duncan Sandys, en charge d'un comité spécial britannique. Ils ont pour mission d'évaluer la menace que représentent ces sites technologiques ennemis. Inspiré par ces investigations, Sandys initia une mission d'exploration dirigée par le Colonel Terence Sanders, pour résoudre les mystères du blockhaus d'Éperlecques ainsi que ceux d'autres sites similaires. Leurs découvertes, détaillées dans un rapport présenté en mars 1945, allaient éclairer les plans futurs des Alliés.
Le Blockhaus Aujourd'hui
Le Blockhaus d'Éperlecques est aujourd'hui transformé en un musée à ciel ouvert. Classé monument historique en 1986, il invite ses visiteurs à découvrir la sombre histoire de sa création. Les visites guidées sur site, dévoilent non seulement les aspects techniques de cet ouvrage de guerre, mais aussi les récits personnels et émouvants de ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale dans la région.
C'est un lieu où l'histoire prend vie, où chaque visite est une expérience, une occasion d'apprendre, de réfléchir et pourquoi pas d’en sortir un peu transformer. Alors, si vous êtes curieux de l'histoire ou simplement à la recherche d'une expérience unique, le Blockhaus d'Éperlecques vous attend. Préparez-vous, l’histoire vous attend.