Le grand gel de 1683-1684 : un hiver hors du commun

22 D69 Néville

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EN RÉSUMÉ

L’hiver 1683-1684 fut l’un des plus terribles que l’Europe ait connus. Les grands fleuves gèlent, la mer se fige jusque dans les ports, les récoltes sont perdues et la famine menace. À Londres, on installe une foire sur la Tamise glacée ; à Paris, Louis XIV ordonne d’allumer des feux dans les rues pour réchauffer les pauvres. En Normandie aussi, l’hiver bouleverse la vie quotidienne : la mer est gelée, les rivières bloquées et même la Seine devient un terrain de foires et de cabarets.

Pour mesurer l’ampleur de ce froid exceptionnel, il suffit de lire le témoignage laissé dans le registre paroissial de Néville-en-Caux : voici ce que racontait Raulin Le Charpentier, curé du village…

« Pendant l’hiver de l’année 1684, ce qui suit est noté dans le registre des inhumations de la paroisse de Néville, à la page 137, dont voici la copie mot pour mot.

En l’année bissextile 1684 survint le plus grand hiver qui ait jamais été vu, tant par sa durée que par sa rigueur. Il commença à geler dès la Saint-Denis, le 9 octobre, mais cela ne dura pas. La gelée reprit dès le début du mois de décembre 1683, puis s’adoucit un peu avant Noël. Mais dès le lendemain de Noël, la neige se mit à tomber si abondamment qu’on pouvait à peine aller d’un village à l’autre.

Au commencement de 1684, le gel devint si fort et si violent qu’aucune rivière ne resta libre : toutes furent prises par la glace. Les mares et viviers s’asséchèrent tant la couche était épaisse. Même le long de la côte, dans les ports et havres de Saint-Valery, Veules et Dieppe, la mer fut gelée à perte de vue, jusqu’à six ou sept lieues au large. Aucun navire ne pouvait entrer ni sortir. La mer resta ainsi gelée un mois entier, et durant ce temps le flux et le reflux de la mer entraient dans le port sans rompre la glace, qui ne faisait que se soulever légèrement à la marée montante et redescendre à la marée basse.

La grande rigueur du froid dura jusqu’à la fin avril. On tint foire, marché et cabaret sur la Seine à Rouen, et la même chose se produisit sur la Tamise à Londres : courses de chevaux, carrosses, chasses au renard et au loup. Moi, curé de Néville, j’atteste cela pour l’avoir vu, et lu dans les mémoires et gazettes de l’époque.

Beaucoup de personnes moururent de froid ou en furent estropiées. À Paris, par ordre de Louis XIV, dit Louis le Grand, alors régnant, on alluma un grand nombre de feux dans les rues pour réchauffer les pauvres, geste suivi par plusieurs personnes de qualité. J’atteste que tout cela est vrai et je l’ai écrit pour la postérité.

Signé : Raulin Le Charpentier, curé de Néville-en-Caux, doyenné de Canville, élection de Caudebec, archevêché de Rouen.

Ensuite survint un été si sec et si chaud qu’il causa une stérilité universelle.

Je soussigné certifie avoir moi-même copié cette observation dans le registre des inhumations de la paroisse de Néville, à l’occasion de l’hiver de 1789, qui fut presque aussi rigoureux que celui de 1684.
Signé : Martin, curé de Gruchet-Saint-Siméon, ancien vicaire de Néville pendant 15 ans. »*

Crédit photo / Source : wikipedia

Lien vers le témoignage du curé 


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