
La forteresse de Mimoyecques, le bunker du projet V3
D249 Landrethun-le-Nord Pas-de-Calais
EN RÉSUMÉ
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Sous les collines du Pas-de-Calais, la forteresse de Mimoyecques incarne la démesure d’un projet fou imaginé par le régime nazi. Conçue à partir de 1943 pour abriter l’arme V3, un canon géant capable d’anéantir Londres depuis la côte française, elle reste l’un des vestiges les plus impressionnants de la guerre industrielle et souterraine.
Lorsque l’Organisation Todt s’empare du plateau de Landrethun-le-Nord au printemps 1943, l’ordre est clair : construire un site capable de loger cinq canons de 130 mètres de long. L’arme dite “Hochdruckpumpe” devait tirer cent obus à la minute sur 165 kilomètres, depuis les falaises du Boulonnais jusqu’à la capitale britannique. Des milliers d’ouvriers — prisonniers de guerre, déportés ou travailleurs forcés venus d’Europe de l’Est — creusent sans relâche, à la pioche et à la dynamite, un réseau de galeries profondes de 100 mètres dans la craie blanche. L’air y est saturé de poussière et de peur : peu reverront leur pays.
Reconstitution réalisée en 1944 du site est de la forteresse de Mimoyecques.
Alertés par la résistance française et les reconnaissances aériennes, les services britanniques découvrent la base. Dès 1944, les bombardiers Lancaster de la Royal Air Force déclenchent une série de raids d’une violence inouïe. Le 6 juillet 1944, les bombes “Tallboy” du célèbre escadron de Leonard Cheshire percent la roche avant d’exploser, engloutissant les galeries et scellant le destin du V3 avant même son premier tir. Le site, ravagé, sera repris par les Alliés quelques semaines plus tard. Le bilan est lourd : plusieurs centaines de travailleurs forcés périssent sous terre, tandis que les villages alentour, touchés par les explosions, comptent eux aussi leurs morts. Les bombardements massifs ont pourtant sauvé Londres d’une nouvelle pluie d’obus, empêchant la mise en service de l’arme la plus redoutable du programme nazi.
Photographie aérienne prise lors de l'attaque sur la forteresse de Mimoyecques, site d'armes secrètes allemandes, les V3.
Après la guerre, le lieu reste scellé pendant quarante ans, hanté par le souvenir des hommes qui y ont travaillé et péri. En 1984, il devient un lieu de mémoire ouvert au public. Aujourd’hui, dans les entrailles de ce bunker souterrain, la pierre suinte encore du froid de la guerre. Là où devait s’écrire la destruction, règne désormais un silence dense, rappelant combien l’ingénierie la plus moderne peut aussi engendrer la tragédie humaine la plus profonde.
Crédit photo de couverture / Source : Bodoklecksel, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
