Le château de Chambord, le rêve d'un Roi

Château Chambord Loir-et-Cher

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Octobre 1539. Charles Quint, empereur du Saint-Empire, pénètre dans la grande cour du château de Chambord. Ce qu’il découvre le laisse sans voix. Donjon monumental, tours d’un autre âge, escalier mystérieux : François Ier n’a pas construit un palais pour y vivre, mais pour impressionner.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Chambord : Le château des salamandres

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 François Ier et Marguerite de Navarre à Chambord

À son retour de Marignan, auréolé de gloire, François Ier décide de construire à Chambord un palais à son image : jeune, ambitieux, audacieux. Le lieu est choisi pour ses forêts riches en gibier, mais le sol, marécageux et instable, complique tout. Le roi ordonne l’enfoncement de pilotis de chêne sur 12 mètres de profondeur pour asseoir les fondations. Il fait détourner le Cosson pour créer des douves. Et depuis le port de Saint-Dyé, plus de 220 000 tonnes de tuffeau sont tirées par charrettes, dans une logistique titanesque. Les ouvriers, eux, vivent dans des conditions éprouvantes. Sur ce terrain inhospitalier, les fièvres sont fréquentes, les décès nombreux. On raconte qu’un charpentier dut être évacué après s’être enfoncé jusqu’à la taille dans un sol détrempé. Chambord, derrière sa perfection géométrique, est né dans la sueur et la boue.

Escalier Chambord

L'escalier à double révolution du château de Chambord. 

Le château de Chambord est un manifeste architectural. Son plan en croix grecque, inspiré des édifices religieux, place le roi au centre du monde. Le donjon est symétrique, chaque étage divisé en quatre quartiers rigoureusement identiques. Partout dans la pierre, la salamandre, emblème de François Ier, surgit : elle avale les bonnes flammes et crache les mauvaises, incarnation de la force du roi face aux épreuves. Mais c’est au cœur du bâtiment que réside le génie du lieu : un escalier à double révolution, deux spirales qui ne se croisent jamais, montées en parallèle comme deux processions invisibles. Son origine intrigue. Léonard de Vinci, alors présent en France à la cour de François Ier, n’en est peut-être pas l’auteur, mais son esprit souffle dans chaque volée de marches. François Ier n’y vit pas. Il y parade.

Léonard de Vinci & le mystère Chambord - 1

Louis XIV, Molière et le théâtre du pouvoir

VÜE DE CHAMBOR sic Maison Royal de France dans le Blesois. G.24759(2)

 Vue du château de Chambord, dans la seconde moitié du 18e siècle 

Après la mort de François Ier en 1547, Chambord reste en suspens. Ce n’est qu’un siècle plus tard que Gaston d’Orléans, frère du roi Louis XIII, y est assigné à résidence. Il sauve le château de la ruine : il répare les toitures, restaure les voûtes, termine le mur d’enceinte de 32 km, délimitant un domaine aussi vaste que Paris. C’est Louis XIV, entre 1660 et 1685, qui redonne vie au château. Il y séjourne à l’automne, avec la cour. On y chasse, on y joue, on y danse. Le 14 octobre 1670, Molière crée Le Bourgeois gentilhomme devant le roi. Le château devient une scène de théâtre du pouvoir. Le Roi-Soleil y installe un appartement de parade, fait canaliser le Cosson, trace une première version de jardin à la française. Mais là encore, le projet reste inachevé.

F - Schloss Chambord 017 

Au XVIIIe siècle, Stanislas Leszczynski, roi en exil et beau-père de Louis XV, trouve refuge à Chambord. Il y mène une vie retirée, jusqu'à ce que les fièvres paludéennes le forcent à fuir chaque été. Puis vient Maurice de Saxe, maréchal de France, qui transforme le château en base militaire raffinée. Il y organise des manœuvres, fait aménager un théâtre, et restaure les appartements. Il meurt dans ses murs en 1750. En 1821, une souscription nationale offre Chambord au comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France. Depuis l’exil, il finance des campagnes de restauration, ouvre le château au public, y expose des portraits de famille. Mais c’est la guerre du XXe siècle qui redonne à Chambord un rôle crucial.

Le roman de Chambord - 1

Un abri pour La Joconde : Chambord dans la guerre

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Le château de Chambord en 1940 

En 1939, à l’aube du conflit mondial, l’État français transforme Chambord en centre de repli des musées nationaux. Des milliers de caisses arrivent discrètement : La Joconde, La Liberté guidant le peuple, Le Radeau de la Méduse. Pendant l’Occupation, Chambord devient une forteresse silencieuse, gardienne des trésors de l’art français. À l’intérieur, des agents surveillent, ventilent, répertorient. Ils dorment sur place, prêts à fuir si l’ennemi approche. Après la guerre, le château est en partie vidé. Il est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1981, mais souffre encore d’un manque d’entretien. Il faudra attendre le XXIe siècle pour qu’il retrouve son visage d’antan. En 2017, après seize ans de recherches, le domaine entreprend la restitution exacte des jardins à la française dessinés en 1734. Un geste patrimonial fort, validé par la commission des monuments historiques, et financé par un mécène américain.

Château de Chambord, façade nord 

Aujourd’hui, Chambord est l’un des sites les plus visités de France. Plus de 70 pièces restaurées s’ouvrent aux visiteurs, qui peuvent monter jusqu’à la tour-lanterne, admirer les voûtes à caissons, s’égarer dans l’escalier à double révolution, ou simplement marcher dans un parc royal resté intact. Chambord n’a jamais été un lieu d’habitation. Il est né pour frapper, pour émerveiller, pour durer. Le roi peut dormir tranquille : sa vision tient encore debout.


Chambord cinq siècles de mystère - 1

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GLOSSAIRE

  • Château de Chambord : château royal construit à partir de 1519 par François Ier, chef-d'œuvre de la Renaissance française, situé en Sologne.

  • François Ier : roi de France (1515–1547), commanditaire de Chambord, grand mécène de la Renaissance.

  • Renaissance française : période artistique et intellectuelle influencée par l’Italie, caractérisée par le retour à l’Antiquité, la symétrie, la lumière et l’humanisme.

  • Tuffeau : pierre calcaire claire, utilisée pour la construction des châteaux de la Loire, extraite localement.

  • Pilotis de chêne : pieux de bois plantés dans le sol marécageux pour stabiliser les fondations de Chambord.

  • Cosson : rivière locale dont le cours a été détourné pour alimenter les douves du château.

  • Escalier à double révolution : escalier central à deux rampes hélicoïdales superposées, permettant à deux personnes de monter ou descendre sans se croiser.

  • Croix grecque : plan architectural en forme de croix aux branches égales, utilisé à Chambord pour symboliser la centralité du pouvoir royal.

  • Donjon : partie centrale du château, massive et fortifiée, héritée de l’architecture médiévale.

  • Tour-lanterne : structure culminante du château, au sommet de l’escalier central, surmontée d’une fleur de lys.

  • Voûtes à caissons : plafonds sculptés en reliefs géométriques, décorés des emblèmes royaux comme la salamandre.

  • Jardins à la française : jardins géométriques et symétriques conçus au XVIIIe siècle et restitués en 2017 selon le plan de 1734.

  • Comte de Chambord : Henri d’Artois, prétendant au trône de France, restaurateur et conservateur du domaine au XIXe siècle.

  • Centre de repli muséal : rôle joué par Chambord pendant la Seconde Guerre mondiale, servant d’abri aux œuvres majeures du patrimoine français, dont La Joconde.

Les Châteaux de la Loire - 1


POUR SE REPÉRER

 


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